L\\\'Enfant qui venait du futur

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Lisbeth. Jamais de remord

 

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Lisbeth se souvient de cette vieille barcasse qu'elle avait gardée aux Glycines, jusqu'à  ce que son père le brûle. Elle la réparait soigneusement, chaque saison. Le vieux rafiot aurait pu servir encore plusieurs années ! Mais il avait fallu qu'on le lui démolisse.

 

Elle retrouve dans ses dessins classés, la forme, petite, lourde, sans allure, affrontant courageusement le vent et les claques d'eau grise. Elle se repasse le film de ces vacances là, il y a déjà bien longtemps.

 

Ce matin là, les reflets aciers de la mer, rendent la Méditerranée encore plus attirante       que d'habitude. A force de barrer, Bess a une crampe dans l'épaule droite. De temps en temps,     elle se penche pour écoper l'eau, que des fissures toujours rebouchées en vain, laissent passer.     Elle a une grande tendresse pour son bateau. Elle ne se résigne ni à le donner, ni même à le   vendre à quelqu'un qui le remettant à neuf, lui donnerait une nouvelle vie.

 

Elle ne veut surtout pas le laisser détruire, comme on le lui a promis tant de fois. Evidemment, il faudrait rendre étanche la coque pourrie, changer le mât, le gouvernail, la     voilure. Acheter un voilier neuf aurait coûté moins cher. Mais c'était celui-là, qu'elle aimait.

 

En se courbant pour écoper une nouvelle fois, Bess aperçoit, au ras de l'eau, par l'espace laissé entre son genou bloquant la barre et le rebord du taquet, un point microscopique flottant au large. Elle pense que ce peut être un paquebot surgissant derrière l'horizon. Mais il disparaît plusieurs fois, caché par les vagues. Elle se rend compte qu'elle a mal évalué les distances.

 

Transvaser l'eau du fond prend, pendant un instant, toute son attention. Lorsqu'elle cherche de nouveau l'engin du regard, une anomalie la frappe. La petite tache pourrait être un grondin. Mais elle ne distingue aucun passager se détacher au dessus de ce qui devrait être la coque.

 

--  Il est impossible qu'une simple barque se soit aventurée jusqu'ici par ce temps houleux.   Les vagues ont une amplitude assez faible et le vent ne souffle pas très fort. Toutefois la conjugaison des deux, constitue un temps peu approprié pour une promenade. Les embarcations des pêcheurs ont toutes des mâts et des voiles en plus de leur moteur.

 

Bess met le cap sur le point. Derrière elle, la falaise de Crapet se profile avec une parfaite netteté. Glissant vers le sud-ouest, elle se place entre elle et Port Fallas. Le dériveur prend le vent au plus près et bondit de toute sa vieille carcasse.

 

--  Brave petit, chantonne-t-elle en le caressant de sa main libre. La courte pointe ovale sur laquelle elle se dirige, grossit en forme d'épave. Elle distingue maintenant une coquille retournée, enfoncée assez profondément dans l'eau. Sur le côté, montant et descendant avec le roulis, deux silhouettes confuses forment une excroissance plus pâle accrochée au canot.

 

Elle manœuvre pour virer devant,  passer du côté des naufragés,  et mieux juger de la situation. Mais elle est encore trop loin pour les héler. A la bordée suivante, elle les perd de vue et ne les retrouve qu'en virant tout près de la pointe renversée. Trop loin. Toujours trop loin, pour leur venir en aide.

           

--  Ce sont des enfants, s'exclame-t-elle tout à coup.

Les forces du plus petit ont l'air de décliner. L'autre essaie de lui maintenir la tête  hors de l'eau en s'accrochant au rebord. Bessie les serre de près, une nouvelle fois. Mais elle ne parvient pas à amener la voile assez vite pour s'arrêter contre eux. Elle doit lâcher la barre, laisser le bateau aller à la dérive, remonter la voile et repartir.

           

--  Si maman me voyait ! Elle qui m'interdit toujours de sortir seule en mer. Au deuxième essai, elle arrive en bout de course à moins de deux mètres des gosses. Mais ni l'un, ni l'autre ne peuvent lâcher leur appui. Elle essaye vainement de leur lancer un filin. Les deux embarcations s'éloignent l'une de l'autre inexorablement.

 

--  Je n'y arriverai jamais comme ça. D'ailleurs, il faut que j'écope. Il me semble que la falaise s'éloigne. Nous sommes attirés vers le large. Jamais je ne suis allée aussi loin avec ce vieil esquif. Je suis TRES loin, ajoute-t-elle avec inquiétude.

 

Elle ramène sa trévise mouillée, la roule avec soin. Elle met le bout sur le dessus du tas, remonte la voile et reprend le gouvernail. Au deuxième passage, elle lance le cordage qui tombe en travers de la carène. Et, bien qu'elle prenne de nouveau de la distance, elle peut, une fois la voile amenée, tirer sur la longe et rapprocher le bateau coulé, du sien.

 

Elle pense qu'elle a eu de la veine. Impossible de songer aux naufragés. Seule, la chance de n'avoir plus à lutter dans le froid et l'humidité, et de pouvoir envisager enfin le retour, remplit sa pensée. Le frêle corps qu'elle amène en premier, est inerte. L'autre enfant plus grand, résiste encore. Mais à peine embarqué, il commence à grelotter convulsivement en pleurant.

 

--  C'est nerveux. Ce n'est rien, lui assure Bess, en tremblant elle-même. C'est fini, n’ai pas peur. Calme-toi. Je dis que c'est fini, se marmonne-t-elle à elle-même, mais maintenant il faut rentrer. Pour remonter la voile, elle doit lâcher le môme inerte. Comme l'eau remplit l'intérieur et que le jeune visage glisse vers le fond, elle doit écoper.

 

--  Tiens-lui la tête au dessus du niveau, dit-elle au grand. Quand elle reprend le gouvernail,  elle lui confie le soin de jeter l'eau de mer par dessus bord. Le vent est assez constant. Par malheur,  en plus du liquide embarqué à chaque coup de tangage, la patache alourdie s'emplit par ses fentes.

 

--  Cette barrique antédiluvienne ne peut transporter qu'une seule personne à la fois, lui répétait toujours papa.

 

--  Par contre, la seconde peut écoper, pense Bess. Mais ici, le second passager ne puise pas, ou presque. Il faut que tu m'aides pourtant. Fais un effort, petit. Je ne peux pas fixer la barre. Le vent  irrégulier est trop fort par moments. Cela nous ferait verser. Une autre pensée la tracasse. Je devrais essayer de ranimer le benjamin. Lui faire de la respiration artificielle. Trop attendre risque de lui être fatal. La tête chétive repose inerte. L'eau arrive maintenant à ses chevilles. Bess    a un choc en constatant que le niveau est si haut. L'autre enfant n'a pas la force de barrer. De toutes façons, que vaut-il mieux faire? Vider ou essayer de lui faire les premiers secours? Elle reprend l'écope et se remet au travail de la main gauche. La droite bloque la barre et en même temps tient l'écoute.

           

--  Si j'arrête, pour essayer de le sauver, l'eau montera. Nous risquerons de ne jamais rentrer. D'autant plus qu'il faudra peut-être des heures pour le ranimer. Si je rentre en vidangeant, j'en sauve au moins deux. Le grand et moi, cela fait deux contre un. Mais si j'essayais, ne serait-ce qu'une minute, lui murmure une voix imperceptible, cela pourrait peut-être suffire?

 

--  Une minute peut nous être fatale, dit Bessie tout haut de façon catégorique.               

 

Je sais bien ce que j'ai à faire. Elle continue sa route sans broncher. L'eau monte sans trêve. Engourdis, les doigts de sa main droite, cuisent intolérablement. Lors du sauvetage, ils ont été écorchés par le filin, sur toute leur longueur. La crampe de son épaule recommence.

 

Lorsqu'elle s'est rapprochée suffisamment de l'emplacement portuaire pour apercevoir les premières bouées, elle se rend compte que le bateau alourdi réagit de plus en plus mal. Personne ne voit ce qui nous arrive, rage-t-elle. Quels imbéciles ! La côte approche doucement. Bien trop lentement à son gré.

 

--  Voilà que les vagues commencent à passer à passer par dessus bord, s'inquiète-t-elle.

 

Il faudrait que je change de cap. Non ! Cela va trop nous rallonger. Dans son incertitude, elle ne sait plus que faire. Puis elle s'aperçoit qu'inconsciemment, elle a obliqué  pour se présenter de biais et éviter d'embarquer davantage.

 

--  Mon Dieu ! Je suis hors chenal. Bah ! Au pis aller, nous pouvons arriver à la nage?

 

Un regard sur les naufragés lui fait comprendre qu'ils en sont incapables. Je prendrai sous le bras le plus costaud. L'autre n'a aucune chance. L'image confiante et fragile de cet autre, qu'il faudrait abandonner dans sa pose recroquevillée, la chagrine et la culpabilise. Un remous l'aspire contre son gré, près de Trapères.

 

--  Si j'arrive à éviter les rochers, je pourrais peut-être aller jusqu'à la plage. Magiquement, c'est ce qui arrive tout – à - coup. Sans même qu'elle ait eu le temps de réaliser quoi que ce soit, l'embarcation se projette avec force contre les écueils,  tourne autour du rocher qu'elle a heurté et s'abat sur le sable. Ils sont sauvés. Mais le plus jeune des gamins ne put être ranimé.

 

C’est alors que son père brûla le bateau. Il lui reprochait d'être la cause d'une mort. Il accusait même Bess d'en être responsable par inconscience négligente.

 

--  Si tu avais eu un voilier correct, avait conclu maman, tu aurais pu les sauver tous les deux.

 

--  Mais je rêve! Ma parole! Si je n'avais pas été là, avec mon voilier pourri, tous les deux seraient morts à l'heure actuelle. Voilà comment il faut considérer les choses. J'en ai au moins     sauvé un. Toutefois, de temps en temps, elle revoit la silhouette délicate du môme gracile. Et une phrase l'empêche de dormir.

 

--  J'aurais tout de même du essayer de le réanimer.

 

Mais comment savoir exactement ce que l'on doit faire même lorsque l'on croit le savoir?  Je suis consciente de m'assumer totalement, n’est-ce pas ? Alors comment puis-je encore croire à une sécurisation créée par moi-même? Vers quelle réalité que je sais factice, ce besoin de sécurité va-t-il se porter?

 

Lisbeth secoue la tête. Elle en marre de se raconter cet épisode misérable.

 

-- Cela suffit comme ça. Nous ne somme pas là pour rêver et ressasser de vieilles histoires.  

 

Je vais mettre un paravent-cache devant toutes les Informations traitant de navigation négative. Lorsque j’aurais besoin de me servir des fiches maritimes, je ne trouverais plus que du positif. C’est comme cela qu’il faut agir.


12/06/2011
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Lisbeth, Samedi 11/06/2011

Euromarktinteractive.org, le seul journal trimestriel européen sur l'Art et la Culture (en 15 langues)

 

Lisbeth.  Samedi 11/06/2011                                                                                                         

 

            Emilie vient de m’appeler. Elle s’inquiète. Ses vieux amis d’enfance, les GO semblent  jouer double jeu. De plus, son père a l’air d’avoir des ennuis avec la direction de sa Banque. J’ai envie de passer la voir Rue de la Petite Sidérurgie, où elle vient d’emménager, grâce à Nickie qui lui a trouvé un petit appartement confortable dans son immeuble.

 

            J’en profiterai pour emmener Fred. Il y a longtemps qu’il n’a pas revu tous les cousins. D’autre part Gérard Delpierre m’a demandé des détails sur notre vie à toutes les deux. Avec sa femme Maggy, ils ont loué une chambre chez nos voisins, dont le jardin jouxte le mien. C’est pratique. On se voit à tout bout de champs et ils viennent dîner chez moi tous les soirs, avec Fred qui a squatté mon canapé.

 

            J’apprends qu’une Ville Bulle comme la mienne est en train de se construire à Franceville, et que des clonages de cellules de personnalités choisies pour leur positivité sont en cours. Je suis ahurie de voir, que ce que j’avais imaginé dans mon enfance puisse exister.

 

            Maggy m’a proposée de se renseigner auprès de son père, qui a une grosse position dans la finance en Amérique, pour savoir les dessous des problèmes de mon oncle, le père d’Emilie. Elle est très dynamique. Elle m’a avouée qu’elle s’ennuie un peu, depuis qu’elle a cru être enceinte. Ils ont été très déçus Gérard et elle de se rendre compte que c’était un faux espoir.

 

            Je vais me pencher de nouveau sur l’histoire de Thomas et de ses amis, Léa, Milo et Pépé. J’ai l’impression que je vais en apprendre de belles sur la Fusée US, revenant de sa Terra Planète. C’est facile pour moi. Je n’ai qu’à aller voir sur Internet, dans la partie des Hyper Médias, que personne ne connaît vraiment, et je sais ce qui se passe là bas, dans le futur 3012.

 

               Je suis seule, allongée dans le jardin, au soleil. Il y a une terrible sécheresse cette année. Sans parler de réchauffement climatique, je dois dire que c’est un peu angoissant pour les plantes. Frank qui adore la nature est tout le temps fourré avec nous, sous prétexte d’arroser.

 

            Je profite de mes derniers instants de solitude de la journée. Que la vie est merveilleuse.

Si seulement, ce siècle ci cessait de chanter la violence sur tous les tons, des informations, aux distractions. C’est si pénible. Par moments, je me sens rattrapée par toutes ces horreurs. Il faut alors, que  je me replonge dans ma tête pour retrouver ce monde merveilleux, positif et équilibré, que j’ai toujours connu.

 

            Ce soir, lorsque tout le monde sera là, il faudra que je leur lise le tract que je viens de recevoir. Il existe un lieu dans Paris, où sont organisées des Visites de LURES, le Monde du Futur que je connais si bien. Il faut écrire à Futurable3000@hotmail.fr . Je vais le faire dès demain.

 


11/06/2011
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