L\\\'Enfant qui venait du futur

Page 21


Lisbeth. Mercredi 28/09/2011. Interrogations.

 

 

 

 

 

http://euromarkt-interactive.eu/ le seul journal trimestriel européen sur l'Art et la Culture (en 15 langues).

 

 

 

 

 

            J’ai vachement mal dormi cette nuit… Frank a décidé de squatter définitivement le canapé de ma chambre/bureau placé sur la mezzanine et il regarde les films d’horreur de la télé, à moins que ce ne soit les informations, ce qui est quasiment pire, jusqu’à une heure avancée de la nuit. Moi qui ai horreur de me mettre des boules Quiès dans les oreilles, je suis obligée de me boucher les tympans sous peine de cauchemarder toute la nuit et je m’endors comme je peux. Le lendemain matin, je retrouve Frank endormi sur la banquette.

 

            J’aime bien finalement. Mais c’est embrouillant. Par contre, nous sommes opérationnels pour démarrer la journée de boulot qui nous est commune à 60%.

 

            Ce matin, j’avais de nouveau mal à la tête, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Cela m’a rappelé le temps où j’essayais de comprendre pourquoi j’avais des migraines chaque fois que j’avais un travail désagréable à faire. J’avais tout essayé. Même les exercices de décontraction qui finalement m’ont entraînée dans la mouvance floue des médecines parallèles. De là à frôler le paranormal, il n’y a qu’un pas. Et j’ai « Horreur » de ça. Ce qui touche à la parapsychologie, les méthodes cherchant à expliquer l’inexplicable, tout ce qui échappe à la Logique, avec un grand « A » me hérisse.

 

            Or, en essayant de me rappeler cette époque où je suivais les « Cours d’Historique de la Parapsychologie » à Jussieu, dans l’intention de mettre les pendules à l’heure du rationnel, j’ai eu brusquement un flash. Frank m’avait dit hier soir qu’il avait reçu un coup de fil d’un certain Castal, un de ses copains de fac qui lui disait qu’un certain Fraimont essayait de le joindre pour lui parler de Gérard Delpierre. Il paraîtrait, et personne ne m’en a avertie, que Gérard et Maggy ont quitté l’Ile de Carpo pour se brancher sur une enquête sur une enquête traitant de « Voyage Temporel ».

 

            Cela me déplait souverainement. Qu’est-ce qui leur passe par la tête ? Penseraient-ils à ma soit-disant histoire de voyage dans le temps, qui m’aurait fait revenir du Futur ? J’ai toujours dit pourtant que ces fameux souvenirs d’une existence passée n’étaient peut-être que de l’imagination… Ou du rêve ! On peut en parler sans en faire un fromage.

 

            Chaque fois que j’ai voulu m’expliquer rationnellement les expériences inexplicables que certaines personnes ont vécues, je n’ai réussi qu’à m’embrouiller davantage. Tout ce que je sais, c’est que cela m’intrigue, mais ne réussit pas à me perturber. Je vis dans le présent et c’est tout. Je suis si heureuse comme ça. Mettons toutes ces fantasmagories dans la même catégorie que le rêve, par exemple, ou que l’invention du poète…

                                                                                                                                            

            Lorsqu’au petit matin vous vous souvenez de votre rêve de la nuit, vous  SAVEZ  que c’est un rêve. De temps en temps, vous vous demandez même si vous n’avez pas  déjà vécu cette situation. Il y a là, un doute dans votre esprit qui ne porte cependant que sur deux points :  

 

            1) J’ai rêvé.

 

            2)  Mon rêve est peut-être la répétition d’un événement réel que j’ai déjà vécu. Mais, dans ces deux cas, il s’agit bien d’un rêve. Par contre avec par exemple, le flash d’une scène du moyen  âge dans laquelle je me vois impliquée, je ne suis pas en train de dormir. C’est clair ?

 

            Bon, ça c’est réglé. Il y a le rêve d’un côté et la réalité de l’autre. D’autre part, dans la vraie vie, on peut se poser des questions sur le bien-fondé des sensations. Nous nous trouvons  alors devant des illusions sensorielles, optiques, auditives, olfactives, gustatives ou tactiles qui nous tendent des pièges.

 

            J’adore me confronter à ces manifestations. Quand j’étais petite, j’imaginais que les épinards avaient le goût de fraise. Et ça marchait. Je savourais un verre d’eau pure en y ajoutant une saveur de vanille virtuelle…. Je m’inventais une odeur citronnée en ouvrant un livre….

 

           Je faisais pourtant bien attention à éviter le danger des hallucinations auditives trop risquées. J’avais remarqué que « créer » des bruits inexistants pour s’amuser, peut mener à l’apparition de fantômes placés à la frontière de l’imaginaire et du visionnaire, « cru » réel.

Les frôlements, contacts détournés de leur sens, peuvent faire partie du même  risque et mener à la psychose.

 

            Dans l’enfance, je ne me lassais pas de ces surprises éblouissantes dans lesquelles tous les sens s’étonnent,  se perdent et cherchent leur chemin. Les adultes, plus cartésiens, répugnent à laisser piéger par des propositions insolites, leur fantastique cerveau.

                                                                                                         

            Ils refusent d’admettre que ce noble organe, fierté du genre humain, puisse être « bourré »  de travers logiques, de bugs neurologiques et d’illusions  cognitives. Dixit Hervé Poirier et Nicolas Revoy, dans Sciences et Vie de Septembre 2004.

                                                                                                                         

            Et pourtant, que dire de tant d’images troublantes ?

 

            Illusions de couleurs, inversion de tons, figures ambiguës ou impossibles, distorsion de dimensions et de formes, perception de profondeurs incernables, figures instables, nous mènent à  voir ce qui n’est pas et à ne pas voir ce qui est. Dans ce dernier cas, beaucoup de ces tromperies  impliquent un mouvement. Elles dépendent alors de la lumière blanche qui va pénétrer ou non  dans certaines cellules de la rétine, seule membrane de l’œil sensible aux rayons lumineux.

                                                                                                                                

            Des effets de rayures et de contrastes très forts semblent produire une vibration visuelle,  en particulier si l’on bouge légèrement le support. Ces illusions évoquent la moire des tissus de soie. Chaque œil a un point aveugle où le nerf optique le quitte pour se diriger vers le cerveau. 

            A cet endroit précis, les cellules sont insensibles aux rayons lumineux. Pour le repérer, il suffit d’occulter la vision d’un seul côté et de fixer la cible avec l’autre.

 

           En écartant petit à petit l’objet de la vue, l’image disparaît brusquement parce que la lumière, reflétée par elle, pénètre dans le point aveugle.

                                                                                                                     

           Le langage des sensations, doubles, occultes, contredit ou infirme la parole. Mais comment expliquer les impossibilités sans solutions, telles qu’on les trouve dans les images tirées du « Livre des Illusions » intitulé : « Can you believe your eyes ? »

 

            Celui - ci comprend trois cents exemples de curiosités optiques, cartes à jouer et autres jeux éducatifs (Editions Gardner Press N.Y), réalisé par les Editions Time Life, sous l’égide des

Dr JR. Block et Harold E.Yuker, professeurs de psychologie à  Hostra University Hempstead NY.

                                                                                                            

            L’illusion interpelle les neurologues, les psychologues, les informaticiens. Pourtant ces  distorsions ne sont pas forcément reconnues comme telles. Le robot basique tient uniquement compte des directives de son « Maître ». On le retrouve au croisement des questions dites cruciales  sur l’intelligence humaine et artificielle.

 

            Je ne comprenais pas pourquoi la description de l’IA, était si complexe. Pour moi, la définition de l’Intelligence Artificielle était la même que celle de l’Intelligence Humaine ou IH.  D’où la conception de mon « clone informatique » qui branché sur son propriétaire, devenait son « Intelligence Artificielle Personnelle », (I.A.P.).

 

            Si le cerveau crée son image globale instantielle, (qui est la création de son instant, par comparaison en ressemblances / différences de ses propositions d’information, avec ses fiches  internes / externes, stockées en mémoires), un ordinateur branché en permanence sur son utilisateur (gérant ses informations à chaque seconde) peut faire la même chose.

 

            Il n’y a plus de différence entre les deux intelligences : IA et IH. Par contre le logiciel du robot, l’I.A.P. suivra les indications que son propriétaire lui fournira. Comme le fait mon œil s’adaptant aux créations exigées par mon cerveau.

 

            Pour exemple je voyais bien devant ces images incomplètes, que mes sens n’étaient pas fiables. Je réalisais aussi qu’ils étaient toutefois remarquables, puisqu’ils corrigeaient complétaient  ou inventaient des parties de données, pour les besoins de ma gestion du moment.

 

            Je peux très bien lire « Boulangerie », sur une enseigne à laquelle il manque le « A ». Je peux rétablir le texte, même s’il manque deux ou trois lettres, ou si la moitié supérieure du mot est effacé. Mais jusqu’où puis-je aller ? Et surtout, qui me dit que je suis dans le vrai ? En réalité je fais au mieux. Peu importe si je me trompe.

 

            Je gérerais, avec efficacité cybernétique mon instant, lorsque je verrais en entrant dans la  boutique, que la  Boulangerie est une Boucherie. Le « CH » manquant m’avait fait croire à un « LANG » absent.

                                                                                                                                  

            Le prix Nobel  2002  d’économie, Daniel Kahneman,  (psychologue  israélo-américain de l’Université de Princeton), a une réponse. Pour « prédire » la dynamique des échanges entre  l’individu et lui -même, ainsi qu’entre individus/individus, il faut prendre en  compte le fait que    la cognition  humaine est fondamentalement biaisée, comme le disent, Poirier/Leroy.

 

            Mais j’ajouterai que cette faiblesse tient au fait que l’individu, voulant créer son instant et  son image globale, gère ses défaillances « POUR et PAR » son instant, soit en les assumant plus  ou moins efficacement, ou même en les « créant » carrément, pour agir « au mieux de la situation »

 

            Dans ce cas précis, nous nous trouvons bien en état d’éveil et non de rêve. Nous avons donc, d’une part le rêve, d’autre part la gestion de nos sensations au coup par coup. Bon, ça c’est réglé aussi.

 

            Mais venons-en  à cette impression du déjà vécu. Cet état de fait est commun. Dans la vie courante, il m’est déjà arrivé d’entrer dans la ruelle du cordonnier et tout-à-coup, de me croire sur une autre planète. Je suis obligée de reprendre tout depuis le début. Je réfléchis.

 

            Je résume la situation :  Je suis bien sortie du Conservatoire à 11h30. J’ai mon violon sous le bras. J’ai huit ans. On ne vient pas me chercher. J’ai pris la Rue de la Trinité sur le trottoir de gauche et j’ai tourné à droite dans l’impasse. Je suis bien sur terre. Pourtant je ne reconnais rien du paysage familier.

                                                                                                 

           Toutefois, en avançant, je m’aperçois tout à coup que cette lumière inconnue, ces étoiles  bleues sur la devanture, font tout simplement partie de la décoration de la nouvelle vitrine du réparateur de chaussures. Elle a été remise à neuf. Je la découvre ce matin, sous un jour nouveau. Voilà pourquoi je me croyais sur une terre étrangère. Il a fallu que je compare point par point, dans ma mémoire, les informations en comparant par ressemblance/différences, chaque élément.

                                                                                                                                  

            Ce qui me prouve que l’œil ne saisit pas d’un seul coup l’image proposée. La première fois, il ne la reconstitue pas. Tout à coup, j’aperçois, au bout de la rue, mon meilleur ami, Claude. Il vient vers moi et je ne sais pas que c’est lui. Ou plutôt je ne sais même pas qui c’est. Il a changé de vêtements. Le soleil illumine de clair, ses cheveux foncés. C’est un garçon inconnu.

 

             Il s’approche. Je retrouve un sourire familier. Je suis obligée de chercher où j’ai vu ce visage avenant. Ma mémoire fait le tri en « vas et viens interrogatifs ». Brusquement, je décide  que c’EST Claude. Parfois, je peux me tromper. Là, je repère mon prof de math ? Mais ce n’est qu’un sosie. Où vais-je avec tout cet embrouillamini ?

                                                                                                                                   

            Dans ce même ordre d’idée, il m’est arrivé de buter sur une borne cassée,  placée sur le bord d’un trottoir parisien et de me croire, l’espace d’un moment,  à Toulon sur le vieux port, devant le bar de la Marine qui possède le même bloc de pierre écorné.

 

            Bon, ça c’est encore réglé. Je veux parler de toutes ces notions insaisissables, le rêve, les illusions d’optique, les sensations de déjà vu et, pour finir les décalages entre le souvenir d’un instant passé et le présent. Mais il me restait une dernière chose à préciser.

 

            Lors de mes dernières vacances dans un village cathare, ce flash me dévoilant une petite fille apeurée que je reconnais comme ayant été ce « moi » vivant dans un moyen âge terrifiant,   n’était pas une impression de déjà vécu. C’était, au contraire un plongeon grandeur nature en pleine situation vivante. Dans quelle catégorie de sensation dois- je le placer ? J’ai beau me creuser la tête, je ne vois pas.

 

            Cette nuit là, pour ne pas céder à l’effroi de l’inconnu brutal, je claquais des doigts mille et une fois en respirant un grand coup pour reléguer l’affaire dans le rayon des objets à étudier plus tard, dans le calme. J’avais entendu parler des réincarnations ? Alors j’avais inventé Thomas. Les trois  quart des individus de la  planète y croient, orientaux, hindouistes et même occidentaux. Etais-je en train de me remémorer ou de m’inventer une vie antérieure ?

                                                                                                                                

            Comme je redoutais par dessus-tout l’irrationnel, je refusais de me laisser influencer.       Ou plutôt, ni j’y croyais, ni je n’y croyais pas. Je n’avais pas de preuve formelle, n’est-ce pas ? Personne n’est revenu me raconter ce qui se passe de l’autre côté et comment on va, on vient, on  en revient. Mais je n’avais pas non plus de preuve contre cette théorie.

 

           C’est à cette époque là que je fis la connaissance d’une autre forme de sensations. Depuis  mon expérience du « Verre parleur », je fuyais tout ce qui, ne rentrant pas dans le concret de mon  rationalisme, me dérangeait. Par peur que le contrôle ne m’échappe, comme au soit-disant moment de ma naissance, je tournais le dos obstinément à toute une partie de la littérature de la bibliothèque située dans l’immense grenier de mon grand-père.

 

            Et pourtant, je n’étais pas si méthodique que ça. En effet, c’est en toute innocence que je m’imaginais le futur comme étant une manifestation naturelle. J’ai déjà dit que lorsque je voyais ma mère et ma tante passer l’aspirateur, je leur demandais pourquoi il n’y avait pas dans les murs, des appareils chargés d’avaler la poussière automatiquement.

                                                                                                                                  

            --  Bravo, ricanait Tatie. Si je veux faire une tarte, ma farine s’envolera ainsi que le contenu de mon poudrier que j’ai laissé ouvert sur la tablette de la salle de bains ? Ou pire, quelle tête ferait le bijoutier en voyant disparaître sa poudre d’or ?

 

             --  Vous n’y êtes pas du tout. Il n’y a qu’à  programmer « Acariens ». Seule la poussière partira.

                                                                                                                       

            A tout moment, je voyais les villes de l’avenir se répandre dans des déserts sauvages inhabités, dessinés comme des sortes de bulles de verre, situées entre les arbres et les fleurs, avec son atmosphère stérilisée, saine, et si chaleureuse.

 

            Pourtant, mes souvenirs les plus vrais et les plus équilibrés débarquent de cet « après - après demain » lointain. Là-bas, on comprenait enfin ce que je voulais dire avec mon désir de précision et d’équilibre. Là-bas, on m’apprenait que l’esprit de l’être humain se vide, à chaque instant, en permanence. On m’expliquait que mon cerveau était son propre créateur, « décidant » de ce que je vais être dans l’instant de ma création « instantielle ». On me confortait dans mon ignorance du bien et du mal. Mais là bas, c’était dans mille ans.


28/09/2011
0 Poster un commentaire