L\\\'Enfant qui venait du futur

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Lisbeth. Samedi 20 Décembre 2008. 11 Heures du matin.

 

Lisbeth. Samedi 20 Décembre 2008. 11 Heures du matin.

 

 

Toujours sur mon blog, je viens de relire cette page qui parle de mes trois ans. Je me souviens de tout, du soleil sur la ville, de mes surprises et de cette angoisse devant la découverte de l’abstraction, du dualisme et de l’illogisme des adultes.

 

 

Dans les Villes du Futur on ne pense pas comme au vingtième siècle. J’ai de la peine pour cette petite fille qui souffre sans rien reconnaître de ce « à quoi » elle croit. J’ai mal pour elle, comme si elle ne faisait pas partie de moi.

 

 

Je sais maintenant pourquoi j’ai peur de raconter son histoire. Enfin l’histoire de mon enfance. Il va bien falloir que j’explique le cheminement de sa pensée jusqu’à aujourd’hui, ses luttes, son débat pour garder son optimisme. C’est un cadeau empoisonné.

 

 

Comme d’habitude, je vais essayer de l’assumer et de prendre le taureau par les cornes. Je précise, pour les personnes ignorantes qui, ne connaissant pas le dernier livre de Bernard Pivot sur les expressions dépassées et imprécises croiraient que je vis à la campagne : « C’est une façon de parler ».

 

J’habite près du vingtième arrondissement, et je ne connais aucun taureau. A dix huit ans comme dit la chanson, j’ai quitté ma province natale pour venir à Paris, ville qui n’est pas, comme le croient ses habitants, le « Centre » du monde, mais juste la capitale de la France...ce petit pays que beaucoup de terriens ignorent.

 

 

La fillette que je viens de décrire a quatre gros défauts. Elle est (je le suis toujours d’ailleurs), stupide, têtue, curieuse jusqu’à l’intrépidité et terriblement froussarde. Cet amalgame m’a obligée, enfin « l’a » obligée, dès le départ, à chercher ce qui n’allait pas dans ce monde quelle ne comprenait pas.

 

 

A la naissance, tous les enfants sont logiques. Ils veulent saisir le pourquoi des choses, avec PRECISION. Malheureusement, la plupart du temps on leur dit de se taire et d’obéir. La réponse à leur «pourquoi» est généralement : «parce que».

 

 

La méthode extrémiste est précise, mais le langage est flou. Ce qui arrange tout le monde.

 

Or, avant de se résigner à suivre le parcours obligé, le bébé ignore totalement la notion de bien et de mal. Il apprend à les reconnaître à force de fessées et de bonbons. Mais au départ il ne connaît pas le manichéisme, ni même le dualisme du « pour et du contre ».

 

 

Pour lui, l’esthétisme du beau et du laid n’existe pas. Il aime… ou il n’aime pas.

 

 

On lui apprend le bon goût de l’époque en cours. Mais, malgré tout, « le vrai et faux » de la logique, le « plus ou moins » des mathématiques, le « bon ou mauvais » de la morale, sont des données absconses qu’il rejette.

 

 

Dès que papa eut présenté à Bess les deux extrêmes du bien et du mal de la morale, son esprit logique unidimensionnel sauta dans cet inconnu de la « bidimension » qu’on lui présentait si abruptement...

 

Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, sa curiosité insatiable s’est alors saisie d’une troisième dimension, avec ce fameux « bien -et-mal-en–même-temps». Mais ce n’était encore pas suffisant. Elle se plongea donc, tout de suite après, dans l’inconnu de la « non- dimension » avec un Dieu existant et n’existant pas en même temps.

 

 

A partir de là, la petite Bess n’a plus connu de répit.

 

 

J’ai commencé à raconter ce jour anniversaire de ses trois ans. Mais les deux premiers furent tout aussi cruciaux. J’en parlerai plus tard, car ils illustrent son arrivée… MON arrivée… devrais-je dire… dans un monde d’adultes. Je resterai donc, pour l’instant, dans la description de ses affrontement enfantins, intellectuels et verbaux avec son entourage. Celui-ci était, tantôt marseillais, situé dans sa ville natale, tantôt toulonnais, dans la maison ancestrale.

 

 

Citons un exemple parmi tant d’autres. Comme la fillette gardait en mémoire les images d’un passé flou, venu du futur, elle parlait innocemment, et sans se rendre compte du décalage, de la manière dont elle avait vécu en 3012. Un jour, elle demanda à sa mère et à sa tante, pourquoi elles passaient encore l’aspirateur.

 

 

     --Vous devriez mettre en route un courant d’air qui avalerait la poussière, par des trous dans le bas des murs.

 

 

     -- Bravo ! Répondirent les deux dames. Alors la farine s’envolerait de la table de la cuisine et ma poudre de riz de la tablette de la salle de bains.

 

 

Ne parlons pas de la poudre d’or du chimiste…

 

 

     -- Pas du tout, avait rétorqué l’enfant. Vous n’avez qu’à dire le mot :

 

Saleté. C’est tout. Elle entendait par là : Il vous suffit de programmer le mot : Acariens. Et c’est terminé.

 

 

Sans avoir appris l’informatique, elle connaissait déjà intuitivement beaucoup de choses sur ses développements. Heureusement personne ne prenait garde à ses divagations. Ils n’y comprenaient RIEN et elle ne comprenait pas pourquoi ils ne la comprenaient PAS…. Lorsqu’elle revoyait son apparence de jeune garçon dans la Ville Bulle du Futur, sa vie passée ressemblait vaguement à un rêve. Elle ne donnait donc pas d’importance à ces fantasmagories.

 

 

Lorsque de l’extérieur, j’imagine le parcours de cette fillette, je n’arrive pas à réaliser vraiment que c’est moi qui l’ai vécu. En feuilletant le vieil album de photos, visionnant plusieurs générations j’ai l’impression de visionner les aventures d’une Saga qui ne me concerne pas.

 

 

Je dois reconnaître finalement que j’ai horreur de me rappeler toutes les bêtises, y compris les miennes, que nous faisons depuis le début des temps. Les explications adéquates que le Futur m’a dévoilé en 3012, manquent aux terriens arriérés que nous sommes. . Puisque j’ai décidé aujourd’hui d’aller jusqu’au bout de mon introspection, je me force à sortir du tiroir ces vieux souvenirs jaunis.

 

 

La pellicule me présente le devant de cette maison familiale située sur cette colline méridionale appelée le Faron.

 

 

C’est dans ce lieu, que les oncles, tantes, cousins, amis proches et lointains se retrouvent à chaque occasion, fêtes, week-ends, vacances, anniversaires….

 

 

La vieille bâtisse surplombe la ville nommée autrefois « Tellos » et maintenant Toulon.

 

 

Les prises de vue montrent la terrasse avec en arrière plan, une foule de grands pères, grands-mères, arrières grands mères, aïeux échelonnés sur plusieurs générations dominant la

 

foule des parents et des enfants dont je fais partie.

 

 

Je me souviens avec émotion, de cette grande propriété dans laquelle, tant d’évènements se sont passés. Dans le grenier l’hiver, nous préparions ces pièces de théâtre enfantines, prévues pour les Fêtes de toutes sortes. La grange servait alors de salle de spectacle. Mais je pense surtout à la colline qui nous attendait et que nous parcourions du matin au soir.

 

 

Brusquement, un coup de sonnette strident me fait sursauter. Je reviens au moment présent. Ce sont les éboueurs venus chercher des étrennes que je leur ai déjà données la semaine dernière. Imbibés d’alcool, ils ne s’en souviennent pas.

 

 

Derrière eux, en toile de fond, les Pères Noël déjà bourrés depuis l’aube m’encouragent :

 

     -- Allez ! Une p’tite pièce, la p’tite dame. Ou alors donnez leur un p’tit pousse-la-fond. Hic !

 

Ah mon Dieu ! Tout, plutôt que de voir mon unique pièce-living envahie par la horde ! Je leur glisse un billet de dix euros trouvé miraculeusement dans la boite en carton placée dans l’entrée et qui sert de porte-monnaie d’urgence.

 

 

J’étais sauvée. Mais au moment où je referme la porte, celle-ci se trouve bloquée par le pied de Frank arrivé en avance. Il n’est que onze heures trente et je n’ai rien préparé. Je vais avoir droit, entre autre à l’inspection de la cheminée. Il est très pointilleux sur le domaine de l’intendance, qui chez moi est lamentable.

 

 

C’est une des choses qui le rend nerveux. La première année où nous sommes partis en vacances avec ses amis, dans ma famille, sa vieille voiture est tombée en panne. On s’est tous entassés dans les deux autres véhicules, mais arrivés à la campagne, il a eut un malaise. On l’a amené chez le médecin du coin.

 

On croyait qu’il fallait appeler le Samu. Un quart d’heure après l’homme de l’art, nous l’a rendu avec un bouchon dans la bouche.

 

 

     -- C’est de l’hyperventilation. Un peu d’apnée courte de temps en temps et tout ira bien. C’est comme pour le vent froid, genre mistral, qui déprime.

 

 

Le reste des vacances s’est terminé avec un camarade quasi muet, mais farouche. Le bouchon l’énervait extrêmement. Depuis, il l’a abandonné définitivement. Cela ne le rend pas plus souple… Mais il est si formidable dans sa joie de « vivre chaque minute intensément », que je reprends espoir. Je me pose enfin la bonne question : Et si pour la première fois quelqu’un allait comprendre ce qu’il faut faire pour être heureux ?

 

 

Tout de suite, il m’explique que sa venue n’est qu’une préparation à la soirée. Nico, Alain, Michel et Gauthier arrivent avec un dîner qu’ils ont préparé eux-mêmes. Il faut que je soit prête à recevoir la foule. Il repart les chercher et ne sera là que dans une heure. Chic, cela me donne le temps de noter sur mon Blog, le passage que j’ai prévu de faire, pour parler de Thomas.

 


28/05/2011
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