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Mardi 19 juillet 2011LES BANQUES DE RAOUL BENNETT, le père d’Emilie.
-- Où est Emilie, demande Monsieur Bennett, son père.
-- Je crois qu’elle est chez Nicky, pour travailler avec lui sur son ordinateur.
-- Et Lisbeth ? Je n’arrive pas à la joindre non plus !
-- Oh, rassure-toi. Tu connais ta nièce et son indépendance ? Quand à Emilie, je sais qu’elle est en plein travail avec la Paléosoft, pour son IAP. Cela avance bien, paraît-il.
En réalité, Madame Bennett est très inquiète. Elle n’a pas de nouvelle de sa fille aînée depuis samedi matin. Ses deux frères sont avec Roseline chez leur grand-mère, leur chère Granie, dans la grande Bastide située sur le Faron. Elle trouve que la maison parisienne est bien vide. Toutefois, elle ne veut pas inquiéter son mari trop vit. Ce n’est pas la première fois que sa grande fille l’abandonne. Celle-ci l’avait d’ailleurs vaguement prévenue.
Malheureusement, comme Raoul Bennett est un homme précis, droit, consciencieux. Il se tracasse facilement. Surtout depuis que sa banque, le Crédit Européen du Nord, est convoité par Génium. C’est pour cela qu’il avait demandé à Emilie de lui présenter Ferré qui est en rapport avec le Consortium. Il voudrait bien savoir ce qu'il en est de ces rumeurs de fusion. Tout en conduisant sa voiture tel un fou, il ressasse tous les évènements de ces derniers jours et se les repasse en ralenti.
En arrivant au Siège de la Maison Mère, il retrouve l'agitation malsaine de la veille.
Les bureaux de la Banque sont envahis d'une foule de journalistes venus aux nouvelles. Bennett s'enferme dans son bureau. Il n'a rien de concret à annoncer. Il se contente d'envoyer en pâture, à la presse, Jérome son assistant direct.
Pendant qu'avec Kevin Silthing, son bras droit, il concocte un papier se voulant rassurant et passe-partout destiné aux filiales, une nouvelle confidentielle tombe sur le Trifax. La Bourse est en train de s'affoler à Tokyo. Cela a commencé par la vente massive des actions pétrolières des petits porteurs de Génium. Le bruit d'une faillite sur la filiale des Trusts Hervant couvrant toutes les opérations de forage en mer, est en train de se répandre à toute vitesse.
Puis l'annonce de l'explosion de Canal Pétroléum, la plus grosse plate-forme de recherches pétrolière de l'Atlantique nord, commence à paraître sur les écrans des réseaux privés du Crédit Européen. Les nouvelles les plus alarmantes venant des agences étrangères de la banque C.E.N. refluent vers le Siège Social.
Bennett convoque immédiatement un conseil général extraordinaire. Comme un explosif au bord de la saturation, Silthing fait une brève apparition dans la salle de conférence bourrée de reporters déchaînés. Avec force, il se précipite dans le bureau des réunions, avec dans les bras, une pleine brassée de compte-rendus internationaux.
-- Bon Dieu, Raoul ! Regarde-moi ça! La Bourse est en train de sauter. Le crack semble mille fois plus catastrophiques, que l'événement de 1929, pendant lequel, les petits actionnaires se sont suicidés par centaines, et furent ruinés par centaines de mille. Les évènements actuels avec les problèmes du FMI ne sont que de la roupie de sansonnet, par comparaison !
L'assemblée des principaux dirigeants de la banque réunis en hâte, était houleuse, avec en arrière goût, la triste certitude macabre et glacée, du désastre.
Vers midi, Suzie Bennett essaya en vain, de joindre son mari par téléphone. Elle eut beau laisser des messages impératifs à la secrétaire, comme quoi il fallait qu'elle lui parle de toute urgence, elle n'eut pas de réponse concrète. Lorsqu’en désespoir de cause, elle se présenta au siège du C.E.N. l'assistante de la secrétaire, lui fit dire que Monsieur Bennett était injoignable.
Suzie repartit furieuse, après avoir essayé d'ouvrir quelques portes, au hasard, dans l'espoir vain de tomber sur la fameuse conférence générale où siégeait Raoul…. Rien à faire. Elle ne put le trouver et dut se résigner à s'en aller, après que plusieurs huissiers lui aient demandé de façon désagréable, ce qu'elle faisait là.
Vers quatorze heures, le représentant de la filiale américaine, Georges Redson, débarquait à Roissy du Concorde-Bis. Il déboulait en plein désastre. Les douze représentants mondiaux de la Banque étaient affalés, livides, autour des plateaux déjeuners auxquels il n'avaient pas touché.
Sur le mur, une carte géographique des maisons fondatrices signalées par les petites bannières des pays en cause, était couverte de notes. Les aiguilles noires les transperçant, plaçaient les drapeaux patriotiques en berne, au fur et à mesure de leur chute.
Le résultat était évident. Les actions C.E.N. étaient tombées à zéro. Les petits porteurs, affolés par les informations de plus en plus pessimistes données par la Bourse en Ligne, vendaient par poignées sur le Net, non seulement leurs CAC 90, leurs portefeuilles bancaires, mais aussi, tout ce qu'ils possédaient en billets au porteur, en euros, en dollars, pour les transformer ici en yen, là en roubles, plus loin en livres, en monnaies, argents, ors, en trocs divers, qui eux aussi commençaient à s'écrouler. La catastrophe était mondiale.
Toutes les icônes supplémentaires ouvertes en panique par « Klickeen and cooper », enregistraient « pèle – mèle », des ordres de Bourse défaitistes, des demandes de prêts désespérés. Les transactions commerciales et financières, les monnaies virtuelles, à base d'argent numérique, s'effondraient dans le système des cartes à puces, distribuées par le cryptage à clef publique. La masse des jetons fictifs, déversés sur le Web, brouillait les cartes de l'argent réel.
La courbe des échanges Internet, entraînait celle de la Bourse réelle mondiale, dans une dégringolade monstrueuse. Bennett ravagé, aux côtés d’un Redson livide et méconnaissable, étaient en communication directe permanente, par béfax rouge avec les divers dirigeants de tous les pays. Les informations qui leur parvenaient faisaient état de nouvelles révolutions sporadiques, se répercutant de places en places, et de violences dues aux coups de mains des révolutionnaires armés de lance - rokets à plutonium appauvri.
Les cinq principaux représentants de Génium, actuellement installés à Tourssy, dans le salon de réception, étaient eux-mêmes extrêmement déboussolés. Cette réunion qu'il avaient soigneusement préparée pour asseoir définitivement leur pouvoir sur la planète toute entière, par le biais des agences monétaires de regroupements financiers, et des accords entre trusts, mafias et partis politiques, ne remplissait plus son rôle.
Ils envoyaient en vain, des ordres drastiques à travers un monde matériel bloqué par son propre matérialisme.
Le mécanisme s'était développé exponentiellement. Dieu sait si le mot exponentiel, signifiant : "Exposant variable ou inconnu" et non multiplicateur in - maîtrisable, comme on l'utilise habituellement, était bien choisi.
Appergan, Président Directeur Général de l'Administration du Fond International de la Banque BRC chagée de la Reconstruction et du Développement Commercial des Pays riches, est particulièrement surexcité. Le cataclysme boursier bloque l'uniformisation obligatoire qu'il vise. Cette dernière, hostile à la liberté, joue son jeu par l'utilisation de l'esprit de domination et de violence extrême.
Le monde n'a jamais été autant in - égalisateur, aussi bien au niveau économique, qu'à l'égard des idées et des mœurs. L'un d'ailleurs n'allant pas sans l'autre.
Le Docteur Hostreichner est lui aussi très abattu. Il vient de voir s'effondrer en quelques minutes, toutes ses compagnies d'assurances avec ASSUR, et ses Fondations de bio - nutrition avec New Food. Le Mondial Collège qu'il préside, craignant pour ses budgets de recherche sur le cancer, obésité, modification d'ADN, etc, le harcèle de questions auxquelles il ne peut pas donner de réponse.
Quand au français Claude Carnier, celui-ci ne comprend pas, comment le CNAV et la CNEF, n'arrivent pas à gérer les plaintes surgissant de toutes parts pour solliciter son aide au niveau du Droit financier International et des Affaires Juridiques. De même manière, mais en pire, Cynthia Rotshotkis, que son rôle d'Administratrice Politique a placée auprès du Président des Etats Unis, en tant que Conseiller aux Affaires Etrangères, ne sait plus que penser, surtout que le FMI et sa Présidente ont disparus des écrans de contrôle et ne répondent plus.
Les ordres, contre ordres, et consignes évolutives diverses, sillonnent la planète par tous les moyens de communication possibles. A Paris, dans la Banque du Crédit Européen du Nord, Raoul Bennett a déjà pris par trois fois de « l'aspirine duratée ». Il est au bord du malaise cardiaque. Près de lui, Silthing et Redson sont dans le même état, avec une petite préférence aérophagique pour l'américain. La situation est cauchemardesque.
Vers vingt deux heures, ce fameux lundi, Suzie Bennett a enfin un coup de fil de son mari effondré. Il lui annonce qu'il va rester toute la nuit, au bureau, avec tous les patrons de ses filiales et les hommes politiques qui ne sont pas en débat au Sénat. Ils cherchent ensemble à régler ce qui pourrait être réglé. S'il reste encore quelque chose à régler. Les conséquences de la crise sont incommensurables.
C'EST ALORS QUE LE MESSAGE QUE VOULAIT LUI FAIRE PASSER SA FEMME DEPUIS LE MATIN, ECLATE DANS SES OREILLES, COMME LE FERAIT UNE BOMBE.