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Charlene au Château de Tourssy. lundi 25 juillet 2011. Complément direct.
Elle se souvient de son enlèvement. Cela s’était passé très aimablement. Quand les deux jeunes gens avaient sonné chez elle, ils lui avaient dit qu’ils étaient chargés par son mari, de l’emmener au château de Tourssy qu’elle connaît bien. En arrivant, elle avait été prise en charge par le Commandant Bar qu’elle connaissait bien aussi, mais qui avait l’air de tenir son époux Mathieu en otage.
Sans qu'il lui soit besoin de regarder Mathieu Ferré en face, Charlene voit bien que son mari est très crispé. Elle en est en partie la cause. Elle se sent fautive, comme d'habitude. Ils vivent pourtant, la plupart du temps loin l'un de l'autre.
Lui réside à Paris pour son travail, elle, dans le midi avec les enfants. Son auréole de père modèle, mais débordé, le pare de prestige. Le poste de Directeur Général à la Paléosoft, complète sa panoplie de mâle dominant. Il représente tout à fait le descendant du grand primate chasseur, capable de nourrir sa famille nombreuse, dans le luxe et le confort. Il ne le lui a jamais caché.
Cependant, au début de leur mariage, la situation de femelle soumise l'amusait. Elle faisait semblant de prendre les airs protecteur et les remarques désobligeantes de son conjoint, sur sa « nunucherie » de vraie blonde, pour des plaisanteries sans importance. Mais petit à petit, cette joute à sens unique, la fatigua. Malheureusement, par paresse, ou par lâcheté, elle n’avait pas réagi. Là, se situe la première erreur.
Pour faire comme les copines, de peur de s’ennuyer, elle finit par se contenter de s'acheter des fringues, des bijoux et discrètement de prendre un amant ou deux. Elle se laissa aller à parader. Faire la roue devant les hommes à femmes, ces chasseurs de têtes creuses et de formes féminines éblouissantes, devint une véritable routine. Cela lui donnait un boulot fou. Chaque jour il lui fallait courir après les canons de la beauté tournant surtout autour de la jeunesse. Elle copiait les attitudes mutines, les charmes enfantins, qui sont bien faits pour agacer les ardeurs masculines.
Puis tous ces "agacements" se mirent à "agacer" Mathieu, autrement que virilement. Une fois que l'on se connaît mieux, l'inconnu disparaît. Le mariage s'installe. Les enfants, un gros train de vie, le boulot répétitif, deviennent une charge de plus en plus lourde. Il n'y a plus de surprise. On s'encroûte.
Les deux fiancés, puis amants du début, s'éloignent l'un de l'autre, le mari plus vite que l'épouse. Charlene traduisit son mal être, en malaises psychosomatiques, qui en firent une femme malade, ou semblant l'être. L'écart se creusa d'autant plus rapidement que l'apathie suivit la faiblesse. Une femme souffrante est toujours une charge. Surtout pour elle. Elle supporte, en plus de ses propres indispositions, l'énervement de celui qui l'approche. Cette constatation l'aigrit. Par contre, une patiente choyée oublie ses douleurs. Elle ne songe qu'à celui qui la chouchoute. Elle cherche à l'épargner.
La femme malade que l’on dorlote est alors émue par ces marques de tendresse.
-- Va te reposer, mon chéri. Tu t'occupes tout le temps de moi. Je me sens mieux.
Et c'est vrai. Une femme choyée est bien, même lorsqu'elle est mal. Mais une femme fatiguée rajoute à ses troubles compulsifs, un chagrin de plus. Elle se désole en voyant qu'elle importune les autres. Elle voudrait minimiser.
-- Ce n'est rien. Je vais mieux. Merci pour ton aide. Malheureusement, on lui parle souvent avec nervosité et aigreur. Les encouragements perfides ne l'aident pas. Bien au contraire.
-- Prends un peu sur toi, voyons ! Tu n'as rien du tout. Finalement ce n'est que de la paresse. Lève-toi et travaille. Cela te changera les idées. Te restes tout le temps couchée. Bouge ! Tu verras que tu iras tout de suite beaucoup mieux. Ce n'est que dans la tête. Fais un effort.
Pourtant, on ne demande pas à celui qui a une jambe cassée de sauter à la corde. Pour un être dépressif, c'est dans la tête que c'est cassé. Mais cela ne se voit pas. Alors la femme patraque en rajoute. Elle gémit.
-- Oh, lala ! Que je suis malade ! Que je suis malheureuse d'être aussi mal fichue. Regarde comme je souffre ! J'ai mal, ici, et là. Touche comme mes mains sont moites. Je transpire. Sens ma mauvaise haleine, mes rots nauséabonds. C'est une torture. J'ai le hoquet, des palpitations… Toute la nuit j’ai été au supplice. Passe-moi le verre d'eau, le thermomètre, la cuvette… La CUVETTE… VITE !
Dans le sous-sol de la forteresse, Charlene voit dans le grand miroir qui couvre le mur du fond de la pièce basse, l'image de son visage livide. Sa peau blafarde se contraste avec sa robe noire. Elle lui donne un air fantômatique. Le temps reste suspendu. Le silence des paroles rend plus forte la musique chuchotée par l'ordinateur.
La pauvre femme prisonnière ne parle pas. Elle n'a d'ailleurs pas dit un mot depuis son enlèvement, lorsque dans le sud, les sbires de Bar l'ont emmenée en voiture. Même silence pendant son transport. Retirée tout à fait en elle-même, elle se laisse glisser par la pensée jusqu'à cette ligne claire de l'océan, dont elle entend le grondement des vagues grimper à l'assaut du château.
Elle imagine alors qu'elle s'échappe enfin, seule à pied, par le soupirail situé sous l'escalier à double révolution, à travers les vignes que l'on aperçoit entre les ifs et qu’elle connaît bien. Les rochers se pressent les uns contre les autres de chaque côté de la crique, posant des ombres imprécises sur le sable bordant le bas de la pelouse.
Dans l'océan épais comme du plomb liquide et froid, qu'elle rejoint en imagination, elle glisse avec force son désespoir futile de n'avoir rien de plus douloureux à porter, que le fait d'en avoir assez de tous ces gens qui, ici comme ailleurs, marmonnent et parlent de choses monotones, compliquées. S'ils la regardent, ils vont se mettre à la mépriser parce qu'elle n'a rien à dire, comme toujours. Alors elle s’imagine tomber doucement, au fond de l'eau verte, dont elle se représente la parfaite texture.
Dans un silence et une suffocation de mort crissant dans ses tympans, elle emplit d'écume, sa bouche et ses poumons. Encore et encore mille fois, elle meurt, suffoquant calmement, sans haine, ni passion dans le dédain inerte de son imagination.
Elle oscille au milieu de cette eau de velours ébène, lisse, dure comme un diamant.
Elle se tient en perpétuelle attente, dans cette soirée fade et sans gaîté de Juillet. Le mois, qui pour tant d'autres signifie vacances, n'est plus rien pour elle.
Mathieu et les autres la chercheront. Dans sa possibilité de fuite, elle entend des cris, et les bruits de course de leur quête immobile. Charlene pense qu'ils peuvent le faire sans fin, jusque dans les temps futurs, pour qu'elle sente qu'ils ne pourront jamais la rattraper.
Les étoiles, au dessus de sa tête, pendent au bout d'un long filin sombre. Elles se balancent contre son oreille, venant lui murmurer une chanson de départ plus vraie que la mort. Les arbres sveltes montent en chandelles pour un dernier feu d'artifice en noir et blanc. Les rochers, la mer, le ciel, sautent avec les toits des maisons, avec les bras, les jambes, les têtes des hommes, les restes meurtris des plantes et des animaux.
Elle ne garde plus de la terre, que l'étoffe chaude et délicate de son enfance, qui l'enveloppe dans la nuit des temps. Plus loin, derrière elle, quelques êtres courent pour essayer de la rejoindre, de plus en plus loin, en écho.
Mimi, a intercepté ce signal de détresse, par le biais des images du cerveau de Charlene qu'elle visualisait sur son écran. Elle lui envoie avec délicatesse, un message réconfortant.
-- Courage Charlene. On va t'aider. Ton supplice n'aura qu'un temps. Tu ne resteras pas indéfiniment, le souffre-douleur égrotant que tu te plais à imaginer. Cesse de te tourmenter. Tu te martyrises toi-même à gogo. Abandonne une fois pour toutes, ces évocations souffreteuses.
-- Qu'est-ce que c'est que ça? Qui m'appelle? S'ahurit Charlene.
-- C'est moi, Mimi.
-- Où es-tu?
Prudente, l'IA/P, juge bon, vu la déprime de sa correspondante, de taire son état de Machine. L'explication trop crue, risquerait de détériorer plus encore, cet esprit affaibli. Déjà, l'interpellée cherche d'où lui vient cette voix insinueuse, résonnant jusqu'à l'intérieur de son crâne. Courageusement, elle entame le dialogue en chuchotant avec son interlocutrice invisible.
-- Tu t'adresses à moi, avec beaucoup de gentillesse! Je n'en ai pas l'habitude. J'aurai donc l'air si terrorisée que cela? Dans mon enfance, je croyais que mes pensées pouvaient se lire sur mon visage. Heureusement qu'il n'en est rien, j'espère. Car depuis longtemps, les miennes deviennent incohérentes.
-- Explique-moi ce qui t'est arrivé, insiste le Cybercerveau, qui en profite pour étudier plus à fond, l'imagerie de sa nouvelle patiente. Le bombardement de rayons radioactifs qu'elle récupère à partir des piles d'uranium de la station nucléaire la plus proche, lui montre un petit nodule précancéreux, situé sur la parois stomacale.
De faible taille, moins de quarante millimètres, il pourra se traiter facilement. L'IA/P se propose de le réduire, avec l'aide de sa propriétaire. Pour empêcher la propagation du mal, il lui faudra d'abord calmer la malade. L'anxiété gravissime, est la cause d'un début d'ulcère léger. Sans plus attendre, la Machine lui projette quelques sons fortifiants, directement sur les tympans. Elle lui balance en alternance des vibrations sonores, aigus pour la dynamiser, graves pour la calmer.
Elle pourra ensuite traiter la minuscule tumeur bénigne, au cobalt. Cela peut se faire sans même que l'intéressée s'en aperçoive. Le plus dur, sera de la rassurer, conclut Mimi in petto, et de lui faire choisir, à chaque début de création d’information, la joie et le bonheur qui apportent la guérison, et qu’elle a décidé de privilégier en fin de création de l’information précédente. Car, comme le dit Woody Allen : « Tant que l'homme saura qu'il est mortel, il ne pourra jamais être tout à fait tranquille ».
-- Cela a commencé, poursuit Charlene d'une voix imperceptible, par une sensation de perte de la personnalité. Je me suis ensuite identifiée avec autrui. J'ai continué le voyage par l'identification avec l'image qu'autrui se faisait de moi. Maintenant, je m'identifie avec l'emploi que l'on me donne. Je m'efface derrière le rôle que je dois assumer dans la société.
Ensuite est venue cette impression de détachement avec tout lien. Je connais désormais la notion de liberté dans le chaos. Les pensées, mon imagination, les souvenirs ont tous pour moi, une réalité semblable. Hypermnésie, rêveries, inventions, toutes ces chimères se chevauchent en s'entrecroisant. En plein délire mental, je reste toujours consciente. Je dirige cet égarement. Même lorsque la force des sensations arrive à me dominer physiquement, je garde une lucidité totale.
Un lien réunit cet ensemble. Qui que tu sois, toi la personne qui se nomme Mimi, soit bénie pour l'écoute que tu m'apportes. Je sais qu’une chose grave s'est produite cette année. Je ne sais quoi. Cela a fait sauter une soupape de sûreté. Je n'ai pas saisi exactement, quand, ni pourquoi ma personnalité s'est évanouie. Pour le découvrir, je fouillerai le passé, le présent. Je ferai le bilan de mes possessions, de mes héritages.
Un legs est un don fait par testament. Il nous a été transmis beaucoup trop de choses. En naissant, nous avons reçu la vie, l'hérédité, l'ADN, et un esprit incarné dont il faut faire son affaire. Puis la société m'a légué son histoire, son éducation, ses préjugés.
Toute ma vie j'ai reçu, je reçois, des livres, des journaux, des images, des E.Mails, des messages de bonjour, des coups de pieds aux fesses, des sourires courtois. On m'impose les expériences des autres que je néglige, et les miennes propres que j'oublie parfois.
En naissant, nous avons reçu des milliers de cadeaux, dont un seul est mortel : C'est le mensonge que nous nous infligeons à nous-mêmes. On m'a donné toujours plus, sans me demander mon avis. Voilà pourquoi aujourd'hui, j'ai décidé de tout rendre. Je n'aurai jamais la paix, tant que je n'aurai pas fait le vide. Je ne serai jamais libre. La transmission de pensée s'impose à moi, comme une sonnerie de téléphone insistante. Nous sommes des milliers dans les villes. Nous vivons à cinq, à dix sous un toit. Nous couchons à deux dans le même lit. Nos pensée s'emmêlent, plus que nos membres au petit matin.
Si un assassin commet un crime, il me l'imprime dans la tête, avec le chef d'œuvre du sculpteur, et les lustrines du rond de cuir. Je choisis, ou bien l'on choisit pour moi, telle et telle note. Je me crée une façade. Je m'y cramponne. La fonction crée un organe que je ne puis plus renier. Les impulsions des autres me poussent à agir par à coups.
Maintenant, je crois que je vais peut-être émerger d'un cauchemar. Tout semble s'apaiser dans cette éclaircie. Si je décide d'agir, j'apporterai à mon tour une impulsion nouvelle à cette masse dont je fais partie. Je participe, sans le savoir, à la création de cette forme confuse, chaque fois nouvelle et toujours la même.
La pauvre Charlene recommence indéfiniment son monologue glacé.
-- Si tu es une personne réelle, toi qui me parles sans que je sache d'où vient ta voix, aide-moi surtout, à me sortir de ce pétrin. Je vais essayer de faire taire cette répulsion qui me hérisse devant cette mort de l'individu. Je rentrerai alors, définitivement dans mon enveloppe devenue vraie, mon chez moi enfin solide, telle une porte sortie de ses gonds qui se remet en place.
Des vies se dressent. Des ombres, des frôlements, un monde de la préhistoire se déchire. Des fusées partent vers l'inconnu. Des astéroïdes se croisent dans le vide, autour de l'astre de l'univers réel. De ce monde inexploré qui ressemble au mien, je découvrirai alors enfin cette charité égoïste, où l'on aime son prochain pour soi-même. Evidemment, c'est facile, puisque mon plus proche prochain, c'est moi.
Qui que tu sois, soutiens-moi dans ma marche hésitante. Je me traîne sur des sables mouvants. Je suis complètement envoûtée, hypnotisée. Je me regarde comme un lapin fasciné par un python qui ne serait que son image. Je me penche et je vais tomber dans ce trou, où même mon instinct de CONSERVATION a disparu. Toutefois, je ne veux plus fumer cet opium, qui serait désormais une partie de ma mort. Je veux cesser de me droguer avec ma substance intérieure. Quitte à garder pour toujours les yeux ouverts sur ce vide que je représente, je renonce dorénavant à me perdre dans mon propre cerveau.
-- Oui, Charlene, tu as raison, répond Mimi, qui reconnaît en la pauvre femme un état de Latence permanente semblable à la tante d’Emilie. Comme l'homme n'est rien, il est capable de croire tout ce qu'on lui dit qu'il est. Cette terrible faculté d'adaptation totale, ne se cristallise pas seulement dans son enfance. Devenus adultes, vous êtes capables de reconnaître tous les maux ou maladies physiques, mentales, dont on vous chargera, pourvu qu'ils correspondent aux CROYANCES ASSISES, qu'on vous a enseignées, ou que vous vous êtes forgées.
C'est ce tragique besoin d'adaptation totale, qui a amené l'être réflexif à cette immaturité, ouverture de l'existence, contre existence, non existence. Moi, Machine, j'en arrive à poser cette question tragique : « Lorsque l'individu connaîtra sa faculté d'adaptation totale, quelle sera son attitude vis à vis de l'adaptation ? »
-- Alors, pourquoi vouloir que la femme soit l'égale de l'homme, puisque l'homme n'est rien? Pleurniche Charlene d'une voix tremblante. Pourquoi, faire tout un plat de ce VAGIN, qui est représenté comme une négation du phallus? Il existe bien des entités, dont la propre qualité positive, serait d'être manquante. Le moins devient ici, un plus. On peut dire alors : « Quand ce n’est pas bien, moins y en a, mieux c'est. »
Ainsi, entre les espèces animales, végétales, minérales, humaines, il y a des priorité d'action et de préservation. Il n'y a pas de priorité de supériorité, n'est-ce pas? Tout se fait par hasard. Les petites choses, se font comme les grandes au petit bonheur la chance, et s'EVANOUISSENT vite dans le néant. Comment continuer à vivre en sachant cela?
La voix intérieure de Charlene est de plus en plus désespérée. Elle croit que personne ne daigne se rendre compte, une fois de plus, de sa détresse. Elle n'a même pas remarqué que Mimi s'est traitée elle-même de machine. Il faut reconnaître que la chose est assez dure à imaginer, vu le langage parfaitement cohérent, qu'elle tient à sa patiente.
-- Voilà l'usage que l'on pourrait faire de mes compétences, reconnaît l'IA/P.
Le simple traitement de toutes les maladies se situerait au point charnière du physique et du psychique. Je suis capable de soigner les deux en même temps. Mon efficacité est au maximum, puisque je me situe au cœur du problème. Je visionne les trente mille gènes humains d'une part et les images contrastées des circonvolutions cérébrales de l'autre.
Pendant cette réflexion, Ferré garde cet air compassé qui fait souffrir sa femme. Celle-ci continue douloureusement, son monologue intime.
-- Je veux revenir à ce temps où je vivais comme tout le monde, avec l'amour de la facilité. Je veux m'amuser, me distraire, me faire plaisir, et bavarder avec des amis, dire du mal de mes voisins. Je veux pouvoir dire, que MOI, je suis plus intelligente que les autres, et surtout plus intéressante.
Mais comment se le dire, lorsque l'on sait que l'on n'est rien?
Je n'ai pas mangé depuis hier. Mon nez coule. J'ai mal à la gorge. Ce matin, j'ai pris froid dans la voiture. Je voudrais être dans ma chambre avec un bouillon chaud. Je mettrai mon déshabillé rose avec des fanfreluches plissés sur les manches et tout autour du col. Je lirai un livre facile, un roman policier. Je ne penserai plus qu'à des choses agréables. Mais il faudrait d'abord que j'arrête de pleurnicher. C'est vrai.
Je ne suis pourtant ni folle, ni hystérique. Je ne suis pas extraordinaire. Alors, s'il vous plait, « vous tous », tant que vous êtes, fichez-moi la paix. Je veux seulement penser par moi-même. Pourquoi ne me laisse-t-on pas tranquille?
Pour une personne qui n'a pas l'habitude de parler, Charlene s'en est donné à cœur joie.
Elle renifle un bon coup, avant de prendre une grande respiration. Elle sait qu'elle n'est pas encore prête. Le grand remue-ménage, libérateur de sa conscience, n'est pas tout à fait pour maintenant. Elle ne sait pas que, puisque Mimi l’a prise en charge, son sauvetage se fera tranquillement sans surprise, grâce aux éducateurs de l’Ile de Carpo qu’elle va rejoindre avec Emilie, loin de son mari. Une fois guérie, elle rejoindra sa maison et ses enfants. Une autre vie s’offrira à elle, enfin.
Lorsque tout à coup, elle lève les yeux vers l'horizon, elle voit, à travers le vitrail clair, l'énorme stature d'Hermelin réelle et véritable, sortir lentement de l'océan face au château, et monter pas à pas sur la pelouse.
C'est à ce moment-là que les mitrailleuses se mirent à crépiter et qu'elle comprit avec espoir qu'il allait se passer quelque chose de nouveau… et pourquoi pas un avenir inconnu et bienheureux.