L\\\'Enfant qui venait du futur

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Ce n'est pas le déploiement des engins motorisés tous terrains des C.B.Commands en  pleine action dans l'impasse qui surprend Véra à son arrivée devant l'immeuble d'Emilie. Par contre, le mouvement d'une énorme machine articulée se dirigeant vers elle, l'effare.

Elle crie, trébuche et hurle au maximum, lorsque le Robot se penche et la prend dans ses bras, au moment même où elle va atteindre le sol. Avec délicatesse, Hermelin la repose doucement par terre. Nick chevaleresque comme toujours, se précipite, le chat de la concierge sur les talons. Le félin la regarde intensément. Les yeux verts mordorés de l'animal sont la réplique exacte de ceux de Lisbeth. C’est pour lui, profondément émouvant.

--  Tu n'as pas mal? Tu ne crains rien, demande Nicky. C'est Hermelin, la Cybermachine que tu vois là, qui t'a empêchée de tomber. Il est très gentil sans en avoir l’air, tu sais.

Véra, prête à s’évanouir, pousse une horrible plainte.

--  Chut, supplie Nicky.

--  Qu'est-ce que vous venez faire là, gronde Aldo, d'une voix de Stantor. Stantor était ce guerrier grec, doté d'une voix retentissante, héros et héraut de la guerre de Troie. Homère dans l'Iliade, nous raconte combien son cri était puissant !  Sa clameur se manifestait de façon  si terrifiante que lorsqu'il la poussait, cinquante hommes hurlant en même temps, ne pouvaient se faire entendre.

--  J'étais venue chez Emilie, parce que… bredouille Véra.

--  Je suis Nicky, son cousin. Mais Emilie n'est pas là. Le jeune homme s'interrompt. Le chat de la concierge lui a sauté dans les bras, en miaulant horriblement.

--  Chut, re - supplie le pauvre garçon, se congestionnant sur la supplique.

--  Je sais bien qu'elle n'est pas là, puisqu'elle a été enlevée par la Paléosoft avec laquelle elle travaille. Mon frère Tanguy vient de m'appeler pour me signaler l'endroit où elle  est retenue prisonnière. Je viens pour vous y amener, afin que vous puissiez la délivrer.

Véra vient de trouver la parade qui, pense-t-elle va déjouer le piège.

--  Dites-nous où c'est, on va y aller. Aldo pour une fois, parle suavement. Il décide d'amadouer la jeune Véra, pour qu'elle lui dise tout ce qu'elle sait.

CE que lui, Aldo ne sait pas, c’est que ce n'est pas nécessaire, car justement Véra est venue sur les ordres de Ferré. Elle a justement pour mission de découvrir ce qu'Emilie cache    si bien chez elle.

En visionnant tout d'un coup, cet énorme pot aux roses, elle se dit qu'en les amenant tous au Château, la grosse IA/P représentée par Hermelin, fera encore mieux l'affaire que de simples notes.

La Paléosoft ne pourra pas faire moins que lui donner enfin du galon. Quant à Mathieu Ferré, elle va arriver finalement à le séduire. Elle en est sûre. Ce sera sa double victoire.

--  Emilie se trouve au Château du Tourssy, à deux cents kilomètres d'ici, en bordure d'océan. Nous pouvons y être en quatre heures. Laissez moi juste le temps de passer prendre ma voiture déjà programmée, pour y aller en direction automatique par autoroute.

--  Notre camion benne aussi, a une conduite assistée par radar satellite. Le temps d'embarquer Hermelin dedans et nous sommes prêts.

--  Vous allez emmener cette grosse machine avec nous? S'excite Véra. Elle songe à l'arrivée triomphante qu'elle peut faire, face à la troupe armée qui les cueillera à l'arrivée.

--  Je veux, précise Aldo. Je prends le volant. Vous laissez tomber votre véhicule et vous montez dans la benne avec Bess, Fred, Maggy, Gérard et Nicky. Les C.B.Commands qui n'ont pas de programme autoroutier, nous suivront sur les départementales. C'est où votre forteresse? Montrez-la sur la carte.

Le point est vite fait. Les moteurs pétaradent. Douze véhicules colorés et très hétéroclites prennent le départ. Installé sur la plate-forme, Hermelin ressemble à une grosse grue de chantier. Immobile et hermétique, il garde ses bras croisés. Mais à l'intérieur de sa tête en forme de grille-pain, se trouve le boîtier de l'ordinateur de Lisbeth, connecté aux circuits métalliques.

Il photographie au travers des grillages du grilleur, les images qui l'entourent et l'image rétro-filmée de son plan holographique. Mimi reçoit les diverses coupes photographiques et dialogue avec lui. La décision de laisser Véra emmener tout le monde à Tourssy, est prise d'un commun accord entre les deux Cybermachines.

Emilie étant toujours inconsciente, déconnectée elle-même ou presque, il vaut mieux la laisser en dehors des décisions prises contre Ferré. Hermelin a tout de suite compris que Véra ne vient pas pour les aider, mais au contraire pour les amener droit dans le piège.

Mimi lui explique, que son plan de bataille étant presque au point, ils peuvent enfin se mettre en route. Si la durée du voyage n'est pas trop courte, elle pourra déclencher la bagarre dès leur arrivée. Le commando, lui, est prêt à s'ébranler. Mais, tout çà coup, un cri retentit à l'entrée de l'impasse.

--  STOP ! Les mains en l'air, vous êtes cernés. Le Commissaire Harrow Bullud, revolver au point, doigt sur la détente, jambes écartées, se tient prêt à l'affrontement comme un shérif de l'ouest américain. L'affirmation « Vous êtes cernés » est exagérée, vu qu'un homme seulement se tient derrière le policier situé face à l'atelier de la rue de la Petite Sidérurgie. Mais la menace des deux armes est hélas, bien réelle. Avec sa grande diplomatie habituelle, Aldo essaye de discuter. La troupe vocifère. Le ton monte.

--  Finalement, qu'est-ce que vous voulez, aboie le colosse à l'adresse de Bullud.

--  Aldo Chomet, hurle Harrow dans le haut parleur qu'il tient quasiment dans le tympan  de l'interpellé. Je vous arrête pour le meurtre d'un homme inconnu, découvert chez vous avec un bras coupé, un poignard dans le dos et une ancre de marine tatouée sur le tronc.

--  Ah ! Encore cette vieille histoire ! Je vous ai déjà dit que je n'y étais pour rien.

--  Et moi je sais que vous êtes l'assassin. Vous aviez caché le cadavre dans le placard à balais, et vous vous apprêtez à prendre la fuite avec vos complices.

Avant que les conspirés aient pu manifester un début de révolution, Hermelin se dresse     de toute sa haute taille qui, grâce aux deux mètres de surélévation de la benne, atteint le milieu    du deuxième étage de l'atelier.

--  Excusez-moi de vous interrompre, Commissaire, dit-il de sa belle voix gravement musicale. Ce meurtre est l'œuvre d'une association de malfaiteurs qui a enlevée la jeune Emilie. Nous partons à sa recherche pour la délivrer. Vous feriez bien de vous joindre à nous.

--  Qui me donne des ordres? Rugit Bullud.

--  Emilie est la jeune fille que vous avez reçue mardi pour un vol d'informations à bases informatiques, réalisé sur son ordinateur. Mais cela n'a pas suffit aux cambrioleurs. N'ayant pas obtenu ce qu'ils désiraient, le Groupe Génium a décidé de la kidnapper.

--  AAAAh ! C'est Génium qui est à l'origine de toutes ces manœuvres?

Harrow Bullud est surexcité. La maffia en cols blancs serait à portée de sa main? Il n'en croit pas ses oreilles. Il sait bien que tout seul ou presque, à part son fidèle second Carpot dit la Truffe, qui n'est pas grand chose, il ne peut rien.

Au Commissariat, personne ne le prend jamais au sérieux. On le tient même pour un demeuré. Les investigations policières sur les méthodes des délinquants de l'Informatique et       des criminels opérant sur le Net, n'intéressent pas ses supérieurs. Or Harrow, aidé de son seul coéquipier lent de geste et nain d'esprit, ne se sent pas de poids.

Pourtant, il sait qu'il n'abandonnera jamais. Il s'adresse à Aldo. L'homme est pour lui, le seul interlocuteur visible, qui puisse lui parler avec cette voix de basse.

--  Et vous savez où vous allez?

--  Oui, réplique Hermelin. Cette jeune fille nommée Véra est venue à notre secours.      Elle connaît l'endroit dans lequel les principaux Dirigeants de Génium se cachent. Ainsi, avec Mimi, mon Cocybercerveau nous avons pu immédiatement localiser le lieu.

Naturellement, le colosse métallique Hermelin, taisait l'information reconnue, selon laquelle Véra  n'était pas là pour les aider, mais pour les faire surprendre par les forces armées, comme le lui avait précisé sa jumelle cybernétique.

A partir de ce moment là, Harrow se rend compte que c'est le tas de ferraille qui parle derrière lui. Il bloque son esprit et il faut lui marteler des explications pendant un quart d'heure.  Les démonstrations des performances électroniques prennent un bon bout de temps pour lui faire admettre l'impensable dans ce qui pourtant, est son domaine de prédilection.

Car c'est un spécialiste des méthodes informatiques de pointe. Les secrets convoités par des concurrents de tous poils, poussent ceux-ci à toute vitesse dans l'espionnage industriel. Heureusement, il pense vite lui aussi. Sa conclusion est que la chance lui sourit enfin.

Bien que tout seul et abandonné, il a toujours refusé de penser qu'il n'était rien qu'une broutille dans l'océan des connaissances technologiques mondiales. Son impuissance inavouée     l'a rendu fou furieux. Il ronge son frein depuis des mois, presque des années.

Et là, sans qu'il s'y attende, il rencontre un groupe de zozos à bécanes, quelques lulus de première, avec à leur tête une « Trombomachine ». Ah, il ne va pas les laisser passer outre, et il ne se gène pas pour leur annoncer qu'il n'a pas l'intention de se priver de leur concours.

Il rengaine son arme. Et pour rejoindre les rangs des combattants sans perdre la face, il prend la direction des évènements.

--  En avant, crie-t-il en s'asseyant dans la cabine du camion, coinçant par la même occasion, Véra, entre le zombie que représente son adjoint et lui.

Les C.B.Commands ne se faisant pas prier, sautent sur leurs engins disparates. Aldo prend le volant du camion. Nick, Lisbeth, Fred, Gérard et Maggy s'installent sur la plate-forme avec Hermelin. Au moment où la caravane s'ébranle, le chat de la concierge saute à l'arrière et colle Nicky qui cherche à le renvoyer. Mais il s'incruste si fort, que finalement le garçon le laisse se blottir contre son épaule.

--  C'est ridicule, dit Lisbeth, qui ne supporte pas l’asservissement de la faune et de la flore. Renvoie cette bête. Mais ni le chat, ni le cousin ne se donnent la peine de répondre. Le premier parce qu'il ne veut pas. Le deuxième parce qu'il ne comprend rien et n’écoute jamais les conseils, lorsqu'il sait qu'ils ne seront pas suivis. Surtout par le chat.

La concierge sortant de son émotion, reprend connaissance pour voir son petit compagnon à quatre pattes déserter le domicile familial.

--  Kiki, où vas-tu? Reviens ! Elle ne peut pas dire : " Il y a les mêmes à la maison ", parce que justement il n'y a pas les mêmes.

En un clin d'œil, l'impasse se vide. La grosse femme au bout de l'incroyable, choisit de laisser tomber ses quatre vingt dix kilos de graisse, sur le pas de la porte de sa loge, jusqu'à ce que Police Secours, appelée par un locataire charitable, vienne prendre livraison du colis.