L\\\'Enfant qui venait du futur

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Lisbeth. 01sepembre. 20 heures. Paris.

 

 

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            Je décide de renouer sérieusement avec ce Blog. Cela fait deux semaines que Frank m’a ramenée de Bretagne, presque de force. C’était bien  la première fois que je me retrouvais en semi-vacances dans la Capitale, sans boulot urgent. Malgré la pluie persistante, qui inonde les falaises bretonnes, j’aurais bien poursuivi ces quelques jours passés sous la tente, à ne rien faire.

 

            Sous prétexte de ce rapport à pondre pour la Mairie du 20ème , j’ai été obligée de laisser les autres veinards à leurs bains glacés. Il faut dire qu’en Bretagne, la mer est magnifique… lorsqu’il fait beau…. Ce qui est rare là bas.

 

           Heureusement je m’étais résignée à nager en combinaison de plongée, emportée pour faire du sport sous l’eau. Bien vite je me suis aperçue que je n’étais pas la seule à barboter couverte de collants, pulls à col roulé, gants et chaussettes, insérés sous la combi de caoutchouc.

 

            En rentrant, je n’ai trouvé que quelques factures dans ma boite à lettres. Pas un mot, ni un message sur ma ligne directe, pas de mail de Carpo. Je ne parle pas de mon téléphone portable dont je ne me sers jamais, à cause des ondes nocives que je crois ressentir en permanence lorsqu’il est branché.

 

            Il se trouve que  le contraste entre la vie parisienne si stressée l’hiver, et le calme de l’été touristique m’a surpris. Il faut dire que je n’avais jamais eu l’occasion de profiter de Paris au mois d’Août. Il m’est arrivé de faire de temps en temps du surbookage épisodique, à l’occasion d’un événement particulier tombant au milieu de l’été. A ce moment là, je bosse jour et nuit et je n’ai pas la chance de voir Paris by night. Les autres étés, je pars camper avec mon sac sur le dos.

 

            Avec Frank nous avons essayé de tirer parti de la situation et nous avons vécu comme des touristes parisiens. Le temps était pourri. Les informations aussi. Cela m’a amusé de voir qu’au début Août, la Bourse s’est affolée de nouveau, sur un canular de journal. Je me suis bien gardée d’appeler Emilie, pour savoir si Mimi était dans le coup.

 

            A peine arrivée et malgré quelques nuages, je me suis installée comme d’habitude sur une chaise longue dans le jardin. Je ne m’étais pas assoupie depuis trois minutes, malgré le concert de sifflets d’une volée de moineaux, que la porte de séparation avec la maisons voisine, dont le verrou était mal fermé, s’est ouverte en grand. C’était Frank.

                                                                                                                                                           

           Avant que j’ai eu le temps de réagir, il m’a dit avoir loué la baraque d’à côté pour deux ans, afin de pouvoir mieux surveiller mon travail ! ! C’est un comble. Généralement c’est moi qui fait tout… ou presque

 

            Je ne sais pas si je dois rire ou m’affoler. Autant Frank est fabuleux lorsqu’il part dans l’enthousiasme, autant il devient pénible lorsque tout ne se passe pas comme il l’entend. Son gros défaut est son désir de faire les choses parfaitement. Dès qu’il y a un trou dans son emploi du temps, son hyperactivité les pousse à envisager le suicide.           

                                                                                                                                                           

            Sans me laisser le temps de reprendre ma respiration, il m’a annoncé qu’il avait pris

rendez-vous avec Flora, sur les bords du canal de l’Ourcq, à Paris Plage, pour danser le Musette, sous les arbres, en plein air. Je n’avais qu’un quart d’heure pour me préparer.

 

            Je ne m’attendais pas à trouver l’endroit si charmant. Au bord de l’eau, sur un grand plancher en bois, près de quatre cents personnes placées sur cinq files étaient en train de pratiquer la Country, avec un ensemble parfait, chapeau de cow boy, bottes et chemises à carreaux à l’appui.

 

A droite, à gauche, sautillement, petit déhanchement, on tourne, le tout dicté par des ordres sur haut parleur : Step, une, coplé arrière, tap, stili et autres onomatopées que je ne comprenais pas, mais que la foule interprétait avec une aisance et un ensemble incroyables.

 

Toutes les générations et les ethnies étaient représentés. Les enfants, se mêlaient à un troisième âge sans aucune arthrose. Deux non-voyants, des gens de couleur, un  paquet de chinois des deux sexes virevoltaient au millimètre près, dans un ensemble parfait. J’étais fascinée. Je passais l’après-midi à admirer le spectacle. Frank ayant déjà fait la connaissance de quelques déconneurs de première avait disparu au bistrot. C’était parfait.

 

            Le lendemain était jour de Musette. Valses, tangos argentins et autres, salsa, java rétrograde ou même Madison, Chenille, etc.. Frank ne danse que le rock de base, ignorant les pas compliqués, moi de même. Nous faisons n’importe quoi. Deux danseurs éblouis par mon agilité et mon sens du rythme sont venus m’inviter, l’un pour une valse, l’autre pour un tango que je ne reconnus argentin que trop tard. Pour la valse je suis très légère, mais j’ai vite la tête qui tourne. Ce qui est gênant.

 

Quand au truc que j’avais pris pour un simple tango, dès la première figure, malgré mon éblouissante souplesse je me pris les pieds dans celui de mon partenaire. Plus personne n’est venu m’inviter. Je n’avais pas compris qu’on n’était pas là pour s’amuser, mais pour danser dans les règles de l’art. Je dû me contenter des entrechats remarquables et remarqués de Frank. Le soir j’étais moulue.

 

            En retournant à la voiture, d’une ruelle noire est sorti un sifflement modulé suivi par un

cri angoissé de femme. Frank, comme d’habitude s’est précipité au secours de la veuve et de l’orphelin. Ce n’étaient que deux jeunes de banlieue qui s’amusaient à faire peur à une dame en train de sortir sa poubelle.

 

            Après quelques explications mouvementées, Frank a sorti sa panoplie d’insultes. Les autres ont compris que question langage cru, ils n’auraient pas le dessus et qu’une bagarre ne faisait pas peur au superman. Très vite l’histoire a tourné à la rigolade et tout le monde s’est tapé dans les mains avant de se quitter. Les jeunes étaient ravis du déroulement bon enfant accordé à leur esprit.

 

                                                                                                                                                           

           L’aventure s’est terminée par une longue conversation entre la dame indignée et Frank remonté comme une pendule dès qu’il s’agit de stigmatiser le désordre ambiant… la police qui n’est jamais là quand il faut, mais qui par contre est toujours prête à distribuer des P.V. exagérés dès qu’il s’agit de menues infractions de stationnement, ou de dépassement de vitesse pour cinq malheureux  kilomètres/heure.

 

Sans parler de la prévention qui ne sert qu’à pousser les jeunes délinquants à se la couler douce en réinsertion de vacances sur des voiliers de luxe, au lieu de faire des travaux d’intérêt général pour réparer les tags visant à dégrader les monuments publics. La dame était O.K. avec véhémence. Ils se sont quittés enchantés.

 

En rentrant, je me suis souvenue d’un récit que Granie nous avait fait un soir d’hiver, devant un feu de cheminée, au sujet d’un siffleur venu au secours d’une jeune fille en danger, perdue dans la forêt. J’ai voulu la raconter au sauveur du jour. Mais l’oreille de Frank ne tient pas la route, surtout à minuit après une dure journée de vacances.

 

Je me la suis remémorée avec émotion. En traversant le jardin pour aller me coucher, la chaise longue placée sous le prunus, qui illumine même la nuit le coin de véranda de mon atelier, m’a aspirée. Allongée sous la nuit pleine d’étoiles embrumées par les lumières brouillées de la ville, une fois de plus j’ai entendu ma chère Granie, la célèbre conteuse que tous les Faronnais nous enviaient, me bercer de sa voix chantante.

 


02/09/2011
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