L\\\'Enfant qui venait du futur

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Préface


Préface

 

En cette veille de Jour de l’An 2010, la très riche, belle et célèbre Jessica Campbell m’avait invité à un grand dîner, dans son hôtel particulier de l’Ile Saint Louis. Retenu à la Conférence de Presse de l’Elysée, je compris que je ne pourrai malheureusement pas y être avant le dessert. J’envoyais donc un message à son majordome, pour l’avertir de ce retard. Afin de m’excuser, je fis livrer une énorme bûche, surmontée d’une Tour Eiffel en praline sculptée. Je savais que cette preuve de mauvais goût ferait rire tout le monde.

 

 

Je quittai la Rue de Rivoli, vers vingt trois heures. Le temps de récupérer ma voiture, je débarquais Quai d’Anjou, un peu avant minuit. Jessica m’accueillit en battant des mains, comme une petite fille. La foule me semblait passablement éméchée. Je connaissais à peu près tout le monde. Je serrais des mains, embrassais la plupart des convives installés autour de la table. C’est en arrivant vers la cheminée que je tombais sur Elisabeth Rambert. Bess, la petite Bess de mon enfance ! Ma copine préférée….

 

 

Je ne l’avais pas revue depuis plus de dix ans, le jour de son dix neuvième anniversaire. Cela se déroulait dans le midi, chez ses grands-parents, dans la vieille maison familiale située sur le Faron, cette petite colline dominant Toulon. Nous nous y retrouvions chaque week-end, chaque jour de fête et pour les vacances. Je ne faisais pas partie de la famille proche, n’étant qu’un cousin éloigné.

 

 

Pour la période scolaire, mes parents et moi, habitions à Marseille, ville natale d’Elisabeth. Nos appartements étaient situés sur le même palier que la famille Rambert, au cinquième étage, avec vue sur « La Bonne Mère », Notre Dame de la Garde.

 

 

Ainsi, je passais tous mes moments libres, soit seul avec elle à Marseille, après la classe, soit sur le Faron, pendant les vacances, avec toute la tripotée d’enfants issue de lignées plus ou moins proches. J’étais ébloui, de la retrouver.

 

Elle me dévisageait, surprise, les yeux écarquillés. Je l’embrassais. Jessica un peu jalouse, me demanda :

 

 

     -- Vous vous connaissez ?

 

 

J’avais envie de pleurer. Toute mon enfance défilait devant mes yeux. Dix ans ! La vie nous avait séparés pendant dix ans, sans que je m’en rende compte…

 

 

mes études… quelques conquêtes et je l’avais presque oubliée. Incroyable ! Après avoir été si proches, nous nous regardions maintenant comme deux étrangers, sans même savoir quoi nous dire.

 

Jessica qui ne me connaissait pas mon vrai nom, me présenta sous mon alias :

 

 

     -- Hervé Goldwin, vous savez, c’est ce grand reporter d’investigation qui couvre les évènements politiques européens.

 

 

Mais on en était au champagne, personne n’écoutait. Tout le monde se moquait bien de savoir qui j’étais. Seule Elisabeth semblait surprise, étonnée, presque absente. Son regard ne croisait plus le mien. J’étais assis en bout de table, un peu crispé.

 

 

Je garde un souvenir bizarre de ce souper. Il me semblait que quelque chose venait d’éclater. Le destin se remettait en route, comme si ces années d’absence n’avait été qu’une « attente », la préparation d’une aventure qui allait « enfin » démarrer.

 

 

Dans le brouhaha des adieux, je donnais ma carte à Elisabeth. Je me souvenais de tous ses petits noms : Lisbeth, Bess, Bessie, Betty, et petite Bête lorsqu’elle se butait, ce qui arrivait trop souvent. On ne l’appelait Elisabeth qu’au pensionnat, ou chez le médecin. Elle n’aimait pas du tout ce prénom qui lui rappelait tous ces mauvais moments.

 

 

Je la regardais s’éloigner. C’était toujours une vraie beauté. Sa silhouette fine et souple, son visage rayonnant, ses yeux verts bleus, ses cheveux blonds frisés en faisaient une étoile scintillante, charmante, attachante. Rien de sculptural en elle, au contraire. Elle n’aurait jamais pu être mannequin. Elle n’était pas assez grande. Mais elle s’en fichait. Son aspect extérieur ne l’intéressait pas.

 

 

Arrivé à hauteur du quai, je vis qu’elle attendait un taxi. Mais ce soir là, il y avait peu de chance qu’elle en trouve un. Le temps de lui faire signe de monter, il recommençait à neiger. C’est ainsi que je débarquais chez elle, en banlieue nord, dans une petite maison enfouie dans la verdure, face à l’Hôtel de Ville entouré d’un square dont les grands arbres scintillaient. A l’intérieur, je reconnus le style de ma folle Bess. Une grande pièce emplie de dessins, de peintures, de papiers entassés par terre, dessous, à côté et derrière l’ordinateur, un piano, un saxo, un sofa couvert de coussins, de couvertures, une cheminée pleine de bois et de papiers qu’elle enflamma pour réchauffer l’atmosphère. J’étais drôlement bien et heureux.. Enfin, je retrouvais ces moments bénis où, nous nous rassemblions pour échafauder mille bêtises.

 

 

Je la serrais fort dans mes bras et je me mis à pleurer.

 

 

     -- Mais ça va pas Fred, tu es fou ! Et qu’est-ce que c’est que ce nom d’Hervé Goldwin ? J’ai failli oublier que tu t’appelles Guénolet, comme tonton Louis ! J’ai cru perdre la tête ce soir… Et d’abord, qu’est-ce que tu es devenu depuis dix ans ? Tu n’as même pas donné de tes nouvelles ? Si je n’étais pas venue chez Jessica ce soir ! Moi qui ai horreur des dîners…

 

 

-- Mais c’est toi qui est partie le lendemain de l’anniversaire de tes dix neuf ans ! Quand à ce nom américain, c’est à cause de mon boulot.

 

 

Reporter, c’est très risqué.. Je préfère que l’on ne sache pas qui je suis vraiment.

 

 

     -- Tu pouvais au moins, demander mon adresse aux parents ! Non, tu exagères !

 

 

     -- Cessons de nous disputer. Raconte moi plutôt ce que tu es devenue…

 

 

Son regard est redevenu doux et espiègle. Je redécouvrais intacte la petite camarade de jeux qui nous entraînait toujours dans toutes sortes d’aventures insolites, dangereuses même parfois. La folie contagieuse qu’elle nous avait communiquée à tous, me reprenait enfin.

 

 

je retrouvais l’énergie de gamin, que j’avais perdue… mon esprit frondeur, mon langage grossier de sale môme, mes envies de tout chambouler… Je m’imaginais que tout allait changer dans ma vie. Mais je ne savais pas à quel point !

 

 

Nous avons passé la nuit à parler de nous deux, des copains d’enfance, de nos histoires sur la colline et aussi de ce qu’elle avait fait de ces dix années passées à Paris, loin du sud. En exil quoi ! Alors commença le récit le plus extravagant que je puisse imaginer. J’étais bien installé, au chaud, devant des flammes brillantes.

 

 

Tout semblait ordinaire. Mais Bess ne l’était pas. Elle ne l’avait jamais été.

 

 

Je me sentais très troublé. Nous avions tant de souvenirs communs. Nous avions été si proches. Je ne comprenais même pas comment j’avais pu la délaisser, elle et tous mes petits complices, Nounouche sa jeune soeur, Nickie son timide cousin, Malika, Emmie, Chabichou et les autres, tous les autres disséminés entre Marseille, Bandol, Toulon, Hyères et Cassis.

 

 

Finalement, je me suis endormi sur le canapé, dans la lumière du feu de bois. Lisbeth somnolait à côté de moi. Je lui tenais la main, comme lorsque nous étions enfants.

 

 

Je ne me suis réveillé que vers midi. Lisbeth faisait du bruit dans la salle de bain. Au travers des grandes baies vitrées, je voyais le jardin couvert de neige. Un vieux chat pelé, gris à rayures noires, miaulait pour qu’on lui ouvre, mais elle me cria de le laisser dehors. Je me souvins qu’elle avait horreur de peser sur la vie des animaux et des plantes.

 

 

Je décidais de rester chez elle pour le week-end. Cela ne la dérangeait pas. Elle devait juste recevoir, vers dix neuf heures, les amis avec lesquels elle travaillait depuis son arrivée à Paris. Il y avait un dénommé Frank, un voisin qu’elle voyait presque tous les jours, un certain Michel, vieux jeune fou de soixante dixt huit ans, et deux autres personnages, sur lesquels elle ne s’étendit pas.

 

 

Quand à moi, je ne devais quitter la France, via Bucarest, que le mardi suivant, pour une enquête banale sur la réaction des Roumains, face aux conditions économiques du moment. Comme je la bombardais de questions sur ses activités présentes et sur celles qu’elle avait assumées depuis 1999, elle me passa les dernières pages de son journal, tirées de son Blog.

 

 

-- Ce sera plus simple. Pendant ce temps là, je rangerai un peu la maison, bien que cela me barbe. Je peux même dire que j’ai horreur de ça, mais mes invités détestent le désordre. Frank surtout est très tatillon sur la propreté et je n’ai pas fait la vaisselle depuis cinq jours.

 

 

Heureusement, c’est un garçon assez génial. Tu verras. Vous allez bien vous entendre. Il ne fait pas ses trente ans. On dirait qu’il en a quinze. Comme toi, autrefois. Vous êtes vieux pour moi, finalement… pour moi qui n’ai toujours que trois ans.

 

 

La neige continuait de tomber. Il faisait très froid. Avec plaisir j’avais rallumé le feu sous les grosses bûches. Je m’installais enfin, avec son cahier sur les genoux. Je m’attendais à tout ou presque !

 

 

 

Mais ce que j’appris était bien différent. Ses premières notes dataient d’un an, presque jour pour jour, puisqu’ aujourd’hui nous sommes au premier Janvier de l’année 2010.

 

 

Cette année sera je le sens, une année « SURPRENANTE » ! Je l’ai compris, dès les premières lignes de son journal :

 


28/05/2011
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