L\\\'Enfant qui venait du futur

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Emilie. Dimanche 10/07/2011 9 heures du matin. LA SOUDURE.

 

 

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Le groupe des Delpierre, Fred, Nick et Lisbeth arrivent en trombe chez Aldo. Ils y trouvent  un vacarme infernal qui se répand jusqu'au Square Mombeuil, au delà de l'Impasse de la  Rue de la Petite Sidérurgie. Le nom vieillot de la ruelle, datait du 19ème siècle, au moment du développement de l'industrie métallurgique. Son éthymologie descendait du grec SIDEROURGOS, qui veut dire forgeron. Du groupe d'usines travaillant alors, le fer, la fonte, l'acier et les alliages ferreux, il ne restait plus en l'an 2011, qu'un atelier d'une dizaine d'ouvriers.

 

 

Bien qu'on soit Dimanche, une agitation effrayante secoue un groupe de motoristes vêtus  de tenues diverses et hétéroclites. Avec leurs protections aux bras, jambes, casques allégés et transparents, ils ressemblent à des langoustes. La troupe qui s'affaire autour d'engins insolites et variés, s'occupe à les faire pétarader bruyamment. Les machines vont de la simple trottinette motorisée,  à l'uni - cycle décapotable, en passant par le caddy utilisable en grande surface.

 

 

--  Que font-ils ? Demande Lisbeth clouée par la surprise, à l'entrée de la ruelle.

--  Ils se préparent pour la course d'entraînement de la semaine prochaine. Le calme des explications de Nicky contraste avec la folie ambiante. La compétition va se dérouler le long de    la petite ceinture, en prévision de la fête annuelle des « C.B. COMMANDS », dûment contrôlée par l'Organisation mutualiste de Circulation Libre. Le terme de « C.B.COMMANDS » veut tout simplement dire « Capacité de Conducteurs de Moteurs de Commandes Basiques ». L'opération est des plus dangereuses.

 

 

Les pilotes sont de véritables kamikazes. Il y a chaque fois des dizaines de blessés. La Course a un succès  fou. Et pourtant, l'événement qui a lieu chaque année, sur le champ de courses, n'est encore connu que des seuls initiés. Malgré tout les inscriptions se bousculent. C'est pour ça que l'atelier reste ouvert pendant le week-end. 

 

 

Les C.B. Commands peaufinent ici leurs machines en vrai pros de la mécanique. Les engins sont construits majoritairement en bio, par-chocs en maïs compacté, guidons en résine, énergie à base de jus de betterave. Ils arrivent pourtant à dépasser les 250 Kilomètres / heure.

 

--  Les voisins ne rouspètent pas?

--  Si. Mais Aldo s'en fout. Le patron le laisse faire, parce que c'est lui qui organise les courses.

 

 

Derrière la foule bariolée, un colosse engueule les ouvriers du week-end. Ses molletières de cuir, assorties à son blouson sans manche, sont cloutées. Ses bras et sa poitrine velue, sont couverts de tatouages violemment colorés. Les mouvements des muscles agités par la colère, les font saillir. Le poing énorme s'agite dangereusement. Il ne fait pas bon s'approcher.

                                                                                                                                                      

 

--  Bande d'enfoirés ! Si vous poussez trop les moteurs, ils vont péter. Vous croyez que ça m'amuse de réparer vos conneries après mes heures de travail? Y en aura encore pas un de prêt pour l'entraînement. Vos gueules. Le premier qui rouspète, j'y explose la tête. J'y casse la gueule si vous préférez poliment.

 

 

Des mouvements divers agitent le secteur, pour montrer que le forcené ne s'adresse pas forcément qu'à des fillettes. Les injures pleuvent sainement, soulignées de coups de butoir assénés sur les carcasses. La flamme du chalumeau oscille en crachant des étincelles crépitantes.

 

 

--  Aldo ! Appelle timidement Nick. Avant tout, il voudrait disparaître dans un trou de souris. Il a horreur de se faire remarquer. Même s'il n'a rien à se reprocher, il attend tous les matins, que la concierge soit dans sa loge pour sortir de l'immeuble en rasant les murs.

 

 

--  Et que ça saute ! Tas de minus ! Aboie Aldo la Frappe. Je suis pas là pour faire du soutien psychologique de gonzesses.

 

 

--  Aldo ! Répète Nicky avec un souffle hagard, ayant comme l'a dit Victor Hugo : " Dans ses yeux noyés d'une vapeur, cette stupidité qui peut-être est stupeur ".

 

 

--  Aldo, hurle Lisbeth énervée, avec une voix de stentor, insoupçonnable dans ce corps de belle jeune fille.

 

 

--  Qui me cherche? Tonne Aldo.

 

 

--  C'est moi Nick, et ma cousine Lisbeth, la cousine d'Emilie ta voi- si-ne du dessous, balbutie Nick au supplice. Défendre sans armure, l'opprimée face à un ogre affamé représente le pire cauchemar qui puisse exister pour un parano – sensitif – réceptif – préférentiel. Un ouragan se dessine sous sa calotte crânienne. Mais il le faut. Pas de lézard..

 

 

--  On voudrait vous parler... marmonne Nicky. Fred ajoute : Oui, on veut vous parler, vite, et à part. C'est urgent.

 

 

Des veines bleuâtres se gonflent dangereusement sur les tempes de l'hercule. On sent  qu'il va exploser, que ça va faire un malheur, que les toiles de la devanture vont s'envoler avec tout ce qui se cache derrière, les meules, les tours, les fraiseuses, entraînant le maelström jusqu'au square, jusqu'au fleuve et même au delà des étoiles, jusqu'au fin fond du Cosmos.

 

 

Nick effrayé recule déjà. Mais quelque chose de décidé dans le regard de Lisbeth, force Aldo, POUR UNE FOIS, à ravaler sa grande tempête.

 

 

--  Qu'est-ce qu'il y a moucheron, grogne le molosse. Ses yeux de cuivre et son torse d'écuyer deviennent presque humains.

 

 

Dans l'arrière boutique, au dessus de l'atelier, s'affairent cinq soudeurs – aléseurs - tôliers, Devant Alain et Thomas,  qui sont les deux plombiers-zingueurs, bras droits et copains d'Aldo, Elisabeth explique le drame par le détail.  Elle dit l'enlèvement de sa cousine, le château-prison, les consortiums géants, les kidnappeurs, les multinationales sans respect pour tout un chacun, et même autrui. Elle déballe tout en bloc, avec sa passion coutumière.

 

 

--  Les SALAUDS ! Les SALAUDS ! Vocifère Aldo, en frappant d'un poing coléreux,    une petite ailette prête à être poncée qui voltige en boomerang jusqu’au plafond de l’atelier.  Enlever en peignoir de bain, une si charmante jeune fille ! Cette mignonne petite, quasiment ma voisine ! C'est pas baisable! Les ordures !

 

 

J'avais repéré sa petite bouille, lorsqu'elle avait emménagé. Ouais, on peut dire qu'elle est aimable ! La brute prend un air timide. Je fais souvent du vacarme. OK. Je suis un violent. Mais jamais elle est venue se plaindre du bruit comme les autres locataires. Elle me dit toujours bonjour.  Même qu'elle m'a souri une fois.

 

 

--  C'est ma cousine. Approuve Nicky avec fierté. Elle a toujours été comme ça !

--  Et elle, c'est Lisbeth. Ce sont mes cousines, insiste Nicky.

-  Bon. Pourquoi qu'ils l'ont-y kidnapée? Qu'est-ce que faire? Coupe rocaillement le géant pressé de laisser les circonvolutions aux vestiaires. Son accent terrible choque même ici, où pourtant les zonards les plus marqués, s'ils s'aventurent en terrain moins bas de gamme, produisent de la stupeur " dès qu'ils ouvrent la bouche ". Nicky  se croit obligé de prendre la parole.

 

 

--  Ils l'ont enlevée parce qu'elle a fait une sorte d'invention… enfin, elle a inventé une découverte comme… une Intelligence Artificielle, et peut-être…  il paraît même… que ça pourrait être valable…  alors, il paraît…

 

 

--  Laissons parler Hermelin, propose Lisbeth pratique. Il saura mieux expliquer.             

--  Qui c'est Hermelin? Demande l'homme montagne.

--  C'est moi, répond gravement et de façon posée la machine que Lisbeth transporte dans ce fameux mini-ordinateur  de poche. Je suis le double électronique d'Emilie, qui est actuellement prisonnière. Son deuxième double pour être précis. Le double de son double, quoi. Je suis en rapport avec elle, je sais où elle est. Il faudrait me donner un support capable de la délivrer rapidement. Par la force si nécessaire. Ajoute-t-il après réflexion.

 

 

Pour l'instant, je me présente sous forme de CDE. Je suis en trois dimensions en quelque sorte. Emilie a construit une première Intelligence Artificielle Personnelle, appelée Mimi, de façon à ce que celle-ci puisse se permettre de saisir d'elle-même, les données extérieures en plus de celles qu'on peut lui donner par frappe directe sur son clavier.

 

 

Cette IA/P Autonome prénommée donc Mimi, a été dupliqué par CDE. Cela a donné une deuxième Intelligence Artificielle Personnelle  appelé Hermelin, qui est moi. Désormais, il me suffit d'un simple boîtier informatique pour me mettre immédiatement, en fonction opérationnelle. Mais maintenant j’ai besoin d’une carcasse.

 

 

Sa voix de baryton a pour base l'enregistrement de l'organe chanté de Field Kourza, la vedette de Samson et Dalila, dans la comédie musicale américaine, nominée tube de l'année.

 

 

--  Qu'est-ce que c'est que cette bestiole qui couine dans sa boite vocale? Demande Aldo. On n'a pas besoin de ce gadget pour foncer délivrer la petite que je sache? J'appelle les gars et en route. Basta !

                                                                                                                                            

 

--  Doucement. Ne nous énervons pas. Moi Hermelin, je vais vous exposer posément la situation. D'abord, je suis le seul à pouvoir situer l'emplacement exact du Château où mes        co-intelligences sont retenues prisonnières. Grâce à Mimi, le premier Cybercerveau d'Emilie     avec lequel je me trouve en contact direct, je suis en train de les positionner hertzertiennement.

 

 

Je travaille à visualiser l'endroit où elles se trouvent exactement et repérer leur point de chute. Je n'aurai plus ainsi, qu'à me diriger vers les émissions d'ondes diverses, électromagnétiques et telluriques. ET D'UN. Ensuite, je saurai mieux que quiconque recevoir les indications d'Emilie  et surtout de Mimi son premier double. Le premier double de son IA/P, ou Intelligence Artificielle Personnelle, pour être plus précis. Corrige-t-il.  ET DE DEUX.

 

 

--  Et alors quoi ? Lance dans le vide un Aldo éberlué dont le regard faseille, ralinguant comme une voile que le vent n'enfle plus. Ne sachant pas précisément vers qui diriger son oeil, il louche copieusement.

 

 

--  Hermelin demande qu'on lui construise une super carcasse, forte et costaud, qui pourrait balayer tout sur son passage pour délivrer ma cousine, complète Lisbeth. Une fois arrivé devant le château, l'automate hyper charpenté, pourra rentrer en force. Et il ne craindra pas les balles, ajoute-t- elle, puisqu’il sera en fer. Il pourra nous ouvrir les portes du Pont - Levis, pour nous laisser entrer finir le travail. 

 

 

--  Ce serait, ce serait… bafouille Aldo.

--  Un ROBOT! Confirme Nicky au bord du malaise vagal.

 

 

Aldo a vite compris. C'est un rapide. Placé préférentiellement sur sa Courbe de Dynamisme en D. signifiant Redescente Destructurative, à tendance Pessimiste-Destructrice qui déstructure à donf les manettes, il oscille à chaque instant entre le début de sa phase de démolition active et une fin proche de la disparition caractérielle, par abus de violence négative.

 

 

Or, dès lors que l'urgence le pousse vers une action punitive, tendant à viser surtout les méchants oppresseurs de la planète, cette opération Robin des Bois dérive ses trop vives pulsions d'auto -anéantissement, pour les diriger vers l'extérieur de lui-même. Visant enfin, à anéantir une cible vicieuse perverse, il se délivre en force, de son auto-impuissance, pour devenir un géant de réalisation positive. Cette explication logiquement enfantine, repose sur les Tests Instantiels de Lisbeth, ceux-la même dont Ferré raffole.

           

 

La violence d’Aldo, rejette d'habitude ses fautes sur les autres. Elle se retourne alors  chaque fois  contre lui-même. Mais voilà que cette fois-ci, elle peut s'épanouir enfin en puissance de création justicière. Il devient juge et bourreau. Tantôt dans la case du Justicier, tantôt dans celle de l'Eboueur qui nettoie, détruit les mauvaises odeurs, et purifie à la folie, il sait qu'il « DOIT » le faire et que tout ce qui est moche doit disparaître. C'est à dire pratiquement « Tout ».

 

 

Immédiatement, sa puissance se surmultiplie. Son Cerveau grandit de cinq cents mètres.     Il enfle ses poumons, exhale son « ire », halète, explose, déjante. C'est le Dieu de la vengeance « soi-même ». Il monte sur son trépied, entraîne les foules, donne des ordres jugulaires, des arrêts absolus de condamnation totale, des sentences de blâme. Il est divin. Lisbeth se met à l'adorer sous les regards ahuris de Fred.

 

                                                                                                                                                      

Les camarades d’Aldo enthousiastes, sont d'accord pour se mettre au travail illico, sur une machine perfectionnable et plus perfectionnée que leurs petites « C.B.Commands » fignolées seulement pour le sport. Fiers de leur spécialité de Conducteurs-Basic-C, ils s’emparent alors immédiatement, d’un soubassement composé d'un engin rouge, soutenu par trois roues vertes, déjà en préparation pour la course du printemps.

 

 

Sur les fondations, les constructeurs greffent un tronc métallique, résidu de voiture pour handicapés. Des bras articulés provenant d'une benne en construction, sont posés en dessous d'une cage métallique comprenant le baby-ordinateur de Lisbeth, drivé par « l'Intelligence-Machine ».

 

 

A peine les premiers appendices sont-ils reliés au cerveau d'Hermelin, que celui-ci se met    à se construire lui-même, en même temps que ses constructeurs. Aldo est stupéfait. La manœuvre plus que parfaite est très rapide.

 

 

Tout le restant de la matinée, les C.B.Commands se relayent. Ils sont maintenant une douzaine à usiner, souder, monter, visser. Les choses vont de plus en plus vite. Toute la journée et toute la nuit, l'atelier ne désemplit pas. Il ressemble à une ruche d'abeilles métalliques et argentées.

 

 

Au petit matin, la monstrueuse machine fait quelques pas dans l'impasse. Il ne fait pas encore jour. Dans la rue, personne ne semble remarquer l’étrange cortège, sauf quelques pigeons blasés. Et à part la concierge de l'immeuble du  N° 6 de la Rue de la Petite Sidérurgie, celui là même dans lequel se trouvent les appartements d'Emilie au premier, d'Aldo au deuxième droite,    et de Nick au deuxième gauche, donc disions-nous, à part la concierge qui se trouve mal en sortant les poubelles, aucun œil indiscret ne découvre le scoop.

 

 

L'énorme robot possède très vaguement un aspect humain. Sa toute petite tête ne laisse    pas deviner l'immense cerveau qui tient dedans. Ses mécanismes automatiques à commandes électromagnétiques, effectuent toutes les opérations voulues. Cybernétiquement prêt, il désigne  lui-même les points à améliorer et met, si on peut  dire, la main à la " patte ".

 

 

Fred et Gérard Delpierre pleins de cambouis, sont enfin partis se laver dans la salle de bains de Nick. L'équipe cache Hermelin dans l'atelier, avant de monter casser la graine chez Aldo. Sa femme Flossie, prudente, a souvent l'habitude de se réfugier le week-end chez sa sœur. La préparation des randonnées des C.B.Commands, est trop traumatisantes pour ses pauvres nerfs fragiles de fin de semaine. Dès que le moindre grain de sable fait grincer les rouages mal huilés de son ours de mari, l'attirail neuronneux de Flossie, ganglions, nevraxe, plexus solaire, système central sympathique, et même parasympathique, part dans une dérive grave de névrotisme aigu et la fait craquer pour quinze jours.

 

 

Finalement, rendez-vous est pris avec le Cerveau enrobé de ferraille du grand Hermelin, pour dix heures ce matin là. Il va profiter du break indispensable pour les carcasses humaines, pour se mettre en rapport avec Mimi et préparer le plan d'attaque du Jour J.

 

 

Lorsqu' après réparation des forces, le groupe de l'ensemble des protagonistes revient, le Robot leur annonce que l'opération nommée Blizzard, est prête à démarrer immédiatement. Un dernier briffing sur le papier, amène la sentence. Le vote est unanime. Quinze " OUI ", sur quinze scrutins présents. Le  COMMANDO  JUSTICIER  est  Paré  à  ATTAQUER . Chacun répète son rôle. On vérifie les voitures. Les C.B.Commands sont plus heureux que pour une course. Et c'est alors que l'on s'aperçoit que Nicky manque à l'appel.

 

 

 

 

 

 

 


10/07/2011
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