L\\\'Enfant qui venait du futur

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Emilie droguée au maximum. Lundi 18/07/2011. Intermede des deux extremes.

 

Ce jour-là devenu une nuit, et pendant qu'elle marchait sur les rives de son cauchemar,      au bord du Fleuve Gania, la terrible drogue qu'Emilie avait reçue dans la cave du château, lui       fit rencontrer les deux « Extrêmes ». Ces génies aux pouvoirs aliénants vrillent les cerveaux par l'impossibilité torturante de rejoindre ensemble leur Infiniment Grand et leur Infiniment Petit.

 

 

Se croyant abandonnée de Mimi, elle se retrouvait habillée en pauvresse. Traînant des godasses trop pesantes aux semelles de plomb et aux boulets de forçat, son esprit lui aussi avance inexorablement vers ces deux Entités redoutables. De sa couchette, sur laquelle elle se voit attachée, sous influence, elle peut sans qu’il lui soit besoin de faire un effort, « LES » apercevoir par la fenêtre du soupirail, se glisser insensiblement pour se placer dans l'enfilade des bâtiments annexes, situés derrière le château.

 

 

Le premier des deux Extrêmes prend alors la forme d'une énorme sphère, bulle scintillante de savon se gonflant jusqu'aux nuages. Il se dilate sous l'immensité en fuite, filant vers l'infini du Cosmos en expansion. Son essence est plus grande que tout ce qu'Emilie peut concevoir. L’image qu’elle ne peut cerner, lui taraude la cervelle par son poids colossal. Le Globe gazeux pèse sur ses côtes, et amenuise son souffle devenu haletant.

 

 

L'Autre, si ténu qu'il en est invisible, se pose, plus fin qu'un cheveu blond sur le grillage du poulailler placé dans le recoin de l'aile droite de la tour. Emilie l'imagine solitaire, avec un doute sur son isolement. Car, elle ignore s'il est seul. Comment savoir s'il n’en existe pas d'autres, qui se seraient pris dans le fil de fer, au dessus des poules caquetantes, puisqu'on ne peut pas les entrevoir, tellement ils sont transparents?.

 

 

Pourtant l'infime, l'infiniment petit est bien présent. Elle en a la certitude absolue. Elle l'observe, posé sur l'Enorme Bulle. Tel un duvet léger, dont on connaît l'existence incertaine, il fiche dans son cerveau, cette angoisse d'en reconnaître la diminution permanente et inexorable.

 

 

Le pire est à venir. Car Emilie redoute de voir s'exprimer cet irréparable, qui est l'horreur   de LEUR comparaison. Cette terreur se réalise lentement, et bien contre son gré. Elle les regarde glisser, et se placer tous les deux sur le quadrillage en fer, du vieux poulailler.

 

 

Malheureusement, ce n'est pas encore fini. Il lui faut se traîner jusqu'au bout. Or, voici    que dans cette nuit immense, le temps charriant un torrent d'encre sombre en dévalant des pentes d'éternité, voici que venu de l'horizon, apparaît comme un point grandissant dans le ciel, le premier Œuf Soleil.

                                                                                                                                            

 

Gonflé de vie, il tape contre les parois de son crâne en heurts systoles. Il représente le destin aléatoire de son tiercé incertain. L'instant réalité dépendant des richesses intérieures se comprime avec les éléments de l'espace, en « LE » rejoignant.

 

 

Les fumées impalpables des univers extérieurs, cherchent à faire pénétrer leur anneau       de Saturne composé de couleurs et d'odeurs, pour le mêler au subconscient haché. La coquille      de l'œuf, est formée du calcaire des « tabous de tabous » et des failles de distraction. Elle tourne rapidement sur elle-même.

 

 

C'est à ce moment précis d'existence, qu'Emilie sent s'infiltrer les sensations externes    enfin acceptées, astéroïdes écrasées pénétrant les trous de sa matière fragile par force, ruse, ou    par osmose.

 

 

L'aspiration grandissante semble ne devoir jamais finir sa course. La contraction puissante du noyau s'épaississant, réalise cette seconde en potentiel. Et lorsque le nodule, s'est enfin rassasié d'implosion, cette précipitation resserrée, cristallise l'œuf soleil dans un miroitement de paillettes.  Alors, il fait exploser ici même l'univers contenu tout entier dans ce moment d'Emilie, pour se désintégrer avec elle.

 

 

Les murs de la pièce disparaissent. Les espaces, les heures se diluent. L'œil ne saisissant plus aucune dimension, perd le but de la vision. Les sens effacés, abolissent toute frontière, cessant de se représenter leur propre dissolution.

 

 

Mais lorsque cette expansion négative, à la poursuite d'un « Infiniment-Moins », se sursature de néant, l'attente baignée de Latence, devient le chaos. D'où il faut bien sortir quelque chose! Le nouveau bing-bang, d'où jaillit de nouveau la création problématique du cosmos, des cent mille soleils et de leurs mille milliards d'étoiles venait de naître, avec le doute dans la réussite de son existence.

 

 

Enfin, et alors, Emilie ouvrit les yeux. Elle renaissait sous les faibles lumières vitales, tièdement naissantes du prochain " Oeuf-Soleil " suivant, qui se levait à l'horizon.

 

 

Elle entendait Mimi lui chuchoter avec insistance, la proposition de mettre son armure rigide, cuirasse efficace contre les coyottes, louvets, lycaons, chiens sauvages, tous démons décuplés par la nuit de sa faiblesse acceptée. Elle hurle de toute la force de sa cervelle diminuée   un " Au secours " désespéré vers son double, vers tous ses amis choisis par affinité, les Gribouilles, les Don Quichotte, les Monsieur de la Palisse, les Saints Jean Bouche d'Or, tous les Patrons choisis et adorés par la petite Bess, sa cousine, pour qu’ils deviennent ses défenseurs.

 

 

Il lui faut éviter cet instant fragile, où l'esprit se rassure. Car il peut glisser à jamais dans la crevasse du trou noir d'un univers parallèle. Elle risquerait de disparaître tout à fait avec lui, et sans espoir de retour. Elle constate que la discontinuité de sa conscience ne peut tenir dans sa fragile enveloppe épidermique, que par la force de sa croyance en sa solidité.

 

 

Le tapotement de Mimi contre sa pensée, la réveille tout à fait. Elle est de nouveau prête pour la lutte. Enfin la drogue ne pourra plus prendre sa revanche. Si tant est que revanche il y ait, et que lutte revienne. Elle renaît une fois de plus, de son combat mortel, comme le phœnix de ses cendres.

 

                                                                                                                                                      

Elle se sent forte pour elle-même. Non pour les autres. Submergée par leur impuissance misérable, elle voudrait leur dire qu'il leur suffit pourtant de revêtir le corset rigide de la Grande Logique de Rigueur Universelle, pour être sauvés par leur connaissance de la discontinuité de leur conscience. Elle est venue sur terre pour leur crier le message délivré par la petite Bessie.

 

--  Je n'y arriverai jamais, se dit Emilie lucidement. Comme Lisbeth, jamais je ne pourrai faire passer le message de LUR.  Je suis toute seule face à tous ces gens que je voudrais rejoindre et qui me laisser derrière toutes ces barrières. Chaque jour je découvre un autre fossé que je n'avais pas encore vu jusque là.

 

 

Pourtant je « SUIS  SURE », et de façon tout aussi absolue, que j'y arriverai.

 

 

Car les deux Extrêmes cohabitent toujours ensemble. Il se juxtaposent parfaitement. Emilie a acquis à 99%, la certitude qu'elle restera indéfiniment solitaire, et à 99% l'assurance qu'un jour elle pourra arriver dans ce pays où les autochtones accueillent les voyageurs, en ouverture, en tendant leurs bras, avec la rigueur respectable des paroles luriennes de Lisbeth. En conclusion, les  deux quantités : « quatre vingt dix neuf pour cent » se décalquent l'un sur l'autre, aussi follement qu'ils sont fortement réels.

 

 

--  C'est la même chose que si j'achète un billet de loterie qui ne comporte qu'un seul      gros lot et des milliards de joueurs, s'avoue Emilie. Je sais que je ne gagnerai pas. Et pourtant, j'y crois suffisamment pour vouloir l'acheter. Les deux sensations opposées cohabitent en superposition transparente dans mon esprit.

 

 

En passant de l'une à l'autre, on passe d'un stade à un autre. Les deux « Extrêmes » sont bien dans ce même lieu qui est « MOI ». Et pourtant ils se décalent dans le temps, au moment même où je quitte l'image de l'un, pour arriver à la vision de l'autre. J'échappe alors, à la situation, en essayant de les juxtaposer. Et je passe à la dimension supérieure, en réalisant à la fois cette opération et sa négation.

 

 

Avant ce moment, je suis sous la table. En passant au dessus de la nappe, je distingue les assiettes, les fourchettes, les plats. Je les ignorais juste une minute auparavant. Dorénavant, je peux prendre en main, ma destinée. Il me faut utiliser mes moyens à plein rendement positif.

 

 

Le regard qu'elle pose sur l'assemblée qui l'entoure est redevenu ferme et clair. Elle se sent forte et elle remercie son Ange Gardien que Mimi avait appelé à son aide. Il est toujours là quand on le réclame. Il est près d'elle, et quelque part. Il est même « Elle ». Il faut juste songer à le héler. Sans ça, il reste dans les limbes et on peut même oublier qu'il existe.

 

 

Pourvu que je me souvienne sans cesse de sa présence. J'ai peur parfois, de cesser d'avoir conscience de son existence personnelle. Elle l'imagine lumineux et solide. Elle absorbe sa force qui l'encourage. Elle tourne sa tête vers la droite, un peu au dessus de son épaule, pour lui dire :  

 

 

--  Oh ! Merci ! Merci !

 

 

C'est le regard de Jules qui lui répond. Et il lui rend son sourire avec amour, pour ces mots qu'elle vient de prononcer et qu'il prend pour lui.

 


18/07/2011
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