L\\\'Enfant qui venait du futur

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Lisbeth. 25/11/2011. Les trois innocents.

 

 

 

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En repensant à cette mémorable journée d’hier comportant entre autres, les « Cafés Philo » et évènements divers, je me souviens du conte dont Granie nous avait régalés un soir de pluie, devant la grande cheminée du salon. C’était le récit de trois pauvres exilés, rejetés de toutes parts.

 

En choisissant cette histoire, ma chère grand-mère avait voulu me démontrer que la position d’exclu n’était qu’une vision parcellaire. Nous sommes tous plus ou moins des rejetés de la Société. C’est un fait inéluctable et cela durera le temps que la vie d’un ensemble enfin paisible se mette en place. Je sais bien que ce n’est pas pour tout de suite. Mais je crois toujours que je vais pouvoir en parler sans déchaîner les colères de tout un chacun.

 

Il faut bien que je cesse de piaffer en vain. Un jour quelqu’un viendra me prendre par la main pour me réhabiliter. Pourquoi pas Patrick et Frank ? Et alors je serai intégrée parmi la foule de ces planètes lointaines à qui je fais des signes qu’elles ne voient pas. Voici donc l’histoire en question :

 

Un jour, le rat, le serpent, et le cafard, se réunirent fort mécontents.

 

--  Or bien, dit le premier, on se moque de nous. En tant que rats, on nous hait, on nous chasse, on nous brocarde ! Et pour quelle raison ? Le chien est adoré, le chat sur-chouchouté ! Mais que font-ils d’exceptionnel ces bestiaux ordinaires, pour mériter tout ça ? 

--  Oui, reprit le rampant qui parlait en second. A part quelques furieux qui en font des hobbies, la majorité des humains, a la phobie des serpents. Ils hurlent dès que j’apparais dans les maisons. Et pourtant, ma peau de reptile est bien recherchée par les dames de la haute société, pour la fabrication de leurs petits sacs à main ! 

--  Quand à moi, dit le cafard, c’est le bouquet ! Je déclenche de telles crises de nerfs, que les hommes ont monté de véritables usines, industries chargées de me supprimer en masse, par des massacres, des génocides à base de gaz et de poisons violents. Et qu’ai-je fait pour mériter cela ? Abhorré, honni, hué, vilipendé, qu’ai-je commis de plus coupable que le papillon encensé, ou la coccinelle bien aimée ? 

 

Les trois malheureux contrariés, décidèrent illico de faire une conférence de presse pour exposer leurs griefs. Mais le débat n’intéressa personne. Seul le Panda, Maire de la ville de Genève vint avec un micro pour enregistrer, en tant qu’observateur neutre, la totalité des propos. Aucune nation n’accepta de venir discuter du sujet, dans ces conditions lamentables. De plus, les pauvres plaignants ne trouvèrent pas le plus petit avocat pour les défendre.

                                                                                                                                             Complètement déboussolés, désespérés, ils allaient finalement abandonner la partie, lorsqu’une délégation arriva tout droit de ce lieu célèbre entre tous, connu mondialement par le peuple des animaux pour son équité, ce site incommensurable et fabuleux, nommé le FARON.

 

-- Salut à toi, Serpent, salut Cafard, salut Rat, dit le Scarabée argenté, qui avait été choisi comme Ambassadeur, pour représenter la population Faronnaise. Nous avons appris vos malheurs et nous venons pour vous amener en triomphe jusqu’au sommet de notre montagne magique, afin de vous réhabiliter. 

 

Les trois compères étaient surpris. Peu habitués aux civilités, ils se regardaient perplexes. Mais qu’avaient-ils à perdre ? RIEN ! Un peu gênés, honteux, péteux même pour tout dire, ils s’ébranlèrent donc, avec armes et bagages, embarquant avec eux, dans leur chariot le Maire de Genève, son micro, quelques provisions spécifiques et la nombreuse famille du rat.

 

Oh miracle ! Sur le Célèbre Mont qui portait le nom de Phare, ou Fare, ou Faron, à cause de sa mission protectrice de repère, auprès des navigateurs perdus au fin fond des quatre z’horizons, une foule d’autochtones, humains, bêtes à poils, avec ou sans plume, se pressait sur les gradins naturels creusés dans le roc de la colline dominant Toulon.

 

Un avocat collectif, qui portait le nom de Pie cendrée, avait été tiré au sort, parmi les cent trente trois demandeurs de tous bords, acharnés à défendre comme toujours la veuve et l’orphelin, tout en débordant de bonne volonté et de clémence.

 

Emus, les trois malheureux étaient au bord d’un flot de larmes reconnaissantes. Mais ils se demandaient pourtant le pourquoi de cette situation. Ils n’eurent pas longtemps à attendre.

 

-- Nous sommes ici, dit « l’Huissier – Perroquet », pour corriger une grave injustice qui se perpétue dans le monde entier, et cela depuis le début des temps. Il s’adressait ainsi à la foule en général et en particulier au Juge.

 

Le juge, ce très important personnage était très brillamment représenté par le Chat « Double – Moustache », ainsi nommé pour les deux magnifiques ornements qui se trouvent disposés de chaque côté du museau. Prenant la parole, le Juge imbu de son pouvoir, demanda à l’avocat général de commencer illico, son réquisitoire.

 

Ce rôle immonde était tenu par le Hérisson. Celui-ci avait été désigné d’office, car personne ne voulait revêtir cette robe d’infamie. A contre cœur, le pauvre « Porte – Epine », se lança dans un réquisitoire hésitant.

 

-- Pourquoi, Mesdames et Messieurs, une telle haine ancestrale poursuit-elle de manière incessante, les misérables inculpés ici présents ?

 

Le rat est accusé d’introduire la peste dans les foyers. Le cafard est synonyme de saleté et le serpent, symbole de félonie en présentant la pomme à Eve, se retrouve être la cause du péché de l’homme, qui fut chassé du Paradis à cause de ça. Doit-on encore s’étonner de l’ostracisme qui s’exerce depuis toujours contre eux. Et pourtant s’emballe le « Porc – Pic », ne peut-on renverser la balance et montrer que dans cette histoire, seule la fatalité s’acharne sans véritable raison ? Ah Peuchère !

 

Là, le « Porc à Piques » stoppa net sa dialectique car, emporté dans son élan il commençait, en sortant de son rôle d’accusateur, à entrer dans la plaidoirie de la Pie. Celle-ci, agita dans son envol d’avocat, sa robe moirée de plumes noires lustrées, à bavoir blanc. Elle était enfin, fin prête pour la mission de sa vie. Elle avait mille tours dans son sacs et comptait bien les sortir tous. Car, la Pie, et ici tout le monde le sait, la Pie futée, la Pie calculatrice qui a le sens de la parole, la Pie en un mot, un seul, est bien loin d’être BETE. Les deux ailes écartées, elle s’écria :

 

--  Monsieur le Président, Monsieur l’avocat Général, Mesdames et Messieurs les Jurés, Mesdames et Messieurs les spectateurs qui se mêlent avec fraternité pour réaliser cette assistance colorée, mêlée d’humains et de bestioles, nous sommes ici ce soir, pour rétablir la vérité vraie.

 

Car Monsieur le Hérisson « Pique – Moutte » a bien démontré que tous ces bruits colportés inconsidérément et surtout à tout bout de champ, ont gravement nuit à trois innocents seulement présumés coupables jusqu’au rendu du jugement les innocentant. En effet, comme vous le savez, nous ici sur le Faron, seul lieu de la Planète à refuser totalement l’exclusion nous nous employons obstinément à repousser l’ostracisme. Allons-nous, nous en référer aux calomnies ?

 

Que le rat transmette la peste, en admettant que ce soit vrai, est-il en cela plus coupable que le « Martin– Pêcheur » contaminé qui va me passer sa maladie contagieuse de la grippe espagnole, ou du Chicougne - Bougnat ? Serait-ce pour cela qu’il faudrait lui crier comme au rat accablé par un fatal destin : Haro sur le baudet ? 

 

Quand au cafard, pourquoi, oui pourquoi LUI, aurait-il plus que d’autres insectes familiers de la maison, fourmis, moucherons et autres coquines bestioles, l’apanage de la saleté ? Ne bénéficie-t-il pas en l’occurrence, de ce fameux délit de sale gueule ? Lui, l’étranger, ce galeux, ce pourri d’où nous vient tout le mal, celui qu’il faut chasser, tuer, brûler, cuire dans des fours crématoires ?

 

Que la terre entière se régale de ces discours xénophobes, nous ICI sur le Faron, terre bénie d’Adam et d’Eve, d’où sont parties toutes les races nobles du Monde, nous ne tomberons pas dans ce panneau raciste !  Fatche dé Fatche ! 

 

--  Hourra ! Cria la foule galvanisée des palmipèdes, mammifères, rapaces, invertébrés et même poissons représentés là, par deux carpes du bassin voisin, dont les têtes se dressaient hors de l’eau pour mieux entendre le discours. Et c’était sans compter avec les Bastidans, Bastidanes, Bergers, Nistourins, Ninettes, bref tous les Faronnais, humains, faune ou flore, quels qu’ils soient.

 

--  Venons-en au Serpent, reprit la Pie. Ce mal aimé, ce haï qui donne le frisson glacial, dès qu’on le voit… cette image visqueuse du fourbe se glissant sous les meubles pour tordre ses anneaux jumelés autours du cou de ses victimes, avant de darder sa langue aux deux crochets dans la veine saillante.

 

C’est bien comme l’a justement dit Monsieur l’Avocat Général, l’image du péché premier, la désobéissance à Dieu, suggérée, infiltrée, imposée à Eve, qui se dessine avec une monstruosité macabre. Le mal, qualifié d’Absolu, celui qui nous pourchasse dans son manichéisme, prend sa racine chez cet être fourbe, sans patte, ni sexe rassurant. La caillera, le diable, voilà comme on le nomme !

 

Mais à tort bien sûr! Et ça nous le savons.

 

Or, nous ne pouvons, nous les adeptes de l’ouverture, nous les adorateurs de la générosité en vue de notre intérêt personnel, nous les Faronnais, de toutes races, nous ne pouvons accepter tout de go, d’avaler sans en regarder la cause, ce hameçon mortel que la morale fiche dans notre cervelle.

 

Nous, qui n’avons jamais reconnu et agréé cet exil religieux par lequel Dieu s’est arrogé le droit de nous chasser de l’Eden, de nous dicter sa loi du plus fort sans aucune possibilité de discussion démocratique, nous n’allons pas charger d’une accusation ambivalente et sans fondement autre qu’une notion réprouvée du Bien et du Mal, ce malheureux serpent transformé en malheureux bouc émissaire ? !

 

--  Hourra ! Cria la foule galvanisée par ce discours représentant si bien ses sentiments basés sur le respect des évidences. 

 

--  Té ! Mais c’est bien sûr ! Hurla le juge transcendé par l’hystérie collective. Je déclare les accusés INNOCENTS de tout ce dont on les accuse.

 

Pour clore le débat, frappant la table frénétiquement et imprudemment, avec son marteau d’ivoire, le Chat « Double – Moustache », s’arracha inconsidérément une de ses deux décorations poilues et c’est pourquoi, depuis il n’en porte plus qu’une. 

 

Le procès prit tout de suite une tournure de fête. En chœur, les Faronnais à deux pattes, allèrent chercher le vin frais dans les gargoulettes de terre, la cade, les ailloles, le beignet frit, les cagouilles, les fariboles sucrées… toutes sortes de nourriture pour humain. Et pour les autres, on amena les croquettes salées prévues pour le chien, le mou pour le chat, le lait frais, les graines à oiseaux, la pâtée aux os de gigot, et le reste des friandises qui arrivaient de partout…

 

Alors, en se mélangeant, les hommes, femmes, enfants, adultes et animaux de tous bords, s’embarquèrent pour une de ces fêtes répétitives, qui durent comme le Mistraü, ou Mistral Broufounié, trois, six ou neuf jours… attirant aussi les divinités et les invités estrangersses qui rappliquent alors comme d’habitude de partout, sachant qu’ils vont être reçus comme chez eux…. Et oui, chez eux, bien sûr ! ! Puisqu’on est tous cousins.


25/11/2011
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