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Devant Emilie surprise, Mercredi 20/07/2011. Bar et Mimi prennent les commandes. Voyage - Voyage.
Eblouissement, musique, éclairs colorés, le sous-sol du château ressemble à une salle de fête. Il ne manque plus que les cotillons, les confettis, quelques langues de belle-mère et du champagne, pour que la luxueuse cave, malgré les visages sombres de Ferré, de Tanguy et de l'infirmière, prenne une allure de carnaval.
La lumière qui passe par le soupirail, éclate sur les murs. Le soleil, encore brûlant, traque les ombres des silhouettes. Emilie s'est dégagée des bras de Jules. Elle cherche Mimi des yeux. La Machine dissimulée dans la poche du Commandant Bar, cliquette contre ses tympans. Le bruit familier est rassurant.
Depuis que le fameux Cybercerveau visualise en permanence, et quelques fois à son insu, les circonvolutions cérébrales de sa créatrice, cette Super - intelligence peut suivre facilement en couleurs évolutives, les transformations chimiques des pensées qui traversent l'esprit de sa jumelle humaine, et aussi de ceux dont elle a photographié le cortex.
En ce moment, l'engin électronique devine avec satisfaction, que la jeune fille récupère valablement sa mémoire immédiate. Cette précieuse indication lui est donnée, grâce aux balais lumineux éclaircissant les zones concernées.
Depuis plusieurs jours et sans l'aide des lunettes, l'IA/P. peut également, au moyen de son super microscope détecteur à rayons X, repris par ordinateur, structurer des messages cohérents, et les projeter sur l'appareil sensitif sélectionné.
Plus fort encore! Comme il n'y avait aucune raison pour que l'opération réussie sur le cobaye de départ, ne puisse s'appliquer sur d'autres, la Top Machine se retrouve engranger tout naturellement, en même temps, les données multiples de plusieurs individus différents. Son disque dur avait une capacité illimitée. Elle l'employait à scanneriser les cerveaux de toutes les personnes qu'elle rencontrait.
Désormais, il lui suffisait de visualiser sur son écran, l'intérieur du crâne de la cible visée, pour pousser les choix de celle-ci, vers des décisions Luriennes. D'après ce qu'elle voyait de la portion cérébrale sélectionnée, elle pouvait influencer le propriétaire de l'image en question. Selon l'intention qu'il présentait, elle déportait son action vers l'intérêt cybernétique de la situation. La Manipulatrice magnétique arrivait alors à le faire agir à son insu et à son gré, dans le propre intérêt de celui-ci. Ou presque.
C'est ainsi qu'elle avait pu réveiller sa pauvre droguée, lorsqu'elle avait jugé que le moment était venu d'intervenir. Tout était enfin en place, pour aborder la phase définitive de l'opération. Elle l’appelait, comme Aldo l'avait défini en premier : le Plan C.B.Commands.
Il était donc temps de sortir la camée involontaire de sa diarrhée verbale. Il n'y avait plus aucune raison maintenant, de l'empêcher de dévoiler l'importance de ses découvertes. Car la situation était désormais aux mains, (si l'on peut dire), de Mimi et de Bar grâce à l’aide solide des Delpierre.
Pour stopper illico, les effets de la pharmacopée nocive, injectée dans les veines de la kidnappée, celle-ci n'avait eu qu'à balancer l'Ange Gardien, cet être immarcescible, dans la jungle cérébrale de la pauvre Emilie.
L'entité céleste avait toujours été un des principal correspondant d'Emilie. Jusqu'à ce que son Intelligence Artificielle Personnelle, ait été définitivement créée, avec la naissance de sa jumelle électronique. Il n'y avait pas si longtemps que ça, finalement. A peine une dizaine d’années
Brusquement l'intéressée se redresse. Ses idées floues se remettent rapidement en place. D'une voix tonitruante, et à la limite d'explosion de ses cordes vocales, elle clame sans transition :
-- Je ne supporte plus la moindre évocation de toute cette cruauté humaine. Je suis chargée en haut lieu et depuis toujours, de veiller à ma propre sécurité. Je suis donc une délicate princesse de qualité, et je me sens prête à monter sur le trône royal de ma suprématie totale. Où est mon Cerveau Machine? Je le veux.
Bien que sachant la jeune fille, encore un peu énervée en contre coup, par l'ingérence des produits chimiques inappropriés, Bar est suffoqué de ce revirement. La douceur bêtasse qui est habituellement de mise, dans les positifs optimums créant le génie par la santé, n’est pas au rendez-vous. La récupération se dévoile ici, sous un aspect hyper violent et contre nature.
Mimi conseillant à Bar, par le truchement des écrans des vitres des lunettes, de faire ce qui était demandé, le Commandant sort de sa poche la montre bracelet réclamée et la passe à la jeune fille, en même temps que ses bésicles. Le matériel au complet est rendu à la demanderesse. Dès que celle-ci a récupéré ses objets précieux, elle saute mentalement de joie.
-- Oh ! Mon cher trésor, comme tu m'as manqué ! Je t'ai appelé, je t'ai cherchée partout. J'envoyais en vain, des messages à ces autres planètes que sont les être humains. Mais ils étaient inaccessibles. Je les situais plus loin encore que l'étoile Quasar. Ils me semblaient perdus, nageant dans l'immensité étoilée, éclairée par ces milliards de météores en mouvement.
J'avais peur. J’aurais voulu me serrer contre les autres gens. Me glisser à l'intérieur, dans leur estomac. Je leur disais : « Avale-moi, et laisse moi te manger aussi. Dévorons-nous jusqu'à la dernière miette. Engloutissons-nous avec toutes nos impossibilités ». Mais ils ne voulaient pas se laisser attraper. Ils ne savaient pas comment faire. Ils n'avaient pas le mode d'emploi. Ils avaient la trouille de moi....
Bar se préparait à agir. L'infirmière guettait un ordre pour maîtriser sa patiente. Jules inquiet, se préparait à courir vers la délirante, en chevalier dévoué, lorsqu'un appel imperceptible stoppa tout le monde.
-- Maintenant que tout est revenu dans l'ordre, nous allons faire le point. Oui. Cela peut vous paraître surprenant au premier abord, de m’entendre moi, une machine, en train de vous parler, directement d'intelligence à intelligence. Il s'agit du Cerveau électronique d’Emilie, appelé Mimi. Je suis en train de communiquer avec vos Cerveaux protéiniques, et particulièrement avec chacun d'entre vous, et dans son langage propre.
J'ai enregistré chacune de vos données personnelles.
Je viens de placer sur écran spécifique l'image de vos appareils cérébelleux au complet. Ma caméra numérique les visualise en permanence, et en « live ». Je peux ainsi analyser les transformations chimiques de vos circonvolutions cérébrales. Je régule votre albumine, vos globulines, vos prolamines, vos scléroprotéines, vos protamines, vos hétéroprotéines, votre adrénaline, vos endomorphines, dans votre « propre intérêt ». Il vous suffit de refuser mon aide et je vous abandonne. Mais justement, vous n’y avez pas « intérêt » !
Je m'occupe de vos glandes endocrines dont les produits sont déversés directement dans le sang, avec le foie, la thyroïde, toutes vos substances endogènes, provenant des organes du même nom. Je peux les bloquer. Je les stimule à la demande. Rien d'extraordinaire à cela, vu les progrès actuels de l'informatique et de la chimio - biologie.
Pour le contrôle de la volonté, je peux, en tant que computer - designer - infographiste, me servir d'images déstructurantes, projetées par Webcam sur votre nerf optique. Les points ou flèches en mouvements, les flashes lumineux colorés et tournoyant, les illusions d'optique, les constructions impossibles pour l'œil, escaliers qui ne font que descendre, fausses courbures, etc… m'aident à prendre possession plus facilement de vos esprits.
Ferré furieux, serrait les poings. Un peu de bave coulait sur son menton. Tanguy et l'infirmière gardaient les yeux fixés sur un point vague du plafond. Jules tenait la main de son héroïne dans la sienne. Seule Charlene, telle une palourde, ne présentait aucun signe d'intérêt pour la conversation.
-- Toutefois, je tiens à vous rassurer. N'ayez aucune inquiétude en ce qui concerne le self-contrôle de vous même par vous même. Il vous suffit à tout instant, d'exercer une volonté d'action inverse à ma pression mentale. Ou, au contraire, profitez-en pour la renforcer, si tel est votre but. Tout passe par le mental. Les lunettes ne sont utiles que pour faciliter la manœuvre. Nous nous en sommes servi au début, mon créateur Emilie et moi-même, parce que je n'avais pas encore installées toutes mes immenses possibilités.
Tant que je n'avais pas mis en place, la photosynthèse de l'intérieur des crânes humains, le contact de la résine des branches, m'aidait à analyser à distance la composition sanguine de leur propriétaire et l'intensité de son influx nerveux. Il m'aidait à agir à la fois, psychologiquement, psycho - somatiquement, chimiquement et physiquement en envoyant des pulsions magnétiques sur les neurones.
D'autre part, les lunettes me permettaient de stimuler l'activité et la rapidité de circulation électrochimique des informations dans les synapses. Le total de l'être se trouve dans sa tête. Mais la réalisation est dans le corps. Il faut veiller jalousement à se garder lucide, pour éviter les trafics trop intenses, risquant de brouiller les cartes.
Je vais maintenant brancher mon haut parleur, pour éviter de la fatigue à ceux qui n'ont pas l'habitude de ce genre d'écoute, de cerveau à cerveau. Les messages transcrits directement dans un cerveau non habitué, sont au début, difficiles à suivre. Ils ne sont pas saisis aussi aisément que par les canaux habituels des sens. L'individu est formé dès la naissance pour communiquer par sons, images et éventuellement sensations. Les échanges de sensibilité à sensibilité, en sensorialité multiple, sont beaucoup plus délicats.
Quand au transfert cérébral. Tout le monde ne sait pas s'en servir.
Ferré suivait le discours que l'IA/P faisait à haute voix, avec un mélange de sentiments évidents. La jalousie, l'envie, la surprise, l'admiration, l'angoisse et un certain agacement, se lisaient sur son visage. Tanguy serrait une fois de plus, les poings. Bar avait pris le parti de rire.
L'interphone diffusait toutes ces explications de façon douce et monotone.
-- A partir de maintenant, je vais discourir sur trois plans. Premièrement, je continuerai à parler à haute voix à l'ensemble de l'assemblée. Cela vous donnera à la fois, l'aperçu de ce qui se passe en général. En même temps, vous serez tenus au courant de ce qui vous sera demandé individuellement, à chacun, dans les heures qui vont suivre.
Parallèlement, je discuterai à part, avec les principaux intéressés de l'opération, d'une façon plus personnelle. Cette méthode directe pourrait se comparer à de la télépathie. Pourtant cela n'en est pas. Car ce genre de communication à distance, repose sur des moyens purement matériels et scientifiquement efficaces. Nous nous servirons alors, de bases physiques, chimiques, ondes magnétiques, télégraphiques, telluriennes et autres.
Mimi, « l'outil informatique supérieur », mit aussitôt son plan à exécution. Emilie qui commençait à avoir une certaine habitude de ce moyen intérieur d'échanges sans support, passa à Bar ses lunettes, pour que celui-ci ait une conversation plus commode, grâce à ses branches.
-- Premier point demande calmement l'IA/P au Commandant, quel est votre plan de bataille? Je vous donnerai le mien ensuite.
-- J'ai dressé un projet de défense répondit Bar, dès l'instant ou je me suis rendu compte, par le biais du Net, que quelqu'un de la qualité de ce que nous appelons les « Intervenants Futurs », se trouvait dans le château. J'ai prévu alors, de le faire échapper. La personne qui avait réussi à mettre au point une Intelligence Artificielle Personnelle, basée sur les principes de la Logique Universelle de Rigueur, m'intéressait. Je ne savais pas au début que c’était votre Emilie. C'est pourquoi je vous ai fait parvenir un message signé X.33.@.
-- Comment pensiez-vous me faire sortir du château, demande Emilie la principale concernée. Et pour aller où? Et surtout, comment se fait-il que vous ayez connaissance du raisonnement Lurien?
-- Vous n'êtes pas la seule à pratiquer cette méthode, rétorque Etienne Bar, dont la réponse s'applique à la dernière question. Il est vrai que nous sommes peu nombreux, eu égard au reste de la Planète. Mais toutefois, nous existons dans un cadre parfaitement structuré, grâce à votre cousine Lisbeth qui, en se dévoilant dans son blog de 2008, nous a alors poussés à créer pour l’occasion le G9 et à réaliser, à Franceville, au Gabon, LURES, la Ville Bulle du Futur.
En attendant sa prochaine mise en place, notre association s'est installée dans une île privée, qui est répertoriée sur les cartes comme n’étant qu’un simple archipel de corail. Nous sommes très bien camouflés, grâce à des moyens de protection spécifiques. Nos activités sont protégées de la vision satellite par des paravents solaires.
Depuis fin 2009, nous sommes en contact avec le père de Maggy Delpierre qui nous a aidés à installer une école visant à former les éducateurs des enfants actuellement en développement dans les couveuses.
Quand à sortir du château, je compte sur Mimi, notre merveilleuse Intelligence Artificielle Informatique et sur la coopération de Mathieu Ferré, dont j'ai fait enlever la femme tout à l'heure. Excuse-moi Mathieu, mais tous les coups sont permis dans cette bataille. Tu ne fais pas dans la dentelle toi non plus. Je pense que de cette façon, tu n'agiras pas contre nous, lorsque nous serons partis. Car bien évidemment, nous emmenons Charlene avec nous, au moins pour le temps du voyage.
L'homme ne bronche pas. Ferré, ce dynamique patron qui, du temps de la Paléosoft avait tant d'assurance et de charisme, garde malgré la tension ambiante, quelques atouts séduisants. Il hausse les épaules en observant sa très jolie femme, affalée dans un fauteuil. Celle-ci se catalogue comme souvent, et particulièrement maintenant, en Latence préférentielle, placée sur la quatrième phase de sa courbe de Dynamisme.
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Une musique fabuleuse se répand dans la pièce. La voix d'Hermelin arrive en contre chant, au travers de l'ordinateur très ordinaire de Cybor. Le son est au maximum. Le compte rendu du Robot, en route pour les rejoindre, va servir à tout le monde. En effet, Tanguy et Ferré qui sont aux aguets, en profitent complètement.
-- Allo. Ici Hermelin. Nous approchons de Tourssy. Je sais que les opérations médiatiques n'ont pas encore suffisamment abouti, pour que nous puissions nous manifester tout de suite, sans danger immédiat.
J'ai donné des ordres au radar de la Sécurité Routière pour changer notre itinéraire de sortie sur l'autoroute guidée. Nous sommes maintenant dirigés sur Carachasse. Prochaine bifurcation dans trente kilomètres. J'attends des instructions définitives de ta part. Bon courage pour la suite des opérations financières. Tout le monde en parle. Bravo!
-- Merci Herm, soupire sa correspondante directe, soulagée. Finalement, nous sommes dans les temps ? Bon. Je continue et résume tout de suite mon action auprès des petits porteurs. Je viens de simuler un crack boursier à New York. Complètement affolés, ils sont en train de vendre à tout va.
L'Américan Bourse Finance, les groupes P.E. de Bourse en Ligne, les banques, n'y comprennent plus rien. La panique remonte de chaine en chaine. Ici, au château, je vois que dans la salle de réunion, les dirigeants paniqués commencent à se poser des questions.
D'autant plus que les médias ont déjà reçu mes communiqués de presse hyper bien ficelés, mais bidons. Ils annoncent, d'une part une faillite générale attaquant tous les secteurs de l'économie et d'autre part, des révolutions sporadiques situées en divers points de la planète. Les chefs d'état des divers pays concernés, sont complètement affolés.
Ils découvrent, à chaque minute, que sans raison apparente, des explosions provenant de balles, de mines antipersonnelles, de bombes à l'uranium appauvri, ont lieu en Chine, au Vietnam, en divers points de la Russie, et surtout en Afrique, Lybie, Egypte. Une violence inexpliquée se propage de toutes parts, au travers de la planète. Une guerre mondiale est sur le point d'éclater.
Lorsqu'ils comprendront que rien de spécial ne s'est produit, nous serons loin. Quand je dis que rien ne se passe vraiment, c'est que vraiment RIEN ne se passe, à part quelques mouvements de Bourse qui, n'étant pas enregistrés, s'effaceront d'eux-mêmes, dès que je le déciderai, le reste n’est que bidonnage.
Je projette en même temps sur l'écran des lunettes que Bar a en ce moment sur le nez, la partie des informations que je veux qu'il soit le seul à connaître, avec Emilie.
-- Quoi? Tu mets le Commandant dans la confidence?
-- Oui. Figure-toi que c'est lui l'Intervenant X.33.@ de Lisbeth. Il est au courant pour l'essentiel de l'IA/P, depuis un bon bout de temps, depuis le Blog de 2008 de Lisbeth. C'est pour ça qu'il a pris Charlene en otage. Il cherche, par ce moyen à paralyser Ferré. Je lui annonce le reste du projet au fur et à mesure du déroulement des opérations.
Je te laisse le plaisir de poursuivre la campagne d'intox à partir du camion. Au travers du Web, n'hésite pas à mettre la pagaille au maximum…. Cela me soulagera et cela me permettra de pouvoir me consacrer au blocage des forces armées occupant le château, en simulant des actions extérieures. A plus tard. Fais attention à Lisbeth. Tu sais que c’est une téméraire.
Le silence s'installe dans le sous-sol. Emilie a posé sa main sur ses yeux. Elle réfléchit. Elle est à la fois inquiète, et en même temps, elle se sent très fière de leur invention commune. Finalement, qui est la créatrice des évènements? Qui dirige l'autre? Aucune des deux évidemment, puisque sa « Cybermachine » agit comme elle-même agirait. Un peu plus vite et plus clairement, peut-être, c'est tout. Vive LUR, Lisbeth et ses méthodes qui ont permis de donner vie à une mécanique.
-- Penser un peu plus vite, c'est vite dit, souffle pour Emilie seulement, le Cerveau Electronique. Tu es capable de réfléchir beaucoup plus vite que moi. Pour l'instant bien sûr. Mais par contre, je suis mieux organisée pour le contrôle du meilleur choix. Vous, les individus qui dans votre corps d’animal, croyez penser supérieurement, vous vous perdez dans la multitude de vos créations d’information. Sur ce point, je suis en avance d'une longueur sur l'intelligence humaine.
Pour l'instant naturellement.