L\\\'Enfant qui venait du futur

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Lisbeth, Lisbeth. Dimanche 9/10/2011. Déception.

 

 

 

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            Catastrophe !! Le rendez-vous d’hier, que j’attendais avec une telle impatience, s’est mal passé. Et même très mal !!! Nous avions prévu Frank et moi, accompagnés de nos deux précieuses assistantes Jacky et Claudia, bénévoles et motivées par la mise en place d’un Monde du Futur non violent, une séance explicative sur ce sujet crucial.

 

            J’avais amené un plan magnifique d’un mètre carré, présentant les cinq principaux postes de la Ville de LURES, Cité logique, universelle, rigoureuse, équilibrée et subjective. Frank l’a collé sur le mur face à la foule. Le fidèle groupe de recherches qui travaille avec nous depuis l’année dernière, s’est installé derrière une table, face au plan. Chacun avait apporté quelque    chose à grignoter. Nous étions douze. C’était charmant.

 

            J’ai commencé à parler de nos buts, des Entretiens du Lundi, de la création de l’Association Futurable3000, dans laquelle tout le monde s’était inscrit dès sa création, avec intérêt. Après ce bref exposé, je leur ai demandé de quel poste ils aimeraient parler et éventuellement visiter. Mikaël et Frank n’avaient pas d’avis particulier. Armelle, une agréable jeune femme qui venait pour la première fois optait avec Safia, pour la Salle d’Etude et l’Ecole du Futur, avec son Dictionnaire amputé des mots violents et agressifs qui n’existent pas dans un Monde harmonieux.

 

            Les autres bavassaient en se passant des bonbons et des gâteaux gluants apportés par Gabrielle. C’était un peu confus, mais délicieux comme ambiance. Finalement, après avoir écarté la Cellule de Gestion qui dirige la Cité grâce à une gouvernance horizontale, et après avoir zappé sur la Salle de Contrôle et Rééquilibrage Psychologique, l’ensemble décida de choisir l’Aire de Jeux, celle qui explique par le menu et ludiquement, comment atteindre et conserver une atmosphère sereine de non-violence.

 

            Je sortis immédiatement de la caisse, les bagages et les vingt boites de jeux. J’avais déjà distribué, en début de séance, le badge d’identité sur lequel, chacun avait inscrit son nom, la date du jour, plus son atout préférentiel et son handicap principal. Je leur présentais les deux fameuses coupes transparentes emplies, l’une de jetons blancs, l’autre de jetons noirs. Chacun mit devant lui une coupelle double, sensée recevoir, à gauche les blancs, à droite les noirs.

 

             Le but du jeu consiste pour chacun, à souligner l’atmosphère ambiante. Si, au cours de la conversation, mon voisin me fait une remarque qui me fait plaisir, je prends un jeton dans la coupe contenant les jetons blancs et je le place dans la partie gauche de la coupelle. Même chose pour une remarque désagréable.

                                                                                                                                            

            J’ai déjà dirigé chez moi ce genre de jeu, pendant plus de trois ans, tous les vendredis au cours d’Ateliers de Développement Personnel, plus d’une quinzaine de personnes. Je me souviens avoir bêtement soutenu que ce jeu qui permettait d’affiner notre compréhension de nous-mêmes et des autres, devait se faire essentiellement en groupe.

 

            Je les incitais à le reproduire en famille, entre amis, avec des enfants, des adultes, au cours d’un repas ou d’une après midi de pluie. C’est si facile à créer. Il suffit de dessiner des ronds sur une feuille de papier Canson blanc placée sur une feuille noire et de les découper. Un môme peut s’en charger. Au bout de quelques semaines d’entraînement, un jeune couple qui travaillait à l’époque, dans notre atelier, me reprit en disant :

 

            --  Pour être efficaces, tu nous conseilles de ne jouer qu’à plusieurs. Mais ce n’est pas vrai. Depuis un mois, nous jouons tous les deux entre nous et ça a changé notre vie. Avant, si      par hasard je me précipitais sur la soupe, en rentrant en retard du boulot, et que je gueulais en la trouvant trop froide, elle me répondait :

 

             --  Tu n’avais qu’à être à l’heure ! Cela fait des heures que je m’occupe de la bouffe.

 

            Illico, je me serais mis à crier pour lui répondre, que c’est moi qui bosse. Elle m’aurait répondu sur le même ton, etc. La nuit suivante, les calins n’auraient pas été au rendez-vous ! Désormais, dès ma première phrase de reproches, elle me présente un jeton noir et je me rends compte que je l’ai blessée, alors que je ne l’avais fait, que dans un instant d’inattention énervée.

 

            Avec l’aide de Frank, j’expliquais à l’assistance le pourquoi de l’histoire du jeune couple, qui vise à nous mener vers une société enfin cool. Là dessus, les conversation marchèrent bon train. Tout à coup, Jacky donna un jeton noir à Claudia qui lui avait demandé la corbeille de fruits, sans dire « s’il te plait ». Claudia sauta en l’air en disant : « Tu exagères ».

 

            Jacky répondit que pas du tout… que Claudia ne disait jamais « merci » et le reste. Elles se mirent à s’insulter comme des poissonnières : « Et tu es autoritaire… tu veux tout diriger… Non, c’est toi qui… tu aimes manipuler… tais toi salope… j’aurai ta peau… c’est toi qui va voir…. ! »

 

            J’essayais de leur demander de se taire, mais leurs hurlements couvraient ma voix. Frank tapa du poing sur la table, faisant voltiger toutes les chips hors de la soucoupe, suivies par les jetons blancs qui s’éjaculèrent sur Mikaël, avec une partie des cacahuètes et la bière qu’il avait apportée.

 

            J’avais honte. Je suis sortie m’asseoir dans la cour, en pensant que les filles allaient venir s’excuser. Pas du tout. Personne ne s’en préoccupa. J’entendais les cris monter vers les étages. Des fenêtres s’ouvraient. On gueulait à travers les airs : ta gueule…. j’appelle les flics… on dort ici…

 

            J’aurai voulu disparaître dans un trou de souris. Finalement j’entendis Frank taper du poing sur la table en faisant voltiger les tomates miniatures au dessus des cranes. Un certain silence s’installa. Puis on vint me chercher. Armelle les yeux écarquillés, avait l’air surpris. Pour une première visite concernant l’approche de la vie sereine de LURES, elle n’en croyait pas ses oreilles. Quelques explications vaseuses s’éparpillèrent dans l’atmosphère. On remballa le matos en se disant : A la semaine prochaine. Tout le monde semblait avide de continuer à faire ces intéressantes expériences. Mais moi, j’étais catastrophée.

                                              

                                                                                          

            Comment une séance visant à montrer le bien-fondé de la non-violence pour créer l’harmonie future, pouvait-elle se dérouler dans les cris et la fureur des deux animatrices les plus motivées ?

 

            Pour me consoler, Frank m’amena à un rendez-vous d’informaticiens de haut vol qui se réunissent une fois par mois dans le Marais. Il voulait que je leur montre mon I.A.P. Il pensait les intéresser à la possibilité de se joindre à nous pour la mettre en forme et la placer sur les téléphones portables, I.Phones et autres, en option comme on le fait pour les jeux et les sonneries.

 

            Dans le restaurant, on nous accueillit avec un sourire, bien que nous ne fassions pas partie de la confrérie. Après que chacun ait discuté du menu et ait passé sa commande, Les quelques personnes dispatchées autours de nous, me prêtèrent une oreille semi attentive.

 

            Je leur passais de la documentation de qualité sur mon Intelligence Artificielle Personnelle. La moitié y jeta un œil. L’autre moitié avait déjà décroché.

 

            Je présentais verbalement, tant bien que mal, le projet. Petit à petit je prenais confiance. Je m’emballais. Il FALLAIT que j’arrive à les convaincre de me donner quelques conseils, à défaut d’un coup de main. Mais, dès la première page, ils me demandèrent de leur confirmer, ce qu’ils avaient déjà repéré au premier coup d’œil, en lisant mon dossier, si je travaillais sous Word.

 

            Morts de rire !! Y a pas plus nul ! Je crus qu’ils n’arriveraient pas à reprendre leur souffle. Pour récupérer  leur attention, je sortis mon petit fascicule rouge, en leur disant que c’était la partie émergée de l’iceberg, la plus importante en fin de compte.

 

            Car, pour savoir comment se comporter dans la vie, il faut se connaître et découvrir son personnage de l’instant. Puis tout de suite après, poser sa question primordiale, qui est primordiale, puisque c’est celle que l’on présente en priorité, quelle qu’elle soit : « Vais-je mettre un sucre ou deux dans mon café ? Les escargots ont-ils une âme ? Ou, Dieu existe-t-il ? »

 

            Je proposais de leur faire passer le test. Six hyper-cerveaux sur douze, s’étaient branchés sur mon verbiage. Quatre seulement acceptèrent. Les autres se tournèrent vers des conversations plus à la hauteur, s’occupant par exemple des dernières informations concernant les traitements de textes de dernière génération.

 

             Lorsque je posais les propositions qu’il devaient écarter pour n’en gardant qu’une, mon    vis à vis, fort sympathique d’ailleurs, décrocha à la deuxième phrase et se tourna vers le reste de la table, pour pencher son oreille droite vers de plus exaltantes envolées.

 

            Les trois cobayes restants, tout en réprimant un sérieux fou rire, essayèrent de suivre mes propositions. C’était déjà beaucoup. Tout autours de la table, le brouhaha de l’anniversaire de la jeune femme assise à la table de derrière, se mélangeait avec les commentaires de la télévision qui dégoisait bruyamment sur un match de foot.

 

            Je tins bon. Il FALLAIT que j’y arrive. J’ai pour consigne de ratisser large, mais là, c’était presque mission impossible. Les grands cerveaux informatiques, ne se mélangent pas facilement avec le petit peuple. Surtout si celui-ci travaille sous Word. Je commençais à leur lire les quelques propositions qui allaient leur faire découvrir leur Personnage de l’instant. J’élevais la voix. J’avais besoin de tout leur intérêt.

                                                                                                                                           

            Attention, Pour trouver le nom de votre PERSONNAGE  INSTANTIEL, je vais vous demander de regarder ces trois paramètres.

 

            A) Pour commencer choisissez, parmi ces 4 affirmations, celle qui se rapproche le plus de votre sensation actuelle. Puis, marquez ici le chiffre correspondant =            

 

            1) Je sens une continuité dans ma vie.

            2) Je suis instable.

            3) Je ressens les extrêmes des choses.

            4) Je suis sensitif-réceptif.

   

            B)  Puis sélectionnez une seule des 6 propositions suivantes. Inscrivez le numéro de celle qui    représente votre impression actuelle. SURTOUT OUBLIEZ VOS HABITUDES.      Et Notez le chiffre sélectionné =

 

            1) Le bien et le mal n'existent pas.

            2) Le bien et le mal existent.

            3) Une chose peut être bien et mal en même temps.

            4) Il faut chercher le mieux, plutôt que rester dans le bien.

            5) Le néant est un bien.

            6) Un bien qui n'existe pas est un bien.

 

            Dernier sondage. Indispensable ici aussi, de choisir une seule phrase. Ce sera celle que vous reconnaissez comme étant la plus proche de votre sentiment IMMEDIAT. Ne réfléchissez pas. Laissez parler votre flair. Ne vous laissez pas influencer par vos émotions passées. C’est de MAINTENANT qu’il s’agit. Après avoir réfléchi, inscrivez ici le numéro choisi =

 

            1) J'ai envie d'agir.

            2) Je dois faire la mise au point de mon existence.

            3) Je suis pessimiste-destructif.

            4) Je préfère attendre sans réfléchir, que les choses arrivent.

 

            NOTEZ  VOS TROIS CHIFFRES : Je vais vous dire quel est votre PERSONNAGE INSTANTIEL.    

 

            Les trois personnages concernés répondirent sagement. Mais à la lecture de leurs caractères, horreur, je découvris que l’un était le Régleur, le deuxième le Shérif. Heureusement, le troisième, assis à ma gauche se découvrit être le Créatif, un des plus jolis signes parmi les quatre vingt seize personnages en question.

 

            Je n’ai pas besoin d’expliquer ici, pourquoi le Shérif qui croit uniquement au « bien et au mal », de façon dualiste, me lamina en trois phrases. Quand au Régleur, il me régla mon compte en deux temps, trois mouvements. J’étais une pauvre imbécile et ils l’avaient compris dès le début. Ils avaient la gentillesse de me laisser m’embourber, parce qu’ils n’avaient pas si souvent l’occasion de s’amuser.

 

            Je leur répondis que moi aussi je ne pense qu’à m’amuser, car je suis venue sur terre pour rigoler. Mais eux ne voulaient pas rigoler AVEC moi, ils voulaient rigoler DE moi. Heureusement mon voisin de gauche, qui lui aussi riait à s’étouffer, me dit qu’il irait voir notre Journal Euromarkt Interactive. Il appelait ça mon Site, bien que je lui dise que nous étions une équipe et que c’était un Journal, écrit comme un Journal. Il n’en démordait pas. Il prit mon adresse Mail. Les autres n’en voulaient pas. Ils me rendirent tous, toute ma docu. L’entretien était terminé. Ils ne voulaient plus entendre parler de moi.

 

                                                                                                                                                       

            Le Créatif me confirma, qu’il me contacterait si ce qu’il lisait sur le Net l’intéressait. Il refusa de me laisser des coordonnées que je ne lui demandait pas. Je leur dis à tous, en riant  avec une belle grimace dynamique, qu’ils étaient des crétins et que je ne voulais plus les revoir,    et nous nous sommes quittés ravis. Enfin eux, parce que moi, j’étais de nouveau catastrophée.

 

            Comme cela faisait beaucoup pour une seule journée, je suis rentrée chez moi illico, raccompagnée par Frank, qui lui au contraire était enchanté. En effet, il avait tout compris et me déclara qu’il prenait les choses en main car il savait enfin comment il fallait agir.

 

            Finalement, c’était la meilleure nouvelle que j’avais reçue depuis quasiment ma naissance. J’essaye toujours de ratisser large. Mais d’après Frank, il paraît que ce n’est pas la bonne formule. Il est décidé à installer de façon efficace ma si bizarre façon de penser, qui croit qu’en supprimant l’argent et le désir de puissance, de possession, la logique prendra le dessus pour instaurer une ère de positivité. Quel amour que ce Frank. Peut-être a-t-il raison de penser rationnellement ?

 

            J’essaye toujours de taper tous azimuts. Je crois toujours qu’un beau soir j’attirerai les gens vers ce merveilleux avenir d’où je viens, baigné de calme, de logique et de rigolade. Je me prends pour ce violoneux d’autrefois qui drainait la terre entière derrière lui, avec sa mélodie universelle.

 


08/10/2011
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