L\\\'Enfant qui venait du futur

Samedi 09/07/2011.LE CHATEAU de TOURSY.

 

 

Euromarktinteractive.org, le seul journal trimestriel européen sur l'Art et la Culture (en 15 langues).

 

 

Le soleil chauffe déjà les vieilles pierres de la tourelle du château dans lequel Emilie est retenue prisonnière et il n'est que sept heures du matin. Les trois hommes rentrent sans aucune délicatesse dans la chambre de la jeune femme.

 

 

--  Bonjour Emilie. Nous venons te chercher. Dans un brouillard, la jeune fille reconnaît péniblement Tanguy. Elle avait à peine dormi deux heures et se sentait fatiguée.

 

 

--  C'est déjà l'heure? Je ne pourrais pas avoir des vêtements? J'en ai marre d'être en pyjama sous mon peignoir depuis hier matin. Et puis j'aimerais bien manger quelque chose? Mais surtout me laver…

 

 

--  Je vais voir. Tanguy ressort. Posant sa précieuse montre sur le tabouret, Emilie fait sa toilette dans la salle de bains, en moins de cinq minutes, pendant que les deux gardes l'attendent dans la pièce à côté. Mais c'est Ferré qui revient avec des baskets, un jean et des sous vêtements mauves à dentelles noires.

 

 

--  De la part de Cynthia. C'est ce que j'ai pu avoir de plus simple. Et encore, je te fais grâce des jarretelles et des bas résilles.

 

 

Les trois hommes discutent entre eux, d'un vague problème d'appareil électronique. Emilie se sent froid dans le dos. Tous ses sens perçoivent une hostilité glaciale flotter dans l'air, sur les meubles, sur les murs. L'ambiance dégueulasse s'étend sur toute la propriété.

 

 

Courageusement, elle se ressaisit et pénètre dans son cerveau pour ôter les " ROSES  du  VASE ", selon la formule consacrée. Elle s'applique, comme elle a appris à le faire tant de fois, à enlever des fleurs virtuelles de son vase mental.

 

 

Elle respire profondément. Elle visualise un pot avec trois églantines. Elle sort fictivement une des fleurs et la jette. Elle regarde les deux qui restent. Elle respire… en élimine une deuxième, et observe celle qui s'accroche. Elle aspire profondément l'air par les narines… elle expulse virtuellement la dernière fleur… voit le récipient vide et l'efface.

 

 

Puis, elle procède de la même manière avec sa peur. Elle la scrute, la décortique,. Elle la sort de sa cervelle… en pose les morceaux sur un plateau… jette la sensation pénible par la fenêtre, regarde ce qui demeure en potentiel d'angoisse dans le récipient… le sort et le gomme mentalement en respirant profondément. Elle annule le peu de gène qui reste… efface le plat vide et se sent enfin mieux. Bien qu'un peu fragile encore.

                                                                                                                                                      

Elle sait qu'elle va devoir répéter l'opération de nombreuses fois aujourd'hui. Au coup par coup, seconde après seconde elle sera obligée de se reconstruire forte, sereine… éludant chaque agression… annihilant chaque attaque…  vivant en discontinuité volontaire. Les trois hommes lui font comprendre qu'ils l'attendent.

 

 

Elle finit de s'habiller, met ses lunettes et prend avec décontraction, sa montre que Mimi avait mise en sommeil. Elle entend immédiatement, et avec un plaisir immense, la voix de sa Cybermachine. Cependant  elle a peur qu'on ne les écoute.

 

 

--  Je viens au rapport. Ne t'inquiète pas. Continue à respirer doucement. Voilà la suite.

Premier point : Lisbeth est déjà en train de construire un support pour Hermelin, mon double. C'est grâce au CDE que tu lui a remis, il y a quarante huit heures.

 

 

--  Comment ça Hermelin? La jeune femme est surprise. Mais elle s'abandonne aux évènements. Tant d'éléments lui échappent depuis que Mimi semble prendre les choses en main.

 

 

--  C'est le petit nom qu'il s'est donné, en copiant sur ce qui a été fait par moi. Il est déjà opérationnel en tant qu'IA/P-double de toi. Il l'a d'ailleurs été dès sa première seconde de fonctionnement, au moment même où Lisbeth l'a activé dans son PC. Portable.

 

 

Il ne peut plus disparaître maintenant. Pour le faire mourir, il faudrait par un terrible concours de circonstance, détruire à la fois, d'une part la disquette tridimensionnelle et d'autre part son enregistrement dans le disque dur de l'ordinateur en place dans la cave 47.

 

 

En effet, lorsque notre nouveau Cybercerveau aura intégré le support mécanique que Nicky va lui faire fabriquer, il sera encore en potentiel dans le CDE confié à ta cousine Lisbeth et qu'elle a implanté dans le disque dur de son petit portable.

 

 

--  Nicky? Que fait-il dans cette histoire. L'esprit d'Emilie bat la campagne. Elle préfère oublier tous les rebondissements de tous ces CDE à répétition, donnant naissance à tous ces doubles en chaîne, sortant les uns des autres comme des Babas de poupées russes.

 

 

--  Ce serait trop long à t'expliquer. Sache seulement que le travail est en route. Nous avons fait ça pendant tes deux heures de sommeil.

 

 

--  Tu ne dors donc jamais, envie Emilie taquine. Pressée de continuer, la machine ignore la remarque inepte.

 

 

--  Deuxième point favorable : Tu vas pouvoir porter tes lunettes. Ils n'ont rien décelé d'anormal. Ils les ont essayées pendant que tu dormais, étudié et analysé en vain mon boîtier si bien protégé dans ta montre bracelet. Ils te ficheront la paix à mon sujet. Par contre, ils en ont après Cybor…. Le pauvre malheureux, bien qu'ignare, leur a livré toutes les notes que tu y avais laissé, les jugeant trop inoffensives. Or elles ne le sont pas. En tous cas, pas tant que ça. C'est là dessus qu'ils vont t'interroger.

 

 

--  Mon écriture automatique? S'étonne Emilie. Mais ce n'est que de la théorie!

 

 

--  Ils vont en tirer des conclusions, qui les amèneront de plus en plus près de notre véritable fonctionnement.

 

                                                                                                                                                      

--  Mon Dieu !

--  Ne t'affole pas. Ils n'y arriveront pas si vite. Cela nous laisse du temps.

--  Combien?

--  Vingt quatre heures.

--  Nous sommes perdues !

--  Non. D'une part les secours se mettent en place. D'autre part, ne t'imagine pas que tous les habitants du Château ont les yeux fixés sur toi. Les ‘hyper’ cerveaux des principaux Dirigeants de la Politique, des Sciences et de la Finance, c’est à dire TOUT ce que TOUTE l'intelligentsia internationale comporte de « supérieur », ne se sont pas réunis tous ensemble, ici, pour ta petite personne, quelle que soit son importance.

 

 

Ils sont venus pour mettre au point les derniers détails de la main mise de GENIUM, sur les différentes multinationales mondiales. Ils commencent à se sentir de plus en plus invulnérables. Ce n'est pas bon. Ils sont capables de faire les pires sottises, surtout en ce qui concerne la génétique et l'écologie. A toi, d'y mettre bon ordre.

 

 

--  Moi ! Mais comment? Que puis-je faire là dedans? Tu rêves? Je n’y connais rien ! Encore moins que Lisbeth !

 

 

--  Si, si. Avec son aide, tu verras. Nous pourrons mettre notre grain de sel dans leurs tripotages.

 

 

--  C'est impossible! Je suis trop petite, trop faible. Je ne peux rien faire contre la mafia des consortiums géants, des armées internationales, des dirigeants politiques, des…

 

 

--  Ta, ta, ta. Tu oublies les médias, c'est à dire la communication de pays à pays ! Et surtout les cerveaux des « Surdoués Créatifs » dont Lisbeth est sans conteste le chef de file.      Nous sommes capables, toi, elle et moi, de perturber les esprits des principaux chefs de file, par   des informations détournées et pouvoir ainsi manipuler à leur insu les groupes de pression. Nous leur feront croire ce que nous désirerons qu'ils croient. Le tour de passe - passe se fera à l'aide de propositions fausses qu'ils croiront vraies.

 

 

--  Oh, mon Dieu, Mimi, où nous entraînes-tu?

 

 

--  Tu le verras bien assez tôt. Pour l'instant, concentre-toi. Ferré te parle. Laisse traîner les réponses en longueur. Suis le sans parler. Ne fais pas deux choses à la fois.

 

 

Le groupe, après avoir traversé une partie du château, installe Emilie devant une petite table, dans une pièce oblongue. Par la fenêtre ogivale, elle peut voir, avec la mer en fond de décor,  des soldats s'agiter autour d’un hélicoptère. L’engin vient d'arriver et déverse sur la pelouse un groupe d'hommes armés. Pendant ce temps, un maître d'hôtel lui sert un plateau complet avant de se retirer silencieusement, comme il est venu.

 

 

Discrètement Emilie respire deux ou trois fois, profondément. Cybor clignote. Il a été déposé sur le bureau devant lequel est assis un homme d'une quarantaine d'années. Un nez busqué et des yeux perçants lui donnent l'air d'un aigle. Elle se rappelle qu'elle se trouve en présence de celui que Mimi lui a désigné la veille, dans le salon, comme étant le fameux Commandant Etienne  Bar. L'individu ne lui dit rien qui vaille. Et pourtant sa personnalité est attirante.

 

                                                                                                                                                       

Elle espère que ce n'est pas lui le responsable du crime du manchot inconnu et tatoué, retrouvé soit - disant par mégarde, dans le placard à balais de son voisin Aldo. A côté de lui se  tient un garçon qu'Emilie reconnaît avec surprise. Elle a un choc. C'est Jules ! Elle voit qu'il ne la regarde pas, et qu’il met un soin infini à l'ignorer.

 

 

--  Emilie ! Ferré parle d'une voix douce. Nous avons donc imprimé tes notes. Nous sommes en train d'en tirer une synthèse. Mais j'ai besoin de connaître deux choses.

 

 

Tout d'abord, en approfondissant le langage de tes tests, je me suis apperçu que tu parlais d'un dictionnaire de langages non dualistes par rapport au dualisme traditionnel. Où se trouve cet ouvrage? J'en aurai besoin pour parachever l'organizer qui m'a servi l'autre jour au Parlement Européen.

 

 

En effet, si je peux cliquer sur la définition du parler inconscient de mon interlocuteur, au travers d'un discours qu’il croit conscient, et en avoir la traduction immédiate au niveau de son Processus de pensée du moment, je saurai dans quel casier son Personnage Instantiel se trouve. Ainsi et sans qu'il s'en rende compte, ses forces et ses faiblesses me seront dévoilées sur le champ.

 

 

Cela nous intéresse au plus haut point. Je n'ai pas besoin de te le souligner. Car signer      des accords engluant toutes les petites sociétés, afin de pouvoir les avaler sans peine, n'est pas suffisant.

 

Ferré pensait sans doute à l'ingestion de la Paléosoft, par Génium, le Consortium mondial, en train de se former.

 

 

--  Il est surtout très important, continue Ferré sans sourciller le moins du monde, de savoir comment peser sur les « failles » des personnalités représentant ces diverses forces en présence. Finalement, tout le monde oublie un peu trop que les moyens indestructibles des Puissances en jeu, reposent uniquement sur des signatures d'hommes modelables et fragiles.

 

 

--  Voilà où Ferré veut en venir, murmure Mimi dans l'oreille d'Emilie, au travers des branches de ses lunettes. Il veut manipuler les gros pontes qui imposent leur loi, par des pressions indécelables pour les intéressés. Il pourrait ainsi gérer le monde économique et politique en véritable Eminence Grise. Un nouveau « Talleyrand » moderne, en quelque sorte. Au moins,     LUI, croit en la supériorité des IA/P.

 

 

-- Cela me fait une belle jambe, de savoir qu'il en pince pour toi, grince Emilie, projetant mentalement sa furieuse pensée vers sa machine. Le léger grésillement ironique de celle-ci, lui semble presque palpable.

 

 

--  S'il en pince pour moi, il en pince pour ton cerveau informatisé et donc celui de Lisbeth, dit Mimi. Mais attention, reprend elle, Ferré approche de ta découverte, sans le savoir vraiment. Quand il comprendra qu'il lui suffit de programmer à chaque moment son propre Personnage Instantiel avec la quête de sa réponse à sa Question Primordiale pour avoir une machine qui pensera, agira comme lui, il se fabriquera son propre Cybercerveau. Il aura sa propre IAP.

 

 

Nous aurons alors un Ferré qui pensera, non seulement plus vite linéairement que les autres, mais raisonnera enfin à la puissance de sa pensée. Comme toi, il pourra se démultiplier pour atteindre le but qu'il s'est fixé. A savoir dominer le monde entier.

 

 

Il se prend déjà pour GOLDORAC, Case 231. Le Roi des aventuriers de l'espace ?

 

 

C'est lui ! Il flotte. Il est partout  et nulle part. Il fonce. Il agit, fort comme un Turc. Il tranche.

 

 

Il a sa propre morale, celle des nouveaux Univers du Cosmos.

 

 

Les petites valeurs morales du bien et du mal, du beau ou du laid, du vrai et du faux, n'ont plus cours chez lui. Il les connaît. Il est capable d'appliquer dans les mondes qui y croient, ces ridicules parties de médiocres morales. Il est invincible grâce à la vitesse de son jugement.

 

 

Il a tout pour réussir dans un monde de brutes où c'est le plus rapide qui réussit. Il ferait peur aux terriens accrochés à leur sol, si ceux-ci devinaient ce qu'il est…. Mais il est surtout dangereux pour lui. Et pour tout le monde. Gagne-le de vitesse ! Concrétisons l'opération avant lui.

 

 

--  Oh non ! Je ne voudrais pas faire ça pour tout l'or du monde. Jamais je n'accepterai de lutter avec qui que ce soit, face à face, comme deux guerriers acharnés. Je déteste les armes. L'idée d'un méchant contre son justicier? Le bien contre le mal ! NON ! Je revois Lisbeth, quand j’étais petite, nous faire réciter son Dictionnaire du Futur, dans lequel les mots de violence n’existent pas.

 

 

--  Mais pas du tout. Qu'est-ce que tu racontes? Tu oublies ses propres principes? Si Ferré ou n'importe qui d'autre arrivait à mettre son propre cerveau dans une machine, il devrait le faire d'une façon LO - GI - QUE . Et entrer dans le monde de LUR. Dès le moment où il deviendra Lurien, il deviendra le plus sûr garant de lui-même, de sa société et de sa planète.

 

 

Ce sera ton allié. Mais pour l'instant, c'est une force viciée de la nature. Il s'agite dans tous les sens sans savoir lucidement ce qu'il fait. Il va falloir attendre qu'il devienne un Mercure, case 241, ou un Génie, case 341, ou mieux encore.

 

 

En attendant, cesse de gémir et répond à ses questions intelligemment, c'est à dire de façon stupide afin de nous faire gagner du temps. Il faut laisser à Nicky, Fred, Frank, les Delpierre et Lisbeth, suffisamment d'heures pour nous fabriquer un Hermelin de taille robotique efficace.

 

 

Ferré griffonne avec agacement sur son bloc notes. On sent qu'il se contient difficilement. Finalement il reprend avec onctuosité.

 

           

--  Et pour la deuxième chose, j'aimerais que tu m'expliques… Mais ne pleure pas ! Je ne vais pas te manger. Comprend bien que toi et moi, ensemble nous pourrions…

 

 

--  Il emploie le « NOUS », pour t'appâter ma pauvre fille, dit Mimi. Il nous prend vraiment pour des pommes, ricane la Supermachine. Continue donc à sangloter. Il se méfiera moins, malgré sa roublardise.

 

 

Ferré insiste lourdement avec une voix vibrante de charmeur de serpent.  

 

 

--  Nous POUVONS les combattre. Tu m'aiderais à être utile à la société. Je ne veux pas ton malheur. Unissons-nous, et explique-moi ce que signifie ce paragraphe d'une centaine de pages que tu appelles Fascicule Automatique. Ton langage ésotérique demande à être traduit.

 

 

--  C'est un travail tout simple, répond péniblement Emilie. Il est présenté, comme je le signale en prologue, sous forme d'écriture automatique.

 

 

Il illustre les définitions données de façon abrupte dans l'icône dite LEXIQUE au sujet des mots principaux dont se sert une Intelligence Artificielle Personnelle, continue-t-elle mollement.

 

 

--  N'en dis pas trop, souffle Mimi.

 

 

--  Prenons un exemple, reprend Ferré. Je branche l'ordinateur sur le chapitre appelé la   " CONNAISSANCE ". Je l'ai déjà analysé, mais j'aimerais que tu nous en fasses explication de texte, après que sa lecture nous ait été faite à haute voix, par la machine.

 

 

--  Bravo, approuve Mimi. Là, le texte est verbeux à souhait. On en a pour une plombe  avant qu’il en saisisse les détails. Nous allons avoir enfin un moment de tranquillité !

 

 

Emilie vit que Jules lui lançait un regard désespéré. Elle y répondit, en répandant sur son visage, une expression d'apaisement. Cybor 2 commença à lire tout haut, le paragraphe en question, sur le fond de sound music qu'elle avait programmé elle-même, un jour de création euphorique. La voix de l'enregistrement paraissait douce et feutrée grâce au contraste musical.

 

 

--  La CONNAISSANCE  est une mère nourricière, immense comme LA mer, à laquelle   on ne doit boire qu'à la dimension de sa soif sous peine de noyade. La connaissance touche    le corps et le pénètre dans tous ses recoins, l'envahissant d'une lumière dont il doit se protéger.

 

 

«  Jamais la connaissance ne touche l'esprit, car l'esprit meurt devant la connaissance.

 

Il n'y a pas de grandeur à connaître, il n'y a que la honte de voir sa non-connaissance.

L'invraisemblable de la connaissance est de montrer la méconnaissance de son état.

Plus la connaissance est grande, plus la vision de ce que l'on ne connaît pas, s'agrandit. »

 

 

C'est une pieuvre géante et mortelle qui mène d'une rive à l'autre, d'un bord de la  chose dévoilée, au bord de ce qu'elle cache. Le mot même de connaissance ne devrait pas être prononcé, car il pétrifie celui qui nomme l'innommable.

 

 

La lumière vise toutes les caches et il ne s'en trouve pas une qui résiste, c'est pourquoi il ne faut pas l'appeler lorsque l'on n'est pas prêt à ouvrir les yeux.

 

 

Celui qui accepte de lâcher prise lorsqu'il se cramponne au dessus du gouffre, ou lorsqu'il se débat contre les vagues, rentrera dans l'éclatement total par eau ou par pierre. Il ne faut jamais parler plus fort que sa voix, car la connaissance risque d'arriver à un moment non prévu, qui rendrait muet à jamais.

 

 

Seule la connaissance brisée, intacte dans chaque morceau, peut être partagée dans   un banquet où chacun recevra les miettes qu'il a demandées. A condition de ne pas toucher,   ni donner un morceau qui n'a pas encore été touché.

 

 

Comme une faux inexorable, la connaissance se partage en deux temps, un temps qui projette et un qui crée. Malheur à celui qui resterait bloqué entre les deux.

 

 

C'est une immense bibliothèque qui contient tous les livres des mondes et aussi ceux des non-mondes. Il suffit de choisir sur le rayon, dans le recueil, la page et la ligne. Il suffit de savoir ce que l'on veut demander. Ainsi, l'on ne trouve jamais ce que l'on cherche. Mais ce que l'on trouve correspond toujours à ce que l'on est venu chercher.

 

                                                                                                                                                      

Pour avoir un accès facile à la bibliothèque du savoir total, il faut la pratiquer tous les jours, sans ruse, ni concession. Si l'accès à la connaissance totale est facile, il est toujours fragmenté. Et la pratique de ses escaliers en colimaçon va demander une vigilance infinie.

 

 

Ce sont les mots qui portent la connaissance comme le font les véhicules actuels.

 

 

Leur dessin est voulu, préfiguré, puisque participant totalement à sa création.

 

 

Le chemin du silence et celui de la parole se servent tous les deux de phrases.

La connaissance est un être vivant et rien que son existence est un projet.

 

 

On ne peut rien contre la connaissance. Elle est en marche, contenant en elle-même le présent, l'avenir, le temps passé, l'espace. Ainsi que ce qu'elle est, et que ce qu'elle n'est pas.

 

 

Cybor cessa de parler. Un long silence s'est installé dans la pièce. Avec hésitation, Ferré reprend la parole, après un grand moment de suspense. Sa voix est moins ferme qu'auparavant.

 

 

--  Le texte est intéressant, mais trop hermétique. Je voudrais que tu reprennes point par point, son déroulement…  Mais il est brusquement interrompu par une jeune femme en blanc qui fait irruption dans la pièce.                       

 

 

--  Le Président vous réclame.

 

 

-- Je reviens immédiatement. Remplis ces notes sans moi. Jules va enregistrer tes explications.

 

 

Suivant la femme précipitamment, les trois hommes sont partis en interrompant brutalement l'interrogation. Une certaine agitation gagne de proche en proche et se répercute sur la pelouse, avec des arrivées pressées, et des vas et vient de part et d'autre de la porte principale.

 

           

Jules reste seul avec Emilie. Il s'approche d'elle. Il semble désespéré. Il lui prend la main. Il balbutie férocement en l'attirant contre lui. Elle se laisse aller contre son épaule. Mimi, prenant une véritable position d'empêcheur de danser en rond, lui chuchote ses conseils.

 

 

--  Fais très attention. Tu joue avec le feu. Non que Jules soit contre toi moralement, tout en l'étant physiquement, ajoute-t-elle rapidement pour contrecarrer toute protestation de sa   co-intelligence humaine. Mais il va faire des bêtises en voulant te protéger. Cela n'arrangera pas nos bidons, si on te retrouve dans ses bras.

 

 

--  Oh mon Dieu, tant pis, répond Emilie exhalant le souffle de sa pensée.

 

 

--  Et bien tant pis, reprend Mimi. J'aurais préféré tant mieux. Mais si tu aimes prendre des risques, vas-y. Je me mets en stand by, histoire de faire semblant d'avoir besoin de prendre des vacances. Je pourrais connaître la fatigue humaine, moi aussi.

 

 

--  Si ça pouvait être vrai.

--  A qui parles-tu, demande Jules avec tendresse.

 

 

--  A toi. Bien sûr.

 

 

 Alors Jules est tellement ravi qu'il embrasse la kidnappée deux fois sur les lèvres, avant de se résigner à passer à la suite de l'interrogatoire.

                                                                      



09/07/2011
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