Lisbeth. Samedi 25/06/2011. La pie calculette
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Avant de passer à table, Gérard m’a demandé de raconter une de ces histoires qu’il avait lues l’année dernière sur mon blog. Alors, à cause de tous ces comptes d’apothicaire qui se bataillent dans les banques, dont celle du père d’Emilie, j’ai pensé à la Pie Calculette.
Je me souviens que Granie nous l’avait racontée ce fameux soir de la kermesse. La foule de tous les petits enfants de Granie s’était augmentée de tous les nistourins des Bastides voisines accompagnés d’un paquet de parents. Tous y voulaient savoir ce qui s’était passé, avé l’aventure que la Pie Calculette eut avec la Fée Elodie et la petite Elisabeth d’autrefois.
Les spectateurs, trois pour une chaise, se marchaient sur les pieds. La petite Bess d’alors y était pour beaucoup. Adorant les récits de ma Granie, je m’étais répandue de par toute la colline pour annoncer une nouvelle soirée de Contes. Cela avait fait l’effet d’une traînée de poudre. La nuit pour faire bon poids, était si belle qu’on aurait dit qu’une myriade d’étoiles se bousculaient pour participer à la fête.
Les branches du figuier ployaient sous les fruits. Y avait qu’à tendre le bras pour les cueillir. Les pommes, les oranges, les noix entassées dans les corbeilles attendaient d’être épluchées pour la salade commune. Car la tradition ancestrale, veut que dans une veillée, les invités ne restent pas sans rien faire. Le jus rouge des oranges sanguines pressées se répandait à gogo dans les gobelets, car y se faisait une brave d’estouffade…Une grosse chaleur nocturne quoi. Quand tout le monde eut fini de s’escagasser pour trouver place, Granie commença.
-- Un des plus fameux chasseurs de la région acharné à venir décimer les bestioles du Faron était bien, comme je vous le disais hier, ce Jo le Marseillais, dit Jo le Cakou. Cette faune, il avait jamais pu l’attraper et ça, ça l’agaçait énormément beaucoup. Mais il y avait une raison supplémentaire. En effet je vais vous conter la vieille histoire qui traîne sur la réputation de son village natal, Valbourdin, sis derrière le Mont, côté Nord-est-est.
Marius Mélou, le trisaïeul de l’arrière arrière grand - père de Jo, était déjà un fameux chasseur et ça remonte à l’an pébre, presque en 1810. Il avait décidé un matin de monter chasser à l’espère sur la pente du Faron là où qu’y a le Mémorial, pour ramener de quoi faire un pâté de pie, plat il faut l’avouer, que les perfides estrangerses y z’y trouvent toujours particulièrement délicieux.
Ce jour - là, il arrive donc à l’endroit choisi, et après s’être fait une belle hutte de branchages, y pose sur la restanque, à portée de fusil, un toupin plein de graines de fariboles sucrées dont les pies raffolent. Et y se pose dans la cahute pour guetter. Mais la pie n’est pas bête. Elle reste cachée. Et hop ! Dès que le criminel volaticide s’en va, elle bouffe les fariboles.
Alors le dangereux achachi, massacreur de plumes qui voit ça, y reufleuchit. Y va chercher son frère, lui z’y esseplique. Et rebolote… les graines, la cabane, le guet.
Mais alors que la proie convoitée guette de son côté pour voir quand la route sera libre, un seul homme sort. Or, la pie qui vraiment n’est pas bête, ne se risque pas à venir tant que le second citoyen n’est pas parti.
Evidemment, les gourmands de Valbourdin, affamés de pâté de pie, se disent que l’animal ne peut pas compter vraiment « mentalement » ! La semaine suivante y reviennent à trois chasseurs. Et y ressortent de la cabane à deux. Puis, le lendemain y reviennent à quatre, repartent à trois. Et ainsi de suite. Mais hahaha ! La pie, perchée sur l’arbre voisin, derrière une grosse branche compte tranquillement :
-- Dix et je retiens un. Bon y en a que neuf dehors. Y reste un tueur dans l’abri. J’attends. Les voraces guetteurs de pie avaient beau venir de plus en plus nombreux et sortir en rafales…
-- Un, deux, trois, cinq, six, douze, vingt, quarante cinq… comptait la pie. Tiens, il en manque encore un. Et tranquille, elle attendait que le dernier malfaisant, lassé de rester plié à se briser les reins à l’agachon dans ce cabanon de feuilles, se décide à redescendre dîner de nouilles boulides, sans apport de pâté de pie.
Le jour où, TOUS les hommes, femmes, enfants, vieillards, nouveaux - nés furent venus ENSEMBLE du dessous du dessus de Valbourdin et qu’il ne resta plus personne au village, l’aïeul Mélou comprit que la pie savait vraiment compter jusqu’à quatre vingt quatorze et peut-être jusqu’à l’infini. Sans doute.
Voilà pourquoi, expliqua Granie, la famille Mélou si tant ridiculisée par cette affaire, a toujours été traînée dans la bouillasse avec tout le village, pour cette fameuse histoire de Pie faronnaise. Et Jo le Cakou en avait gros sur la patate. Il venait tous les week-ends dans la propriété familiale devenue maison de vacances.
Lorsqu’il débarquait au bar de la Marine, situé sur le vieux port de Toulon, les copains se moquaient copieusement de lui. Alorsse il s’entêtait à grimper sur la colline avec un seul but : « En tuer Un », au moins un, n’importe lequel, un de ces 365 oiseaux d’enfer ou autre bestiole à poil ou à plume…. UN seul et c’était la gloire.
Il faut vous dire qu’il avait du mouron à se faire. Entre le « Vire-Peire » qui dès que tu te le pointes, se met à tourner à toute vitesse autours du caillou, le « Scarte-Plomb » que quand tu te le vises, y te renvoie la mitraille avé les ailes, plus qu’avé le gilet pare-balle, te plombant les dents mieux que le dentiste… le « Futifu » ou « Mange Menu », si nistounet, pampille minuscule que rien que le déplacement d’air de la balle, le pousse de côté. Et y a pas d’espère qu’y s’alourdisse passe qu’y mange si peu qu’une fois la semaine, juste un moucheron ou une liche de demi groseille.
Jo le Cakou en avait déjà rencontré plus d’une centaine, tous plus facétieux les uns que les autres, qui le ridiculisaient à longueur de chasse. Même la « Dormiasse » qui dort quasi debout, les pattes raides comme escagassée l’avait piégé. Si tant semblant défunte qu’il avait renoncé à tirer sur une bête déjà morte. C’est pour ça que, comme ses congénères, elle ne risque pas de mourir. On voit que les bestioles faronnaises ne seront jamais des espèces en voie de disparition.
Je te parle pas de « Lou Papil » qui ressemble si tant fort à un papillon qu’on ne pas croire que ce n’en est pas un. Alors on ne peut jamais l’attraper, puisque l’on ne sait pas que l’on peut le faire !
Il y a encore la « Fauvette Jaune », qui a dans ses poches de derrière, un plein de piécettes de monnaie. Ca la fait briller d’or dans le soleil. D’où son nom. Quand le chasseur arrive pour se l’assassiner, comme le tortionnaire qu’il est, elle lui lâche une piécette. Pendant que le mesquin y s’agenouille la ramassant pour faire ses comptes comme Maîstre Arnaoû l’hypothécaire, la bestiole elle se barre en rigolant.
Je pourrais encore en citer des milles et des cents. Je terminerai ce soir pour parler des quatre plus énervants. D’abord le « Monte-Chien ». C’est un oiseau du même genre que le fameux « Gala Pastré ». Sauf que quand le chasseur il le repère, l’oiseau y se précipite non sur une simple moutonnasse, mais sur la tête de son chien. Comme le maître a peur de blesser son épagneul préféré, il lui court au derrière pour lui faire céder prise, sans oser tirer.
Mais dans la bousculade, le pauvre canin a beau secouer la tête en criant Kaï, Kaï, sautant de zig à zag, l’oiseau accroché aux oreilles ne le lâche pas. Finalement, tard le soir, la bête enfin délivrée de l’oiseau rentre à la maison se faire consoler par la femme de Jo, la Mélie qui, en sagace personne avait préparé double ration de riz pour le dîner.
Le deuxième est le « Pétalure ou File Pétoué ». C’est un oiseau que quand tu l’as dans ta mire de fusil, il te lâche dans le nez un pet supersonique, plus violent et puant qu’Hiroshima, le propulsant en avant à la vitesse de la lumière. Comme il va plus vite que la balle du fusil, on ne peut jamais le rattraper.
Le troisième est « Lou Braguettou ». Dès qu’y voit le chasseur, la bête s’accroche tout de suite à sa braguette. Ce qui freine irrésistiblement le coup de pétoire émasculatoire de celui-ci.
Et maintenant voilà le pire, le dernier, l’ultime, celui qui vient quand tout est fini, que la nuit descend, que le chasseur boudenfle est à bout de nerfes et qu’y lui reste plus que la décision fatale de renoncer. Alors arrive le moment important du chapeau.
Il est nécessaire de savoir que dans le midi, lorsqu’un chasseur revient bredouille, il lance en l’air son couvre-chef et le crible de plombs. Comme ça, il peut entrer la tête haute au rendez-vous des amis, en montrant le gibus percé, et dire aux copains qui l’attendent devant le pastis :
-- Té, ça a mal capité. J’ai rien pris. Mais c’est pas maladresse. C’est malchance. A preuve. Et y montre les trous dans le tissu.
Or, sur le Faron, quand le malheureux bredouillé, lance en l’air son galurin pour le rituel sacré, voilà que débarque l’oiseau « Semble Cascaïre ». C’est une sorte de grosse chenille volante, en mohair à carreaux, en tous points semblable à la casquette voltigeante.
Le bonhomme tourneboulé ne sait plus à quel saint « droite/gauche » se vouer et rate les deux. Il rentre ainsi, évitant soigneusement le bistrot familier, penaud, mortifié, honteux, la tête basse, son chien la queue entre les jambes, tout droit chez lui, où le sachant impuissant devant la faune faronnasse, sa famille l’attend, avé la bouillabaisse de réserve.
Inutile de vous redire pourquoi, que Jo Mélou dit le Cakou, avait décidé de se faire un carton sur une de ces maudites bestioles.
Le summum aurait été naturellement de piéger la Lièvre du Faron. Tout le monde connaît bien cet animal impossible à chasser si on n’en connaît pas le secret. Et pour cause. Plus rapide dans la course, tu le peux pas. Mais c’est une autre fois que je vous conterai son aventure avé le hérisson. Il est bien tard et les plus petits se sont déjà endormis sur les coussins. On en reparlera demain.
-- Mais je ne dors pas moi, s’écrie Bess déçue que la soirée s’achève si vte.
-- Il est entendu, reprend la vieille dame, que les plus de dix ans ont la permission de minuit. Car ce soir on va faire une place à Fédérico le gitan qui arrive avec la musique bohême ancestrale de sa guitare et les poèmes de son célèbre compatriote Garcia Lorca. .
C’est Bess qui est contente de voir arriver tous ses petits copains de la famille bohémienne de Fédérico. Elle les connaît bien. Ils ont l’habitude de tous se retrouver dès que possible sur le Faron pour dévaler les pentes de caillouxes avec les gamins du quartier et les mômes de la Bastide.
Cela fait une belle troupe de joyeux drilles, ivres de liberté. Car ils sont nombreux les camarades de Bess, avec en plus les frères, sœurs et cousins. En groupes, ils viennent, tant des maisons voisines que de la ville ou du campement rom situé derrière les Lices, entre les fortifications et l’hôpital Sainte Anne.
Après le brouhaha des nouvelles arrivées, la foule se calme, et les enfants d’abord fascinés par le déploiement des instruments, et le bruit des castagnettes, se mettent à danser en criant « Youyou » avec la poésie des musiques du Romencero gitan.
Puis la musique gitane se déploie, accompagnant le poème de Lorca :
-- Commence le pleur de la guitare…
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