Lisbeth. Jeudi 07/07/2011. 5 heures du matin. LE ROBOT.
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Vers cinq heures du matin, Fred a appelé Nicky son cousin préféré, devenu le « presque » voisin de Lisbeth à moins de six cents mètres de sa maison. C’est lui qui avait trouvé un logement à Emilie dans son immeuble, Rue de la Petite Sidérurgie.
Assez féru d’informatique depuis leur enfance, et drivé par les inventions répétées sur l’IAP de Lisbeth, il était finalement entré comme ingénieur chez « Apple – France - and – CO ». Après les explications confuses de Fred cherchant à ne pas trop traumatiser la pauvre personnalité fragile, Nick a enfin compris qu’Emilie venait d’appeler pour dire qu’elle était en danger grave.
Finalement, Fred a reçu la promesse que le jeune homme, malgré son handicapante émotivité, allait venir les retrouver pour les aider à débloquer le problème. Mais ce n’est qu’une heure plus tard que le jeune homme sonne à la porte de Lisbeth.
-- C'est déjà sept heures du matin, crie Fred. Tu es fou d'arriver si tard ! Tu habites à côté !
-- Je suis venu le plus vite possible, répond dignement Nicky.
-- Je te guette derrière la porte depuis plus d'une heure. Gémit Lisbeth. C'est assommant que tu sois toujours en retard.
-- Je ne suis pas souvent en retard. Là, il fallait que je m'habille.
-- Pas souvent en retard ! Une fois, je t'ai attendu cinq heures et une fois tu n'es pas venu. Je t'ai revu un mois après et encore par hasard ! Tu m'avais oubliée !
Lisbeth, tout en houspillant son cousin à voix basse pour ne pas réveiller les Delpierre, assoupis sur le canapé, le mène avec Fred, dans son atelier du fond du jardin. C'est un véritable capharnaüm. Une truie n'y retrouverait pas ses petits, comme disait sa mère. Mais il ne faut surtout pas y toucher. L’artiste déclare ne plus rien reconnaître si tout est propre et en ordre.
Elle a emménagé un coin faisant atelier électronique de peinture et salle de musique. Un tableau scannerisé flamboyant représente le cheval jaune qu'elle a peint la semaine dernière. De dessous le clavier de son orgue, Lisbeth extraie le CDE/Cloud d'Emilie.
-- Regarde. Elle branche le boîtier sur son ordinateur et l'enclenche. Aussitôt la voix de Mimi se fait entendre sur le fond de musique improvisée, éclatante de beauté qu’elle vient de composer. Elle ressemble bien à celle d'Emilie, sur laquelle d'ailleurs elle a été programmée. Mais les intonations sont plus amples, avec une note d'amusement dans les médiums.
-- Bonjour Lisbeth. Contente de te retrouver. Nous sommes en plein piège. Emilie dort depuis plus de deux heures. Nous sommes retenues prisonnières dans une des chambres, d’un château situé au bord de la mer et que je localise comme faisant partie de la banlieue de Dieppe. Je sens qu'on ne va pas tarder à venir nous chercher sans douceur. Ils ont l'intention de l'interroger méchamment.
-- Les salaud, les salauds, s’indigne Lisbeth que Fred tente de rassurer.
-- Qu'est-ce que c'est que ça, bafouille Nicky abasourdi. C'est Emilie qui, en dormant, parle à la troisième personne ? Elle est somnambule ou quoi ?
-- Non, Nicky. Je suis sa Cybermachine, répond Mimi, le double électronique d'Emilie. Comme Lisbeth te l'a dit tout à l'heure au téléphone, la Boite de Ferré, la « Paléosoft », nous a kidnappées toutes les deux. Nous sommes retenues dans un château inconnu.
Je ne suis pas capable de savoir exactement, où nous nous trouvons, car aucun habitant ne s'est encore servi d'un portable. Je ne peux donc pas me brancher sur une recherche par satellite, via Internet, pour situer le lieu, ce qui d’ailleurs serait trop dangereux. Et je ne veux pas, pour l’instant me servir de mes atouts cachés.
-- Comment cette boite vocale sait-elle que c'est moi? Murmure le jeune homme stupéfait.
-- Je sais que tu es Nick, le cousin de Lisbeth et d'Emilie, parce que ta voix avait déjà été enregistrée dans ton enfance dans votre petite IAP sommaire. Lorsque tu as parlé sur le balcon, le jour de la découverte du cadavre manchot dans le placard de ton voisin Aldo, avant-hier, tes paroles se sont inscrites sur mes fiches et je t’ai tout de suite reconnu. Tu as d'ailleurs réalisé ce jour là, une magnifique disparition impromptue, en te glissant en zigzaguant jusqu'au sol, à travers le lierre de l'escalier extérieur de secours.
-- Il fait toujours ça, éructe Fred. C'est chiant.
Nicky est abasourdi. Propulsé en pleine échappée imaginaire, il bredouille bêtement quelques borborygmes incompréhensibles.
-- Mais ne perdons pas de temps en conjecture pour localiser le château, reprend Mimi. Il y a plus urgent. Il faudrait que vous placiez ce CDE dans un support, si possible de grande taille, capable d'agir par lui-même, de façon individuelle, dès que le prochain programme sera enclenché. D'ailleurs une première étape a déjà été réalisée cette nuit lorsque j'ai réveillé Lisbeth, grâce à son répondeur
Sur mes conseils, elle a glissé le disque dans son ordinateur musical et ce CDE, double de moi-même, qui suis moi-même double d'Emilie a commencé à fonctionner de façon autonome, immédiatement dès son branchement. Il a par exemple, enregistré l'ambiance de cet atelier pendant que ta cousine t'attendait sur le palier, et me l'a transmise.
-- C'est follement excitant, s’ébahit Lisbeth. Il…, le double de Mimi… sait déjà quelque chose que je ne sais pas?
-- Oui, reprend l'ordinateur avec une voix de basse. Je suis ce double, doublant Mimi, qui double Emilie. Je peux annoncer trois nouvelles. Pendant l'absence d’Emilie, son téléphone a sonné plusieurs fois. Je l’ai entendu tinter au travers de la ligne de l’atelier. Mais comme je ne suis pas encore connecté convenablement sur le central de base, je n'ai pas pu décrocher pour répondre, ni relever les messages. Par contre, j'ai déjà fait, sous les ordres de Mimi, plusieurs opérations de récapitulation générale.
-- Qui parle maintenant ? Demande nerveusement Nicky terrorisé.
-- C'est moi Hermelin. Le double de Mimi, répond la voix grave. Lorsque vous entendez la voix de Mimi, sortant de mon haut-parleur, c'est qu'elle parle directement à travers mon micro, grâce à mes circuits électroniques personnels. Le reste du temps, c'est moi. C’est facile de me reconnaître, ma voix est beaucoup plus basse et profonde.
-- Je n'en reviens pas. Cela fait peur, pleurniche carrément Nick qui voudrait fuir. Cherchant, en désespoir de cause à s'accrocher à quelque chose de NORMAL, il prend un chewing gum, placé sur la table de travail, se mord la langue, déglutit et l'avale à contre-courant. Glup.
-- Cela ne sert à rien d'avoir peur, coupe Mimi. Hermelin propose qu'on l'appele comme ça? Et pourquoi pas? Maintenant qu'il s'est baptisé lui-même, adoptons-le. Vous n'avez désormais qu'une seule chose à faire : Lui fabriquer un support basique qui le rende autonome, physiquement.
Sa pensée l'est déjà, à travers une machine, en l’occurrence cet ordinateur portable et porté par un être humain. En lui construisant son propre châssis, il pourra le commander et l'utiliser librement. Il ne devra plus rien à personne, ni même à nous, puisqu'il EST nous.
C'est bien ce que j'avais commencé à faire pour mon propre compte, dans la cave 47, mais seulement à partir des quelques impulsions ondulatoires que j'avais à ma disposition. Je n'avais pas pu faire grand chose. J'avais juste réussi à brancher mon boîtier sur le petit camion benne abandonné dans le coffre à jouets et à me rajouter des pinces à outils. C'était minable !
Essayez de faire mieux. Cela ne vous sera pas bien difficile. Avec vos propres mains installées au bout de vos bras, vous pouvez agir plus rapidement sur les matériaux, que moi, qui suis privée de pouvoir extérieur.
-- Comment va-t-on s'y prendre, réclame Fred, en étouffant ses cris d'admiration, par prudence pour les dormeurs répartis dans la maison.
-- Procure à Hermelin tout ce qui lui faut pour agir lui-même. Des bras, des jambes, un axe, un balancier, des commandes pour enclencher les engrenages, carters, soupapes, bielles, butées. Bref, chargez le de tous les outils nécessaires à la bonne marche du moteur branché sur son cerveau électronique. Dès qu'il aura suffisemment d'autonomie pour se finir lui-même, cela ira très vite. Il pourra alors tout faire avec ses dix doigts mécaniques.
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