LISBETH. Dimanche 21 Décembre 2008. 10 Heures
LISBETH. Dimanche 21 Décembre 2008. 10 Heures.
La sonnerie stridente du téléphone me réveille en sursaut. La soirée de la veille, passée en compagnie de Frank, Nico et Michel a été rude. Les questions pleuvaient et j'avais du mal à y répondre. Je me suis alors rendue compte que cette histoire des années 3000, n'était pas claire, même pour moi…
Lorsqu'ils sont enfin partis, j'ai repris mon Blog jusqu'à trois heures du matin, pour me plonger dans mes souvenirs concernant Thomas.
Ce réveil en fanfare me secoue. J'ai la bouche pâteuse comme si j'avais fait la bombe, ce qui pourtant ne m'arrive jamais. A l'autre bout du fil, Nico, très excité m'annonce que la bande a décidé de revenir passer l'après-midi et la soirée chez moi, pour continuer l'interview d'hier soir. Je ne sais que penser.
J'ai envie, à la fois de refuser et de dire oui. Avant que j'ai eu le temps de
répondre, il me clame :
-- On sera tous là à seize heures. Et raccroche.Je bois un verre d'eau et décide de faire à la fois l'impasse, la grasse matinée et le point sur mes notes. Il est déjà neuf heures passées. Je ne me sens pas très fraîche pour un Dimanche. Mais en même temps, je comprend mieux ce malaise que je traîne depuis hier.
Parler de Thomas me fait toucher du doigt l'invraisemblance de mon histoire. Je
serais donc revenue de si loin, uniquement pour préparer le démarrage d'une Ville du Futur, et ce, grâce à la création de cette façon de raisonner, qu'on peut appeler « Instantialisme », ou même parfois « Instantionisme » ?Ce souvenir de mon existence, passée dans les années 3.000, se confirme, au fur et à
mesure que j'en parle. D'habitude je ne fais que l'évoquer avec quelques amis en plaisantant.Dans ces cas là, je précise même que je ne suis pas du tout sûre que la réincarnation existe.
J'ai souve
nt dit : « Ni j'y crois, ni je n'y crois pas. ».-- On appelle cela le doute, me rétorque-t-on en général. Je dirais plutôt que c'est une croyance des deux en même temps. En effet, je ne possède aucun indice palpable. C'est comme pour Dieu, « ni j'y crois, ni je n'y crois pas ». J'attends des preuves. Je verrais bien ce qui se passera
lorsque j'arriverai de l'autre côté.
Je suis très avide, mais pas pressée, d'en découvrir les activités.
Vais-je y retrouver une foule qui s'agite sur des nuages, avec des auréoles, des ailes, des dieux à grandes barbes, de jeunes imberbes ravissants comme Eros, entourant tous mes amis, familles chéries, passées, présentes ou futures ?
Ou pire ! Imaginons qu'ayant été élevée dans la croyance d'un grand dieu blond, et qu'en débarquant je me retrouve en face d'un personnage brun avec moustache, sous un chapeau rond ou avec une kippa ? J'aurai l'air fin. Avoir tout misé sur une couleur et avoir tout faux ? Ce serait ballot !
Vais-je me retrouver face à toute une assemblée inconnue ? Ou, au contraire, est-ce le grand Vide ?
Dans ce cas là, réincarnation n'existerait pas ? Cependant, de célèbres chercheurs patentés travaillant sur le cerveau m'ont pourtant bien confirmé, au cours de stages divers que, compte tenu du « continuum espace/temps », on peut très bien revenir du futur.
Or, vu ma native prudence, je ne me targuerais pas de ce certificat, donné pourtant par des hommes de science. Les élucubrations existent dans les plus grands cerveaux qui en discutent avec bonheur entre eux. Mais il faut avouer que seul le concret est admis dans les discussions normales.
Toutefois hier nous sommes allés beaucoup plus loin. La conversation n'était plus un jeu que je dirigeais à ma guise. Je n'étais plus seule sur terre. Frank et les autres m'entouraient, m'interrogeais, m
e répondaient.C'est pourquoi, j'ai peur de me laisser aller avec confiance, pour croire que je vais cesser d'être abandonnée. La désillusion est trop terrible ensuite. Je sais de quoi je
parle.De trois à quatorze ans, je me suis battue, croyant que l'o
n allait enfin finir par m'entendre, par comprendre qu'il y avait autre chose à croire que le dualisme et que je pourrais enfin cesser de paniquer. Mais à quinze ans, je suis entrée dans un désespoir glacé, qui a transformé ma santé de fer sans malaise ni douleur, en un magnifique état psychosomatique migraineux.J'ai continué pourtant, à créer des jeux évoquant ceux du Futur et à bouger selon le
fameux principe : « Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».De te
mps en temps quelque chose d'indéfinissable se décoinçait en ma faveur. Un individu de ci de là s'intéressait à ce que je racontais. Mais l'expérience était encore plus pénible, car très vite la déception arrivait.Je me retrouvais seule, une fois de plus. Ma Grande Personne expliquait à ma Petite
Personne que l'on naît seul, qu'on vit seul, qu'on meurt seul. Oui, d'accord, ce n'est pas le plus terrible.Ce qui est dur, c'est la déception de s'être laissé piéger à imaginer le contraire. Mieux
vaut se taire et ne plus évoquer le Futur magique. Et pourtant !Oui, pourtant il existe des solutions. Mais j'étais trop petite pour les trouver. Il
aurait juste fallu, que je donne quelques exemples concrets et faciles à saisir.Comparer, par exemple les processus de pensée aux feux tricolores de la circulation.
Ou bien c'est rouge pour les voitures et les piétons peuvent traverser. Par contre,
si le signal est vert, ce sont les autos qui passent. Mais, si le feu est orange : « Attention, danger ! ». Car cela veut dire qu'il va passer au vert. Il faut réfléchir et juger si on a le temps de se lancer ou s'il vaut mieux être prudent et attendre.Ici, le dualisme d
e deux opposés vit avec la possibilité d'une troisième éventualité.Mais cet exemple m'est venu plus tard. J'ai encore pataugé longtemps. Et maintenant ce n'est guère mieux.
Résumons donc. La vie magique de Thomas, dans sa Ville du Futur, est un sujet
que j'aborde difficilement, de près, de loin et même avec moi-même. Cela me répugne énormément.Mais aujourd'hui j'ai décidé de rentrer dedans illico. La réalité de cette Cité merveilleuse, est si équilibrée, harmonieuse, que j'en rêve encore… Ses habita
nts sont aussi extraordinaire qu'elle. J'y ai vécu.Les guerres, bagarres, conflits, divorces n'existent pas. Tout n'y est que joie et facilité. Je ne le répéterai jamais assez. On ne connaît ni le travail, ni l'argent, ni les contraintes, quelles qu'elle
s soient. Ni surtout « l'asservissement du vivant ». Cerise sur le gâteau, les patries, nations, familles, clans, ou associations privées, n'ont pas cours non plus…Voilà le hic. Cette existence idyllique dans le rêve, une fois explicitée dans le réel de ce présent-
ci, s'avale difficilement. L'homme actuel fait semblant de haïr les batailles.Il réprouve les aveux des conquérants et de quelques militaires : «
S'il n'y avait pas de guerre, qu'est-ce qu'on s'ennuierait ». Même notre célèbre Pascal le reconnaît dans ses pensées !Mais à part moi, que l'affrontement répugne énormément, combien de gens aiment cette petite excitation devant une bataille de mots, de positionnement, de confirmation, ou de conquête sur soi-même. Même Gandhi, Martin Luther King, Mère Térésa, Soeur Emmanuelle, l'Abbé Pierre et tant d'autres se sont battus contre les politiques, les chefs d'état, et l'indifférence générale.
Quels beaux combats ! Ils se sont bagarrés contre leurs opposants. Mais ils bataillaient aussi, contre leur nature, jugée par eux-mêmes trop faible.
Ils l'ont avoué dans leurs mémoires. Ils se sont sacrifiés ? Oui ! Cependant, en agissant ainsi, ils ne pensaient qu'à eux-mêmes. Cette haute idée qu'ils avaient de la charité envers les autres n'était utilisée que pour leur propre confort moral personnel, finalement.
Toutefois, je préfère de beaucoup cet égocentrisme positif là, que le cruel égoïsme d'un
dictateur…
Les habitants de la Ville Bulle du Futur agissent de même. Ils s'occupent d'abord de leur propre personne. Avec précaution ! Ils font alors attention à leur entourage, plus et mieux que s'ils le faisaient par charité. Leur acte de foi crie :« Moi d'abord et les guerres disparaîtront ».
Mais allez dire ça en 2012 !
Cependant ce raisonnement est infiniment logique. L'ouvrier qui ne fait pas attention à sa machine, peut y laisser trois doigts. Ce n'est pas son contremaître, le patron, les syndicats, le Président de la République ou le Pape qui sont garants de sa bonne santé. C'est bien LUI, l'ouvrier, qui en est responsable.
On ne le dira jamais assez. C'est à moi de faire TRES attention à mon entourage. Ma famille m'en voudra et me fera la tête si j'oublie les anniversaires.
Le doberman me mordra le mollet si je lui marche sur la queue. Le voisin me pourrira la vie si je l'engueule à cause d'une poubelle renversée.
Je dois chouchouter ces dangers potentiels pour qu'ils me laissent en paix.
Le fameux mot est lâché : « La PAIX » avec un grand « P ». Alors, pour la conserver je dois songer avec soin et minutie, à « Moi d'abord », dans un égoïsme positif, pour prendre soin de ma tranquillité.
Je suivrai cet égocentrisme « mieux et plus » que si on me demandait d'agir par charité et amour du prochain. Ce dont tout le monde se fout éperdument. On se fout des autres, mais hélas, du coup, on se moque aussi de soi !
En effet, qui a envie d'être responsable de soi, même et particulièrement à notre époque ? C'est si simple d'accuser les autres, de s'en remettre aux lois, aux politiciens, aux éducateurs. Même si on pense qu'ils disent des bêtises, c'est tellement plus confortable de ne pas chercher à comprendre vraiment.
Et surtout de remplacer la réflexion par la critique. C'est plus facile pour les « dresseurs » d'êtres humains, de vouloir les convaincre que de les forcer à chercher à réfléchir.
Voilà la principale raison de mon silence à ce sujet. Je ne l'aborde qu'avec
parcimonie. Je ne peux même pas ajouter « à bon escient », parce qu'il n'en existe pas de bon. J'évite aussi de dire que je reviens de l'année 3.012. A force de faire l'impasse sur ce sujet, cette sotte idée est devenue un peu floue.Mais depuis quelques temps, je dois avouer que j'y
pense de plus en plus souvent et que mes souvenirs se précisent de plus en plus.Hier soir, pendant ce dîner, réussi grâce aux nourritures diverses apportées par chacun des convives, j'ai commis la bêtise d'évoquer ces souvenirs du futur. Après l'explosion de rires, Nicolas m'a demandé ce qui me faisait croire que ce retour de l'année 3012 vers 1980 était vrai.
Je n'ai pas pu répondre, puisque je n'en sais rien. Pris de pitié pour moi, ils ont essayé de faire le point.
Sortant du placard, le paper-board qui nous sert pour noter les points principaux de nos conférences, Nico a tracé avec un gros feutre, le résultat de nos élucubrations :
UN : Imaginons qu'en naissant, l'enfant possède dans ses cellules cette merveilleuse harmonie universelle qui a présidé à la naissance du Monde. Très vite, à sa naissance, ou même avant, il va pressentir cette bataille que la société primitive a engagée. Elle lui dit : « Sois un gagnant ! ». Et l'éducation va le pervertir dans ce sens. Mais certains bébés, comme moi, refusent d'abandonner la logique et la joie de vivre dans un univers qu'ils désirent rempli d'entente et de paix.
DEUX : Admettons que je ne vienne pas du futur. On peut évoquer alors, l'imagination du poète qui démarre une création pure en s'étayant sur des détails scientifiques. Prenons comme exemple Jules Verne. L'auteur crée, développe. Son imagination est sans limite. Est-ce mon cas ?
TROIS : Parlons plutôt de la bêtise innée de cette pauvre petite fille, Bess qui fut : « Moi ».
Ayant refusé de quitter la logique immédiate de « l'ici et maintenant »,elle n'arrive pas à grandir dans ce monde d'adultes, figé dans un raisonnement unique, uniforme, généraliste. Mais pourquoi ai-je raisonné de cette façon là ? Et maintenant que j'ai grandi, pourquoi suis-je encore en train de penser ainsi ? Et surtout pourquoi pas ?
QUATRE : Evoquons la puissance des rêves. Lorsqu'au petit matin vous vous rappelez vos souvenirs oniriques de la nuit, n'êtes-vous pas tenté de croire les avoir réellement vécus, tout ou partie ? Le tigre qui vous poursuivait dans la pampa en rugissant terriblement, était bien réel sur le moment ? Et maintenant ? Toute mon existence est-elle un songe ? N'ai-je fait que rêver cette vie d'harmonie ineffable et ineffaçable ?
CINQ : Que dire de la transmission de pensée ? Puisque les ondes radios, telluriques,magnétiques, pulsées sont reconnues scientifiquement, ne pourrait-il y avoir quelque part des ondes mises par la pensée ? Je serais peut-être, dans ce cas, en train de capter des émissions, des
représentations existant déjà sur d'autres planètes ? Et soyons fous… Tant qu'à faire, sautonscarrément dans le vide : « Ne pourrions-nous supposer que ces messages viennent d'autres mondes vivants dans le futur? Peut-être même de cette Terre Future de l'an 3012 » ?SIX
: Finalement, admettons que la réincarnation venue de l'avenir, n'existe pas. Je serais donc, en train de m'inventer des souvenirs, à partir d'autres matériaux basés sur d'autres notions ? Je suis prête à être d'accord sur tout et à vrai dire, je m'en moque. Si je prends soin de moi, et de moi d'abord… seul mon équilibre présent importe. Alors, si tant est que la vérité puisse exister, peu importe que ce soit vrai ou faux. N'est pas vrai ce qui est vrai, est vrai ce que l'on croit.Je me fierais plutôt, plus volontiers, à la sagesse innée du nouveau né « immature, comme au moment de sa conception ». Sa sensation de n'être « rien », avant qu'on lui ai appris à être quelque chose, est si logique.
Mais une fois que son esprit est biaisé, il accepte d'être archivé, classé dans les cases dessinées par la société : « Enfant, adulte, vieux, jeune, male, femelle, notaire, SDF, femme au foyer, gendarme, ainsi de suite.
Avançons donc ensemble, cette hypothèse :
Le monde serait parti d'un seul atome, qui s'est
développé selon une stabilité exponentielle.Pourquoi l'enfant n'aurait
-il pas dans ses cellules, la connaissance de cet équilibre ?S'il refuse de quitter cet axiome de la perception harmonieuse de son existence, il va reconnaître qu'il est d'abord, (d
ans son désir de bien-être), très important à lui-même. Il continuera, « instant après instant », à rechercher cet état.Alors, de là peuvent naître des Mondes Logiques harmonieusement équilibrés. Un avenir inventé se réalise toujours. Dit-on ?
Pourquoi pas ? Depuis mon enfance j'attends que l'on m'en parle.
Hier soir, Nicolas et Jean voulaient partir tôt. Mais après que j'ai expliqué sur quoi s'appuyait l'idée d'une ville à part et comment les gens y vivaient, ils se sont incrustés. Les esprits se sont échauffés lorsque je leur ai dit que logiquement, on est obligé d'arriver à un isolement total lorsque l'on répond honnêtement à la question : « Veut-on asservir le vivant ? »
L'année dernière j'ai écrit un poème là dessus, une sorte de Slam déchiré, intitulé : « Stop ». Je ne résiste pas au plaisir de le retranscrire ici, sur mon Blog :
STOP…
Il faut cesser de manger n'importe quoi sous prétexte qu'on le doit. Toutes ces choses qui bougent, nous regardent, que l'on a envie de serrer contre soi, dans ses bras. Même l'autruche qui saute en tournant son long cou pour voir si on l'appelle pour lui donner du grain… le cheval qui court du fond de son pré en attendant qu'on lui tende une feuille de trèfle, cueillie près du fil de fer barbelé. Ils ont un élan de connaissance, de reconnaissance, de connivence, de constance, de patience amusée.
Il faut cesser d'avaler sans savoir pourquoi ni quoi, de tenir les plumes de la poule affolée qui se débat dans le poing crispé, de fermer les yeux sur le délicieux de la chair du veau qui fond sur le palais et même de prendre ces choses vivantes que sont les fleurs de tournesol pour les croquer dans la salade, de les traiter comme des objets soumis à notre bon plaisir personnel, de les asservir, les utiliser, les pressurer.
Ou alors pourquoi ne pas manger de l'homme bien cuit dans sa peau croustillante, un enfant plutôt tendre et savoureux élevé en batterie, pas trop jeune pour que son goût ne soit pas celui d'une viande blanche trop fade… le
foie gras d'une fillette que l'on gave pour Noël, le sang noir de la femme bonne pour la boucherie, que l'on saigne au bras sans l'endormir, en regardant l'hémoglobine gicler dans la poêle dont on se servira pour faire le boudin.
Pourquoi, si l'on doit manger n'importe quoi, ne pas chanter aussi n'importe quoi ? Aux armes citoyens, tuons les étrangers, qu'un sang impur abreuve nos champs Elysée ? Et puisque l'on doit manger n'importe quoi, croquons l'oisillon cru dans son nid de papillotes, le veau pascal et tous ces boeufs qui ne savent pas qu'on les mène à l'abattoir, mais qui s'en doutent.
Il faudrait pouvoir s'en passer et renoncer à gober l'huître qui se crispe sous le citron, à déguster les minces filets saignants du cheval et roses du saumon, à croquer même les graines du soja, le blé forcé dans sa croissance, les fruits brûlés de pesticides, les pommes au duvet mouillé d'aérosols ?
Oui, il faudrait trouver une subsistance autre que ces nourritures frères, mais quoi ?
Que pourrions-nous faire pour manger une crème d'asperge sans asperge, une blanquette de veau sans veau, qui seraient minérales ou même chimiques et que le cordon bleu reproduirait telles que comme telles. Alors le jus serait le même, goûteux et on cesserait de manger n'importe quoi sous prétexte qu'on le doit. Car ce serait cruel de continuer à dévorer la viande fraîche…
homme…animal…éléphant ou poisson…l'herbe frissonnant dans le vent…les grappes de raisin montant vers les étoiles.
Nous serions dégagés de ces querelles de chasseurs, de la triste vue des palombes tombant vers le sol de pierres, des « olés » de l'arène poursuivant le
taureau, comme un chrétien de la Rome d'alors. Et encore, pour ne plus asservir le vivant, nous aurions le gène de la photosynthèse qui nous nourrirait de lumière comme les plantes. On pourrait cesser d'être cannibale. Mais avant de le faire, il faut cesser de penser comme tel….
Voilà ce que j'ai lu à mes quatre invités. J'ai insisté, leur expliquant que, depuis des millénaires, depuis le début des temps en fait… on traite l'être vivant, homme, femme, enfant, animal, plante, comme un objet.
Si nous continuons à répondre « Oui » à cette volonté d'asservir la vie, quelle qu'elle soit, alors nous poursuivrons nos lamentables trafics d'organes, d'esclaves, de prostitués, d'enfants. Nous forcerons les faibles à travailler pour rien. Les dominants continueront à exploiter ce vivant, considéré comme monnayable…
Nous exploiterons la nature, élevant des veaux pour les manger, des vaches pour leur lait, des abeilles pour le miel, cultivant, les céréales, le blé, les fruits, les légumes. Toutes ces choses qui ont été fabriquées de façon si incompréhensible.
Mais finalement, ma théorie d'une Ville Bulle habitée par des clones, n'est pas plus difficile à avaler. Plutôt moins, n'est-ce pas ?
Un grand silence s'est installé. Personne n'osait répondre à ma question.
-- Alors, nous ne pourrons plus rien avaler de vivant, m'a finalement demandé Nico ?
-- Récemment ai-je timidement avancé, on a donné à un rat, le gène de la photosynthèse Voilà ce que deviendra la nourriture des hommes du futur Ils se nourriront de lumière comme les plantes. C'est possible…
De plus, pour que cette nouvelle alimentation soit parfaite pour eux, il faudra les modifier génétiquement en supprimant les tares gênantes, maladies génétiques et autres vrais handicaps. On va donc être obligé de cloner les cellules souches d'individus choisis pour leur qualités positives, ou ce que l'on en croit.
Je leur ai donné l'exemple d'un clone de Petrucciani, ce célèbre pianiste nain des années 1990. Le musicien, atteint de la maladie des os de verre, vivait dans un fauteuil roulant. Son clone, nain lui aussi, né en 3000, n'était pas paralysé, car on lui avait ôté la tare de cette grave maladie génétique. Frank s'est écrié :
-- Mais pourquoi l'a-t-on laissé nain ?
-- Pourquoi pas ? Ai-je répondu.
-- C'est gênant.
-- En quoi ? Il n'y a pas de courses de vitesse olympique la-bas.
-- Mais c'est laid. Moi, je n'aimerai pas !
-- Pour qui est-ce laid
? En 3000, on se fout de l'apparence, de l'élégance, de la vieillesse. Il n'y a pas non plus, de concours de beauté.Les clones sont choisis sur les trois millions de cellules diversifiées, prélevées en 2010.
On a voulu avoir un panel le plus large possible, un échantillonnage de races, métissages de particularités, toutes ces choses considérées qualités et défauts à notre triste époque actuelle.
Dans le Futur, seules les tares handicapantes sont génétiquement modifiées. On ne ch
erche pas à créer l'être supérieur en couleur, taille, exploit sportif, ou cérébral.C'est la différence qui fait la richesse, pas la recherche du parfait. Ou alorson tombe dans l'eugénisme. Personne n'était d'accord avec moi. J'avais beau leurdire que c'était magnifique là-bas, ils avaient l'air consterné. Mais je sens qu'ils vont réfléchir. Heureusement !
Sans quoi, tout est fichu. Enfin, c'est fichu tout au moins pour moi.
Ils sont partis en discutant. Une fois la porte refermée, je les entendais encore rire et se répondent de l'autre côté de la rue. Maintenant que je suis seule, j'ai envie de me pencher sur cette histoire du sixième anniversaire de la petite Bess, cette fillette que je regarde avec du recul, comme si elle ne faisait pas partie de moi.
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