L\\\'Enfant qui venait du futur

Lisbeth. Dimanche. 13 Mai 2012. Mise au point.

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Lisbeth. Dimanche. 13 Mai 2012.  Mise au point.

 

 

          Mon histoire est l’histoire réelle, presque autobiographique, d’une petite fille désemparée. Ma façon de gérer mon existence, au milieu de mon environnement compact n’est pas orthodoxe. Je traite mes informations au coup par coup comme le ferait un ordinateur.

 

          Personne ne comprend ce que je raconte. Alors, je décortique, point par point cette nouvelle réflexion.  Partant du moment de ma naissance, j’essaie, malgré tout, d’expliquer comment j’en sui arrivée là.

 

          Cela semble compliqué pour tout mon entourage, sauf pour moi qui ait la sensation de débarquer  d’un monde du futur sur une planète archaïque, habitée par des individus arriérés, aussi cruels, sauvages et obtus que ceux des premiers âges. Ils auraient réussi, par miracle, à obtenir un fantastique cerveau. Mais, ils n’ont pas la manière de s’en servir. Depuis les «  Australopithèques »,  leur recherche dans la compréhension de leur manière de raisonner n’a pas avancé d’un iota. Ils refusent toujours de remplacer la morale par la logique de l’instant.

 

          Ainsi la petite Bess, élevée par une famille normale, dans une vieille Bastide pleine d’enfants, de soleil, et d’affection, se sent parfois un monstre rejeté de tous, sauf peut-être de sa GRANIE. Elle ne trouve  alors de réconfort que dans les collines arides du Faron, courant avec les gamins du voisinage, à la poursuite de son existence à jamais enfantine, dans les garrigues infinies de la liberté. J’ai envie de pleurer en repensant au chagrin de cette petite fille qui fut moi

 

          Je me souviens qu’en sortant la tête du ventre de ma mère, j’ai vu un œil froid qui me considérait sans amour, comme un objet, d’une façon clinique. Cela ne m’a pas plu. C’était le regard glacial de la sage-femme. Elle faisait pourtant son travail très proprement, professionnellement, sans plus. Elle ne pensait pas me devoir davantage. Je l’ai donc tout de suite détestée, elle, les siens et tous ceux qui allaient par la suite me traiter de chose pétrissable. Elle n’avait pas le droit de me faire ça.

 

          Immédiatement, je me suis mise en position de combat. Il fallait surtout que je prenne la situation en main. Dès la première seconde je fis en sorte que le contrôle ne puisse plus m’échapper. Et heureusement, le contrôle m’échappa. Je dis « heureusement », car cette perpétuelle lutte engagée à la poursuite de mon autonomie me força, seconde après seconde, à gérer mon environnement. Et c’est comme ça que je découvris ma puissance vitale en même temps que cette faiblesse immense, inhérente à mon statut d’être humain, déficience développée et entretenue sans cesse par l’ignorance de mes éducateurs.

 

          Nous avons pourtant, nous, les êtres dits « supérieurs », la chance unique de posséder un fantastique cerveau qui enregistre toutes les informations au fur et à mesure de leur arrivée Mais personne ne nous enseigne comment les retrouver dans l’immensité de la bibliothèque. Je l’ai déjà dit et je n’en finis pas de le répéter. Nous avons la machine, mais nous ne connaissons pas la manière de nous en servir. Nous ne gardons sous la main, en « mémoire », qu’un noyau de la taille d’un petit pois, qui, plus ou moins bien entretenu selon les personnes, flotte sur le magma glauque et obscur des milliers de milliers de données arrivant à tout moment. Je me suis très vite rendue compte de la gravité du problème.

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          Une fois de plus, je ne réussissais pas à replacer les affirmations dans leurs contexte cartésien.   Pardon  Descartes de te traiter si bas en restreignant ta véritable pensée, trop vite occultée par tes admirateurs qui ont voulu la cantonner dans le concret. Finalement, lorsqu’on emploie la morale, on ne peut pas du tout raisonner « Logiquement ».

 

          Il faut se faire à l’idée de ce forcing « DUAL ». Les deux genres sont antinomiques parce que placés dans deux mondes différents qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Depuis le début des  temps, l’homme a obligé sa pensée à adapter sur un même système, deux formes contraires sans en voir les hiatus.

 

          Je n’avais pas cette faculté d’adaptation qui privait le cerveau de l’ouverture dans l’infini, par le rejet des compléments du dualisme.

                                                                                                                                                                                                                                                                              

          Il me fallut donc dans les années suivantes comprendre, d’une part le fonctionnement d’un cerveau basé sur « la dualité et le principe d’unité », apanage acquis par toutes nos générations précédentes. D’autre part, je dus visualiser à tout moment le mélange explosif et incompatible de cette Logique générale, gérée par cette Morale, que mes compatriotes planétaires chevauchaient joyeusement en aveugle.

 

          Et par-dessus le marché, je fus obligée en même temps, de décrire en trois « D », ma propre réflexion si complexe, face à la morale arbitraire et fluctuante générale. Le bilan fut drastique. Au départ et dans l’ordre chronologique, je me trouvais vite devant les propositions suivantes :

 

          --  Premièrement, l’individu en naissant ne sait pas sortir une qualité de son contexte. Il ne connaît pas l’abstraction. Il ne voit que le concret de l’instant présent. Pour lui une pomme est une pomme. Bonne s’il a faim, mauvaise si trop verte. Le concept de « pomme en général », n’existe pas pour lui.

 

          Son cerveau se sert donc, au départ, d’un processus unidimensionnel reposant sur une seule notion : « A égale A ». Tout le reste, le bien, le mal, le beau, le laid, le vrai, le faux, le juste et l’injuste, se mélangeant au gré de la situation en activité, n’existe pas vraiment.

 

          Ce ne sont, pour lui, que des « idées » traduites en sentiments et en sensations. Celles-ci sont traitées en « Informations » crées pour et par l’instant.

 

          L’homme au début des temps, en raisonnant ainsi, agissait aussi de cette façon, pensée et action confondues. Les primitifs, les enfants ainsi que les personnes non ou peu socialisées, ne  connaissent pas le dualisme. De plus, ils ne font pas « vraiment » la différence entre concret et abstrait.

                                                                                                                                                                                                                                                                        

          Moi-même, encore à l’heure actuelle, je suis souvent obligée de réfléchir pour départager une pensée générale éloignée de la réalité vécue. J’ai du mal à découvrir dans quels domaines les choses se placent.  La décision, j’en suis consciente, est toujours arbitraire, voulue, créée par moi en information aléatoire.

 

          Dans cet univers de l’instant je ne saisis encore PAS, même actuellement la différence entre  l’imagination et la réalité. Je ne fais souvent le tri, que contrainte et forcée. Les deux ne sont pour moi que des informations que je classe dans l’une ou l’autre catégorie, pour les besoins de la cause en action.

 

          C’est de plus une question de survie vis-à-vis de mon environnement. Je suis bien obligée de comprendre de quoi parlent toutes ces personnes qui se considèrent dans un monde linéaire, continu et dual. Chacune ignore la logique du moment, qui ne sera pas la même à la seconde suivante, pour privilégier une morale inadaptée à la situation en cours. C’est évident puisqu’elle ne tient compte alors, que d’une généralité hors individu.

 

          Or, ces mêmes personnes, enfermées dans cette vision ancestrale, sont vis-à-vis de moi dans le même dilemme. Car, il est tout aussi difficile, pour l’adulte habitué à abstraire, de se mettre  tout à coup à raisonner dans un domaine qui ne connaîtrait pas cette faculté, que pour l’enfant de comprendre un adulte évoluant dans ces sphères imaginaires.

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          Pourtant, les petits de l’homme y arrivent, pour la bonne raison qu’on ne leur laisse pas vraiment le choix. Les éducateurs les forment jour après jour. Ils leur apprennent de force l’abstraction du dualisme et de ses applications morales, au moment même où les neurones vierges sont encore adaptables.

 

          Pourquoi moi, n’ai-je pas ou très peu, subi cette terrible influence ? Pourquoi suis-je partie de toutes ces abstractions imposées vers les abstractions illimitées ? Tout simplement, grâce à une obstination doublée de bêtise. Je m’étais bloquée, dès la naissance, sur ma propre existence vitale, réflexive et sensitive. Rien d’autre. Tout le reste n’existait pas pour moi de façon viscérale. Il n’existait donc pas du tout.

 

          Je créais mon information de l’instant, au coup par coup. Alors, ma cervelle de bébé têtu, faillit sombrer et disparaître à jamais, dans le no man’s land d’une errance perdue. Car mon univers essentiellement « INSTANTIEL », géré par une « LOGIQUE » totale englobant toutes les petites logiques successives, échappait au monde terriblement manichéen d’une doctrine continue qui ne se remettra jamais en question.

 

          Les deux planètes n’ont rien de commun. Elles n’envisagent même pas la moindre petite opposition qui puisse proposer un point de départ contraire capable, par exemple, de créer miraculeusement, une discussion constructive. Il n’est pas possible d’analyser l’un de ces univers avec le langage de l’autre.

 

          Il faut faire le saut, oublier alors le premier lorsque l’on entre dans le deuxième. Leurs systèmes deraisonnement ne sont pas contraires mais différents. Le « Monde Manichéen des Dualités Infinies », que j’ai appelé « MID »,  ne peut pas faire thèse, antithèse, synthèse de cet Univers de « Logique Universelle,  Rigoureuse et Subjective », surnommé  « LURES ». Car la Logique Universelle regroupant toutes les petites logiques fluctuantes de ce dernier, crée avec une Rigueur absolue un présent dans lequel la notion  même d’ « ANTI »  n’est représentée que pour être composée avec sa négation.

 

          Dans mon Cosmos je me parle toute seule, face à moi-même. Dans ce cas, je n’ai pas de problème.  Les routes s’entrecroisent dans l’espace. Je vois la dichotomie des deux grands « Systèmes ». Je sais qu’ils ne peuvent pas se rencontrer. Même un génie de la réflexion n’y arriverait pas. Il dirait que je me refuse à accepter une autre idée que la mienne.

 

          Voilà le nœud de l’histoire. J’ai beau essayer d’expliquer que lorsque deux ensembles « A »  et « B »  sont incompatibles, on ne peut pénétrer dans l’un, qu’en abandonnant toute notion de l’autre et vice-versa. On me répond que c’est parce que je ferme la porte de mon cerveau, en empêchant les gens d’entrer chez moi.

 

          Ils refusent de m’écouter, surtout lorsque je leur dis que si on survole les deux « A et B », on peut en créer un troisième « C », qui peut être « A plus B », ou « ni A ni « B ».

 

          Mes copains et mes parents, me repoussaient. Ils m’aimaient pourtant. Mais tout cela n’a rien à voir avec l’affection. Lorsque je sus écrire, je me mis à griffonner des mots de désespoir dans les marges de mes cahiers. Je décrivais toutes les situations inconfortables, ces petits riens qui vous agacent et vous entraînent plus loin dans l’horreur de l’interrogation. Je criais : Non, non, non.

 

          C’est à partir de détails que l’on voit mieux le monde incontrôlable. J’avais envie de hurler. J’écrivais des bouts de phrases incohérentes que je retrouve sans cesse dans mes papier, avec ces mots déchirants qui protestaient, qui répétaient non, à tous ces adultes englués dans leur glaise. Non ! Non ! 

 

          Non, pas ça. Pas de dessin ocré sur des papiers graisseux, pas de couleuvre chauve, pas d’épingle, pas de pop-corn sec dans les soutiens gorge, pas de cadre verdi…. Pas de lèvre sèche sur les fronts moites que l’on tend, lassé, au baiser vespéral, pas de sieste appliquée de soleils en gerbe,  pas de fleur ni de couronne, pas de crèche sur les murs pour enfants attardés, plus de chant de sirènes mortes. Plus de pop-corn grillé dans ces soutiens gorge que les femmes tendent de noir lustré, lourds du poids des péchés inventés aux formes torturées de maïs éclaté.

 

          La femme de mon banquier est morte. Elle a vécu  encore  dix  ans  dans  d’horribles souffrances et puis elle est morte en silence sous l’auréole d’argent de ses cheveux collés.

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          Non, pas ça ! Pas de femmes inconnues et laides qui portent en cadence les corbeilles tressées que les vanniers fabriquent lentement en silence sous les arches des ponts fêlés. Pas de souliers dépareillés dont on ne sait plus qui des deux fait la paire, et que l’on imagine sans fin,  errant dans des dessous de lit, frères jumeaux de poubelles en fonte.

                                                                                                                                                              

          Pas de crêpe dans les beignets. Plus de sanglots profonds de violons et de tziganes à la paupière lourde qui vous disent dans le creux de la main,  les mots d’amour interposés, que le fil de la lampe huilée  n’a pas pu recréer….  Les fleurs se sont écloses dans les coquilles d’œuf au duvet de poussin et elles se sont fanées lentement en silence dans le reflet du soleil séché. Pas de bruit. Pas de lueur d’étoiles, pas de nuit, pas de pierre découpée en forme de cascades.

 

          Mais des heures perdues sur des chevaux sauvages, des arches, des lyres dans le recul du temps, des épingles dorées qu’on jette dans le soleil par-dessus le faîte du toit vers les nuages, mais les bleus et les verts des étés en herbe, la course sous l’orage contre le mur droit du ciel qui se déchire en deux gris sur le bord de l’éclair… Et enfin les maisons qui s’ouvrent vers la mer, laissant tomber les murs pour marcher sur le sable, vers l’eau, vers les vagues, vers le bleu du lointain, immigrantes et sûres, comme le troupeau, fatigué, noir et sale qui se jette dans le torrent. 

 

          Pourtant, je croyais en la vie, en l’avenir. Après tout en ce temps là, je n’avais toujours que trois ans, comme maintenant. Ces réflexions étaient encore bien loin de ma pensée. Je voyais, confusément le vide immense qui m’entourait. Je faisais des signes désespérés à ces autres étoiles qui s’agitaient dans l’espace. Et j’avais beau hurler, elles ne me voyaient pas.

 

          Je me souviens de mes premières constatations.  Cherchant à comprendre le fiasco de mes approches,  je me mis à analyser les comportements de mon mystérieux entourage social, scolaire, amical, familial. Comme un oiseau à l’affût, je repérais les moindres mouvements.

 

A force de regarder agir les adultes, je me rendis vite compte que j’étais totalement dépourvue de cette assurance péremptoire, placée autant dans leurs attitudes que dans leurs propos. Moi, je me débattais pour me faire entendre. Eux, ils n’en avaient pas besoin.

 

          Je me voyais minuscule, fragile, hachurée. Ils paraissaient solides comme des géants de granit. Sans même ouvrir la bouche, ils s’imposaient. Je les caractérisais d’un seul  terme : « SOLIDITE ». Je les trouvais compacts comme un plat de lentilles trop cuites. Je reçois l’image. Les graines brunes sont amalgamées dans mon assiette. A table, placées tout autour de ma chaise, les individus ressemblaient à ma pâtée. Bizarrement, la sensation que j’avais de moi-même était très différente de leur apparence. Mon enveloppe charnelle me semblait faite de morceaux épars. Puis un jour, j’aperçus une faille dans la consistance de ces géants.

 

          Par exemple, de temps en temps, ma mère, ou l’institutrice de la maternelle, ou même mon père, mon oncle, ou toute autre idole impressionnante, craquait. C’était imperceptible et incroyable ! Tout à coup, une hésitation dans le regard,  un geste flou, un énervement momentané soulignaient la cassure. Et parfois dans la colère de l’impuissance, l’émotion, les pleurs, les cris explosaient presque sans raison.

 

          Cette inquiétude perpétuelle que je traînais depuis ma naissance, ne me permettait, en aucune façon de me faire comprendre et d’avancer dans mon travail de façon simple. J’aurai voulu faire comprendre à mes interlocuteurs le fonctionnement de leur cerveau. Je continuais à prendre des notes de plus en plus précises. Alors que je n’avais pas encore atteint mes seize ans, l’âge de ma puberté tardive, les choses se mirent, tout de même, un petit peu en place.

 

          Je composais un roman parlant d’un individu « INSTANTIEL » mouvant et changeant à tout moment. Il venait de mes premières surprises d’enfant sur la découverte de l’apparence à la fois rigide et instable des adultes. Parler du traitement de l’information par le cerveau, se faisant au coup par coup découlait de cette constatation. Créer un Test de l’instant, montrant le caractère de l’individu, minute par minute, avait été évident. La mise en place des Tests suivants : l’individu face à l’Univers et à sa situation s’était alors imposée.



13/05/2012
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