Lisbeth. 2 Janvier 2010. 9 heures du matin.
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Lisbeth. 2 Janvier 2010. 9 heures du matin.
Je sais. Je me suis fait faux bond, à moi-même. Depuis le 9 Septembre, jen'ai rien fait. Mon blog en est resté au même point. L'arrivée de Fred me redonne du courage. Surtout depuis que je le vois s'acharner à me lire, ligne par ligne. Je reconnais bien là, sa terrible opiniâtreté. Pendant qu'il chemine dans le récit de ce que j'ai vécu depuis que je suis à Paris, je reviens à mon bureau pour continuer à travailler sur Internet. Ainsi, il pourra voir la suite… cette suite que je n'ai pas encore écrite et que je veux compléter.
Chaque fois que je relis l'histoire de la petite Bess, cela me fait souffrir. Cette envie de fuir dans les collines de mon enfance me taraude toujours.
Face à l'équilibre du jeune Thomas dans sa Ville Bulle de 3012, son désespoir ressemble à la quête d'un juif errant, cherchant sa patrie. Ce qui me surprend surtout, c'est cette solitude vécue dans ma vie de fillette. Comment se fait-il, qu'à part deux ou trois amis, qui par affection cherchent à partager sa vision, elle n'a pu rencontrer, une seule personne, dans ce monde des années 2000, prête à faire avec elle, l'étude d'un système de pensée non conventionnelle.
L'histoire s'est répétée jusqu'à aujourd'hui. Est-ce que l'envie de mes copains actuels, de vouloir écrire un bouquin sur « l'Enfant du Futur », va me sortir de mon isolement ? A la limite, je ne songe même pas à moi, en tant que personne… Je cherche seulement, quelqu'un prêt à faire le saut dans l'inconnu d'un raisonnement autre que celui d'un dualisme absolu. Juste pour le « fun »…
Pour jouer quoi…
L'enfant de trois ans que je suis « toujours » veut « toujours » s'amuser. Alors j'invente n'importe quoi. Mon imagination est débridée. Petite je disais : Viens, on va s'amuser. Je serais le chat, tu serais le facteur, Arthur ferait semblant d'être mort pour voler au-dessus de nos têtes, en nous crachant de la gentillesse avec sa flûte.
Je ne connaissais pas la violence quand j'étais petite. Ni la haine.
Lorsque je criais, c'était de désespoir, de douleur… lorsque les autres voulaient m'imposer des rôles absurdes, ou pires… me traiter en quantité négligeable, en objet…
Je me roulais par terre. Jusqu'à dix ans, je me suis donnée en spectacle. Pour calmer ma folie, je réclamais l'aide de la tendresse et non pas tous ces ordres grinçants. Mais un jour, ma grand-mère m'a imitée parfaitement. Le fait de voir une grande personne hurler, sur le sol, en agitant les bras et les jambes dans un grand désordre, m'a laissée sans voix. Avec honte, j'ai alors abandonné la grandiloquence.
Mais j'ai continué à protester. Je croyais qu'enfin on allait comprendre ce que je racontais... A l'âge de quinze ans, j'ai su que c'était sans espoir. Toutes mes explications sensées, tous mes gestes insensés étaient inutiles. Je suis entrée dans un désespoir glacé et muet. Pourtant ma route était jalonnée de rencontres merveilleuses que je provoquais avec toute la force de mon angoisse. Seuls mon optimisme et ma joie de vivre restaient intacts. Et puis comme disait le Roi du Danemark : « Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».
De temps en temps, je croyais toucher au but. Pendant une période de deux, trois mois, pouvant aller jusqu'à trois ans, mes interlocuteurs de hasard me parlaient, me répondaient… On discutait ferme. Cela n'a jamais duré.
Lorsqu'ils pensaient avoir tout compris de mes trouvailles, ils s'en allaient.
Ils étaient devenus tout à coup horrifiés… ou alors étant satisfaits, ils n'avaient plus besoin de mes inventions. La plupart du temps, cela ne va pas bien loin.
Dès les premières phrases insolites, non conventionnelles, les réactions sont la plupart du temps, hostiles, voire violentes… Du style : « Brûlez la comme sorcière ».
A la parution de mon premier bouquin sur l' « Infiniment Logique », mon éditeur reçut des lettres de menaces. J'y parlais des notions de « ni bien, ni mal ».
Mais même les athées défendent le bien et le mal, au nom de la morale laïque.
Souvent les gens regrettent de m'avoir rencontrée. Ils voudraient supprimer l'idée même que je puisse avoir existé.
Un soir de l'année dernière, une de mes amies m'avait invitée à dîner chez elle, avec tout un aréopage de personnalités intellectuelles de haut vol. Placée entre deux messieurs bardés de diplômes, je bavardais innocemment de choses et d'autres. La conversation était sympathique.
Sans que je me rende compte du dérapage, je me retrouvais en train de parler de mon sujet préféré : la discontinuité de l'instant. Je débitais mon axiome de base : L'individu « crée » à chaque instant, sa propre projection, dans un univers « créé » par cette projection. Et en rétroaction commune, cet univers le crée.
Naturellement, la logique veut la destruction, à chaque instant, de la création de cet instant, puisque pour pouvoir créer l'instant suivant, il faut que l'individu détruise le présent.
Le lendemain matin, mon amie Martine me réveilla par un coup de téléphone flatteur pour me féliciter de mes exploits de la veille. Elle m'expliqua qu'elle avait organisé ce dîner, exprès pour moi, pour que je puisse parler de mes idées sur les raisonnements non dualistes. Elle en avait dit deux mots aux personnages en question. Les éminents professeurs avaient alors demandé à me rencontrer… pour me tester à mon insu, en quelques sortes.
J'étais ahurie, un peu flattée, mais surtout inquiète. Je réclamais le verdict.
-- Ton voisin de gauche a dit, après ton départ, que tes propos utopiques, sans intérêt, ne tenaient pas la route. Celui de droite en allant plus loin, a été formel :
-- D'abord j'ai cru qu'elle était folle. Et après j'ai regretté qu'elle ne le soit pas.
Ce n'était pas vraiment un compliment. Cela me confirmait que je ne pourrais jamais convaincre la moindre personne. Et heureusement. Car ce que je raconte est « dangereux » pour quiconque n'y est pas préparé.
Je me souviens d'un incident qui m'a fait très peur. Un matin, je m'étais laissée allé à parler pendant une heure, avec ma mère, de ce qui me tenait à cœur.
C'était sympa. Mais vers seize heures, alors que d'habitude, elle partait au Club de la ville, pour y faire un bridge, au lieu de se préparer, elle s'installa sur une chaise longue et ferma les yeux.
Je lui demandais pourquoi elle manquait son rendez-vous, avec ses partenaires habituels préférés. Elle me répondit que je l'avais convaincue. Sa vie était nulle comparée à ce que je proposais de futuriste. Tout à coup j'ai eu peur terriblement. Alors je l'ai grondée.
-- Mais maman, tu adores bridger. Ton équipe est championne de France. Ton équipe t'attend. Ce qui est important, c'est que tu fasses attention à toi, pour être en pleine forme. Or, ton devoir est de faire ce qui te rend heureuse. Sans quoi, cela ne vaut pas la peine que tu vives. Et moi, j'ai besoin de ta joie pour être bien dans ma peau.
Elle a prit son manteau et elle est partie en courant pour rattraper son retard.
Mais j'avais eu très peur. J'étais terrorisée. Après, j'ai fait attention. Avec mes neveux, mes copains, je taisais mes préoccupations. Seuls Fred, Antoine, et Chabi s'en amusaient. Ils prenaient mes propos comme une façon de jouer et de se moquer des adultes que j'énervais.
En arrivant à Paris j'ai encore fait une dernière bévue. Dans mon boulot de promotion, je me trouvais diriger trois stagiaires. L'une d'elle, Claudie était en train de préparer sa thèse en philosophie. Elle était la plus jeune agrégée de l'année. Tout de suite, elle flaira une façon de traiter une nouvelle idée.
Pendant trois mois, elle devint éblouissante. Partout, dans le boulot, avec ses amis, elle proposait quelque chose d'inédit et avait un succès fou. Elle expliquait aux gens qu'il fallait être maître de sa destinée. Ne s'en remettre à personne pour diriger sa vie. Et surtout dire aux enfants : « Ne croyez pas les adultes, ne les écoutez pas. Osez aller dans l'inconnu. Refusez la routine ».
Un jour, elle demanda à me parler. Tout de go, elle m'avoua : « Maintenant que tu m'as tout expliqué, qu'est-ce que je vais devenir ? Dis-moi ce que je dois faire à présent ».
J'ai repris mon raisonnement, laborieusement. Mais elle se sentait perdue.
-- J'ai effacé « tout » ce à quoi je croyais jusqu'à présent. Que dois-je mettre à la place ?
Je n'ai pu que répéter ce que je venais de lui dire. C'était à ELLE de décider de son présent, de le créer à chaque instant, au mieux, dans la joie. Mais cela ne la rassurait pas. A l'inverse de ma mère, elle n'a pas eu le ressort de prendre sa vie à bras le corps, sans réfléchir et surtout sans chercher à faire bien et mieux…
Elle est partie. Je n'ai plus eu de ses nouvelles, que par personne interposée.
Ce n'était pas bon. Claudie n'allait pas bien. Et je n'ai plus eu, par la suite, d'information rassurante.
Il faut donc que je fasse très attention. Ma parole est très dangereuse dès l'instant où elle n'est pas entendue comme on l'entend dans les années de la Ville Bulle. Voilà pourquoi je me fais du souci pour les gens qui liraient ce Blog.
Et ma plus grande crainte… c'est que Thomas tombe dessus sans que j'ai pu le lui expliquer…
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