L\\\'Enfant qui venait du futur

Déc 2008, 11 h du matin. Petite Bess

BESS.  20 Décembre 2008.                                                                                                                                                 

Le soleil tape droit sur les oliviers. On se croirait en été. Bess a trois ans aujourd'hui. Maman, profitant de cet anniversaire a amené la petite fille sur la terrasse. De là, on voit la ville, la rade et en tout petit, les bateaux dans le vieux port.

 

            .--  Maintenant que tu es une grande fille, j'ai à te parler sérieusement. Tu ne dois plus faire ces horribles colères.

 

            Bess est surprise. Pourquoi à trois ans et pas à deux et demi ou à quatre ? Et puis grande par rapport à quoi ? Mais elle sent que ce n'est pas le moment de poser la question. Elle sent surtout    qu'elle n'aura pas aujourd'hui, ni peut-être jamais, la réponse à une pareille interrogation.

 

            .--  Et surtout, reprend la jeune et jolie maman, il faut cesser de mentir. C'est très mal. L'enfant est moyennement convaincue.

 

            .--  Qui l'a dit ?

            .--  C'est moi, répond la jeune femme, essayant de contrôler son énervement.

            .--  Alors moi, je dis le contraire. La réponse imparable est vite renvoyée.

            .--  Oui. Mais moi je suis ta mère, dit maman sûre de son fait.

.--  Et moi, je suis ta fille.

.--  En plus, je suis une adulte. Les adultes ont toujours raison.

 

.--  D'accord, mais moi je suis une enfant ! ! Bess ne voit pas pourquoi le fait d'être une adulte, ôte aux autres l'apanage de la raison. Sa mère, à bout d'argument, porte le coup fatal.

 

.--  C'est Dieu qui l'a dit.

 

.--  Où ?

 

.--  Là, ici, partout.

 

         .--  Comment partout ? Cette fois Bess reste stupidement muette devant une réponse aussi floue. Maman a bien du recevoir les confidences de Dieu à un endroit précis, tout de même ?

 

            .--  Non, ma chérie. Il n'y a pas de lieu spécial pour Dieu. Il n'est pas installé derrière son bureau. Il est en tous lieux.

 

            .--  Ce n'est pas possible ! ! Bess est formelle. Mais elle devine un piège.

 

L'atmosphère de la terrasse en est toute transformée. Il faut qu'elle fasse TRES attention. Comme elle n'a pas le don d'ubiquité elle ne peut imaginer l'omniprésence du vertébré gazeux.     Ne comprenant pas les abstractions, elle ne les aime pas.  N'arrivant déjà pas à saisir la notion    des valeurs hypothétiques du bien et du mal, elle refuse tout en bloc, simplement. Ce que raconte maman est impossible. Point à la ligne. N'en parlons plus. Elle se rassure aussitôt. 

 

.--  Ah, d'accord ! Mais Il ne me l'a pas dit à moi. Tranquillisée elle repousse la culpabilité dans le royaume lointain des fantômes ludique. Sautillant sur un pied, elle

rejette l'argument par dessus son épaule, comme on se débarrasse d'une bestiole gênante.

 

                                                                                                                                                               Alors arrive le père, l'éducateur, l'adulte chef, le détenteur des règles et des lois. Il prend la petite fille sur ses genoux et, avec patience explique le pourquoi des choses. A-t-elle vraiment réfléchi au sujet de Dieu et de sa Grande Puissance ? Non. N'est-ce pas ?

 

            La logique de l'enfant sait reconnaître la vérité. Elle doit reconnaître que, ne se sentant pas vraiment concernée, elle n'y avait pas réfléchi. Elle n'avait jamais vraiment saisi à quel point Dieu pouvait être un Personnage si important. Le moment est donc venu de se pencher sur Sa Réalité.   Les frères, sœurs, cousins, oncles, tantes et lointains ancêtres, venus pour fêter l'anniversaire de la dernière née, se réjouissent du spectacle. Vue l'agitation ambiante, le problème doit être terriblement important. L'enfant se trouve devant un problème aussi obscur que celui de l'Alcoran.

 

Mais maman pleure et elle n'aime pas voir pleurer maman. Alors, elle fait pour la  première fois de sa vie, un terrible effort et sourcils froncés écoute le sermon de papa.

           

.--  Dieu, confirme papa, connaît le Bien et le Mal. Il ne peut se tromper. Il est partout et sa Vérité s'étend à toute la nature. Mentir, par exemple est la cause de tous nos malheurs. Les peines dont nous souffrons viennent de nos fautes qui appartiennent à Satan, père du péché.

 

            Devant une telle nouvelle, la pauvre petite réfléchit. N'ayant pas ce don suprême d'ubiquité, elle a des difficulté de compréhension. Mais elle essaye. Elle ferme les yeux. Elle voit se dessiner derrière ses paupières fermées, des images de guirlandes et de santons.

 

            .--  Alors, on peut dire que le Bien, c'est l'angelot de la crèche de Noël, bouffi, immaculé, aux ailes dorées, qui n'a que des bons points ? Et le Mal ce serait le petit diable noir, avec une queue poilue, des cornes, une pique fourchue et qui ne fait que des bêtises ?

 

            .--  Oui ! Fait la foule extasiée devant ce miracle en direct. La créativité de Bess est débordante. Une fois lancée on ne l'arrête plus. Emportée par son imagination, elle continue.

 

            .--  Et ils tiennent par la main, un Arlequin vêtu de carreaux noirs et blancs. C'est l'Archange « Bien– et –Mal –à –la -fois ». Patatras ! ! Ce n'est pas la bonne réponse. Elle le sent. Elle veut se rattraper. Elle fronce les sourcils et arrive à voir Dieu dans la cuisine. Elle le dit. Elle le fait venir sur la terrasse. Il est là et là bas, à la fois, lui aussi. Elle le crie.

 

            .--  Je le vois. Je vois Dieu à l'intérieur de la maison et en même temps, dans le jardin. Cela veut dire qu'il « Est là et pas là en même temps ». L'erreur est palpable.

 

Les membres   du clan sont consternés. Ils s'éparpillent par petits groupes pour ne pas voir la descente aux Enfers. Papa et maman renoncent, pour l'instant, à enfoncer le clou de la foi dans la conscience de la mécréante. L'anniversaire est gâché, une fois  de plus. Bess s'en rend bien compte.

 

Elle s'engouffre dans le sentier qui mène au bassin, comme on s'enfonce en exil. Elle    devine obscurément que la lutte ne fait que commencer. Elle ne sait pas pourquoi sa jolie maman,   si intelligente, si belle dans ses robes de soie indienne ne comprend rien à la logique basique.

 

.--  Elle est bête maman. Et puis elle a peur. Ils sont trop nombreux pour avoir tord tous ensemble. C'est elle qui est un monstre.

 

                                               Alors elle se met à pleurer. 

ELISABETH.  Samedi 20  Décembre  2008. 11 Heures du matin.                                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      .



24/12/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres