Emilie. Lundi 20/06/2011. Mirco-compact
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Emilie a passé la journée dans le commissariat du quartier. Le policier qui avait reçu sa plainte était affligé d'un rhume pharamineux. Entre deux borborygmes nasillards, il lui fit comprendre qu'elle allait avoir la chance d'être reçue par l'inspecteur Harrow Bullud. C'était lui, le spécialiste des vols d'espionnage industriel.
Son cas n'en faisait pas vraiment partie, mais l'agent voulant visiblement se débarrasser de la corvée, à cause de sa rhinite, faisait semblant de croire qu'un cambriolage portant sur des logiciels informatiques de particuliers, était un cas rentrant pile dans le créneau « Bullud », afin de la renvoyer plus vite.
Mimi avait eu une idée de génie. Pour avoir accès au fichier des suspects, elle poussa Emilie à dire qu'elle avait vu les cambrioleurs. Un surtout, qui fut décrit comme ressemblant vaguement à Tanguy.
L'Harrow qui l'accueillait maussadement était un mec assez prétentieux, comme c'est souvent le cas avec les spécialistes de quelque catégorie que ce soit. Mais lorsqu' après avoir réfuté une vingtaine de photos, elle fit semblant d'hésiter devant un adolescent dont le regard malheureux envahissait tout l'écran, son attitude se transforma.
Il se pencha au dessus d'elle. Son gros visage boudeur s'illumina. Ses traits se déformèrent, lui donnant l'air d'un vampire. Elle s'attendit presque, à lui voir jaillir deux canines aux commissures des lèvres, prêtes à lui sucer la jugulaire.
-- Ah, oui ? C'est lui ?
-- Oui. Peut-être. Il lui ressemble. Mais ils n'ont rien pris d'autre que ce qui se trouvait dans mon central. Je ne me souviens pas bien. En effet. Il était un peu comme ça et comme ça.
Là dessus, elle fut obligée de faire un portrait robot. Il était visible qu'Harrow ne l'avait reçue que parce qu'il n'avait pas pu faire autrement. Elle n'était qu'une toute petite victime sans intérêt. Pendant ce temps là, au travers des lunettes, Mimi pompait tous les programmes des fichiers reliés à l'ordinateur central de la police nationale, abritant ceux d'Interpol.
-- Qui peut vouloir s'en prendre à mes fiches ? Demanda Emilie avec une toute petite voix. J'ai eu si peur cette nuit. L'Inspecteur la regarda avec un brin d'humanité. Elle avait pris soin de mettre par dessus ses joggings habituels, cette petite jupe qui lui donnait l'air d'une écolière. Ses cheveux frisés étaient nattés. On lui aurait donné douze ans.
-- Vous savez, mon petit, ce peut être l'œuvre de n'importe qui. Des voyous du quartier, un cambrioleur de passage qui a vu une fenêtre ouverte…
-- Elle était fermée. Ils ont découpé la vitre, tout en restant, à côté du balcon, en équilibre au dessus du vide du premier étage.
-- Oui. C'est bizarre effectivement. L'idée venait de le frapper. Qui pouvait vouloir s'en prendre aux fichiers d'une simple étudiante, même brillante et en dernière année de master? Vous n'avez rien de précieux dans votre ordinateur ? Ajouta-t-il en désespoir de cause.
-- Non. Ah, si, peut-être un projet d'auto - finances, sur lequel mon père a travaillé l'année dernière et qu'il m'avait donné à taper. Elle donna le vrai nom de son père et celui de sa Société, pour qu'Harrow ait enfin quelque chose à se mettre sous la dent, quelque chose qui n'ait rien à voir avec la Paléosoft. Le tuyau fit merveille.
-- Cela expliquerait tout. Je vois ici, que le groupe de votre père est convoité par le Consortium Génium. Cela n'a rien de bien secret. Les médias en ont parlé. Ils cherchent peut-être à le coincer, le compromettre en quelque sorte, d'une manière ou d'une autre, pour faire pression. Harrow s'était tout à fait réveillé.
-- Mais comment un Groupe seulement pourrait…
-- Vous ne pouvez pas savoir, dit Harrow condescendant. Tout est dans Tout. Et réciproquement Les ramifications sont parfois tentaculaires. Mimi, qui adorait utiliser ce mot, devait se régaler, pensa Emilie. Les concussions, les trafics d'influence, les exactions, les malversations se multiplient. Mais je les AURAI par où ils ont péché.
Les mâchoires d'Harrow se mirent à saillir. Emilie était tombée malencontreusement sur le Robespierre de l'espionnage industriel électronique. Chance ou malchance, elle était en face d'un FOU de Justice, fonçant toutes sirènes dehors dans son fourgon blindé. Un Shérif dualiste, manichéen, à l'Appréhension Continue, croyant obstinément au Bien et au Mal, fermement décidé, son revolver à la hanche et son insigne sur la poitrine, à combattre les méchants. Elle se trouvait en face du N° 121, le pire des quatre vingt seize Personnages de base : Le VRAI Shérif. Bêtement, elle enfonça le clou.
-- Mais l'Etat.. Elle ne put aller plus loin.
-- L’Etat ? Ha, ha, ha ! Tous les mêmes ! Tous infiltrés par la mafia des Trusts, muselets par la soif du cruel pouvoir des impitoyables Multinationales. Le Vengeur se laissait aller devant ce qu'il croyait être une pauvre fillette apeurée.
-- Il existe bien pourtant des Comités Altruistes ? Des Associations de Défense des Individus, des médias intègres, des Ecologistes, les Green Parcs, les Chiens de Protection, les… insistait Emilie.
-- Muselés, éructa Harrow.
-- Ils ne peuvent tout de même pas être tous de mèche?
-- Si.
-- Mais comment?
-- C'est simple. Il y a cinq grandes catégories de Prédateurs, ricana le bonhomme en se lâchant de plus en plus. Il lui fit un dessin et brancha l'ordinateur sur un plan coloré. Emilie y voyait le résumé frappant de ce qui venait d'être dit. Elle aurait pu couper court à l'entretien, puisque son Cerveau-Machine avait déjà visualisé le complexe dans ses moindres détails. Elle n'aurait plus eu qu'à l'étudier dans la cave, tout à loisir.
Pourtant, sentant qu'elle avait la veine d'avoir à portée de main, un individu qui, comme Saint Georges voulait s'attaquer au Dragon, elle resta. La tâche d'Arrow Bullud était plus irréaliste que celle du Saint Guerrier dont la seule tâche était de tuer une petite Tarasque omnivore. Lui, le Nouveau Chevalier, voulait couper les centaines de têtes de cette Hydre : la Bête Immonde portant, dans son flanc, TOUTES les Compromissions du Profit.
Il parlait de Grands Consortiums. Mais on sentait bien que, par ses descriptions, il pensait « DETAILS Planétaires ». Les poules et vaches folles, les blés, les pommes de terre, fraises, carottes, maïs trans – géniques, les trafics d’influence, d’argent s’attaquant aux petits retraités, faisaient la farandole sous son crâne.
Il pensait au sang de nouveau contaminé par le virus, troisième génération spontanée du
Sida sud-américain, à la peste bubonique du pou asiatique se répand inexorablement en Inde, parce que personne ne veut soigner une maladie dont la prise en charge mondiale de l'étude
de leurs cobayes humains n'est pas rentable, aux trafics nucléaires, japonais et mondiaux, à Fukushima, au gaz de schiste cause de tremblements de terre, mais si juteux, aux défenses des opprimés mal définis….
Les succursales de Tchernobyl sont toujours abandonnées à leur fonctionnements précaires. Les trafics d'organes font florès. Tous les crimes, les détournements, les concussions, les arrangements mafieux, tous les « etc »… se bousculaient sous la langue du malheureux. Harrow en avait l'écume à la bouche.
Il lui donna un papier résumant la situation, et marqué confidentiel, mais qui s'entassait sur sa table à des centaines d'exemplaires. Pendant ce temps là, l'écran en état de veille crachait silencieusement des scintillements d'étoiles entre les lignes redoutables. On pouvait y voir devant le terrible organigramme entrecroisé, Harrow grinçant, développant son programme.
-- J'ai classé les groupes dans leurs cinq principales catégories. Les multiples ramifications s'organisent en :
1) FINANCES (Bourse. Echanges. Economie)
2) BIOLOGIE. (Médicaments. Laboratoires de recherche. Nourriture. OGM. Génétique. Ecologie. Diététique)
3) SPATIAL. (Physique. Chimie. Nucléaire. Pétrole. Energie. Transports. Atmosphère. Stratosphère)
4) TELECOMMUNICATIONS. (Communications ondulatoires. Electromagnétiques. Internet. Câble. Satellite)
5) POLITIQUE. (Echanges Mondiaux. Education. Ministères Internationaux. Guerres. Partage des nations)
Et je peux dire que TOUS, ils sont TOUS de mèche ! Criait le policier. Ils se foutent de nous et de la Planète ! Les yeux lui sortaient de nouveau de la tête. Mais le Peuple en aura bientôt marre. Il sait déjà qu'on les prend pour des cons. On les pousse à acheter de plus en plus, alors qu'ils n'ont pas besoin de tous ces gadgets superficiels. Quelle place va bientôt avoir le travail, dans une société consciente de la facticité de la plupart de ses désirs? Comment motiver des individus qui ne voient plus la nécessité de travailler pour les appétits invisibles de la collectivité? Alors qu'ils ne voient même plus la réalité de leurs propres besoins, ni de leurs propres envies?
Ils gueulent parce que leur Entreprise est rachetée par un chinois qui va en virer 80% et se servir de la marque pour inscrire « Made in France » sur leurs emballages. Pendant ce temps là, les heureux non licenciés vont acheter les produits « Made in China », moins chers et en se tirant une balle dans le pied, scieront la branche sur laquelle ils étaient perchés.
En quittant le commissariat, Emilie sentait que son mal de crâne empirait. Elle gémit silencieusement, en cherchant des cachets d'aspirine dans sa poche.
-- J'ai cet avantage sur toi, dit sa Super-machine. Ma boite métallique ne me fait jamais souffrir.
-- Tu mériterais que je te greffe une difficulté douloureuse à chaque disfonctionnement de logiciel. Dieu sait s'il y en a ! Ne serait-ce que ceux causés par les bugs ingérables. Dès que le travail bouchonne au niveau de nos Traitements Instantiels, c'est tout de suite la panne pour cause d'erreur fatale.
-- Je serai capable de guérir cette gène les doigts dans le nez, ricana Mimi. Je veux dire même la supprimer. Et cela aussi facilement que je corrige les virus indésirables.
Pour punir l'insolente, Emilie décida de l'enfermer dès son retour, dans la cave blindée 47, qui était désormais bien protégée des cambrioleurs. Même les espions à détecteurs d'impulsions, tenus à distance, grâce à la cage de Faraday installée l'avant-veille par la Super Machine, ne pourraient rien deviner.
-- Va faire un tour au Jardin d'Acclimatation, dit Mimi. Il fait beau. Cela nous fera des vacances et je pourrai enfin travailler tranquillement, à l'abri de tes agacements maladifs.
C'était une idée magnifique. Emilie, ravie pour une fois d'échapper à son éternelle recherche, verrouilla la porte avec son code digital personnalisé. Elle courut vers les allées du Jardin. Il faisait beau en effet. Elle était contente de tout oublier pour un moment. Elle avait gardé ses nattes et ses socquettes. Les ours flemmardaient dans leurs cages. Les singes faisaient des grimaces.
Pendant qu'elle sautillait comme une enfant en vacances, elle tomba sur le beau William, surnommé, on ne sait pourquoi Jules le Petit. Surprise, elle se demanda si c'était une coïncidence ou non. Mais c'était trop tard pour l'éviter. Il fallait faire comme si.
Alors, ils s'assirent sur un banc et le garçon lui offrit des gaufres.
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