Le retour du Maraudeur.
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Le retour du Maraudeur.
A bord de son seul et unique caboteur, appelé le Maraudeur, Derek Thalys comptait les jours qui le séparaient encore du rêve de sa vie. Si tout allait bien, dans une dizaine d’heures, il devait conclure sa toute dernière affaire, sa dernière livraison avec son antique cargo qui avait déjà traîné sa carcasse dans toute la galaxie d’Andromède.
Sautant de planète en planète, sans jamais le laisser en rade de façon sérieuse, le Maraudeur était devenu son ami. Bien sûr, deux ou trois fois le convertisseur de matière noire avait bien failli lui claquer à la figure. Mais comme c’était un des premiers de la série à avoir été mis au point, il était d’une solidité à toute épreuve, supportant des écarts de température énormes, ce que les nouveaux prototypes ne pouvaient plus encaisser.
On retrouve ici, comme partout la cupidité des fabricants. Au début, on fait dans la solidité pour promouvoir les produits. Puis, lorsque le modèle a séduit la clientèle, on passe à la phase numéro « deux » et on s’occupe de l’esthétique. Le matériel est le même que celui de la phase « un », mais en plus beau et pour finir plus cher. Vient ensuite l’étape numéro trois, la phase de rentabilité. C’est à ce moment que les fabricants récupèrent le fric investi et rognent sur la qualité, au mépris même de la sécurité de l’utilisateur. Et le prix grimpe encore vertigineusement.
Le système marche depuis que le monde est monde. Quelque que soit le produit ou le pays, les bénéfices dictent leur loi. Il ne faut pas que le matériel soit trop performant et surtout qu’il dure trop longtemps. On appelle ça de l’obsolescence programmée.
Pour en revenir à son convertisseur, deux fois Derek avait dépassé allégrement la zone rouge et ceci pendant plusieurs heures. Mais il avait pris délibérément ce risque. Car il savait par expérience que s’il arrêtait sa machine, elle ne repartirait pas. Et il préférait encore une mort rapide par explosion le transformant en électrons libres flottant dans l’immensité du ciel, plutôt que de se voir vivant, et bloqué indéfiniment dans l’espace intersidéral sans espoir de pouvoir en sortir.
Bien sûr, le fameux Hypercom, prévu pour tous les sauvetages quels qu’ils soient, serait aussitôt mis en route. Mais en attendant qu’on le localise et que quelqu’un vienne à son secours, le soleil le plus proche aurait le temps de se transformer en Supernovae.
Il faut dire qu’au début des voyages interplanétaires, sept mille ans après l’utilisation du bon vieux moteur subatomique trop lent et beaucoup trop dangereux, le convertisseur de matière noire l’avait remplacé. En effet, à l’époque des pionniers, un ou deux voyages sur cent finissaient en panne, avec sa capsule flottant pour toujours entre deux systèmes solaires. Ne dépassant pas la vitesse de la lumière, ces vieux prototypes n’étaient guère valables, que pour de simples déplacements interplanétaires.
Pour les voyages extra-planétaires, comme il fallait compter plusieurs années pour relier entre eux, deux systèmes solaires, le personnel de bord devait se cryostaser, c’est à dire transformer ses cellules en cristaux. Les têtes pensantes des fabricants mirent donc au point le célèbre « convertisseur de matière noire ».
Cela ne se fit pas sans mal. Au début, le convertisseur de matière noire convertissait la matière noire en énergie noire. Les propulseurs de vaisseaux consommant cette énergie, permettaient de propulser les voyageurs plus vite que la lumière. On avait trouvé l’hyper propulsion. Mais par malédiction, on ne savait rien de l’hyperespace, et pour cause : Ce légendaire sub-espace, et ceci au grand dam de tous les bons auteurs de science fiction qui nous bassinent de leurs inventions, depuis des siècles, n’existe pas !
En bref, l’énergie noire est dotée d’une pression négative, qui la fait se comporter comme une force gravitationnelle négative, qui serait une sorte d’anti-gravité. Tout le monde ou presque, connaît la loi sur la gravité, découverte par Newton.
Deux corps s'attirent avec chacun une force proportionnelle à leurs masses, qui est inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Ainsi, tous les corps s’attirent entre eux, c’est à dire TOUS les corps de matière baryonique, les atomes, protons, électrons, bref tout corps visible.
Mais, autre grande nouvelle : tous les corps de matières non-baryoniques s’attirent aussi entre eux. CQFD. Mais, il existe une nouvelle encore plus intéressante qui dit que les matières baryoniques et les matières non baryoniques, ne s’entendent pas entre-elles. On va jusqu'à dire qu’elles se détestent à tel point, qu’elles se repoussent violemment l’une l’autre, un peu comme des aimants de même polarité.
Finalement, c’est très simple. Le vaisseau de Derek, par exemple, est composé de matière baryonique, tout comme l’être humain. Son convertisseur de matière noire transforme cette matière en énergie noire. Et l’énergie noire, la matière non-baryonique, interagit avec la matière baryonique de son vaisseau.
La réaction produit une force négative de gravité, c’est à dire de l’anti-gravité et son navire, par ce moyen, dépasse largement la vitesse luminique. Il a fallu pas moins de 2 000 ans pour comprendre cela.
Là on retrouve tout simplement, ce qui génère le phénomène de l’expansion de l’Univers. Il ne faut pas croire qu’il s’agit de la puissance de l’explosion du big-bang, celle qui soit disant aurait produit la dilatation de l’Univers. En effet, depuis le temps, treize milliards d’années plus tart, cette croissance se serait arrêtée.
Arrivé à ce point crucial de réflexion, Derek se mit à penser tout haut. Seul depuis si longtemps, il en était venu à se parler à lui-même. C’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour résister à l’angoisse d’une solitude absolue. Il arrivait même à s’imaginer communiquer avec un être en chair et en os, capable de lui répondre.
Une fois de plus, il s’adressa à son image reflétée par la brillance des métaux qui l’entouraient.
-- Allez mon vieux, écoute-moi. Je te livre un secret qui n’en est un que pour le vulgum pecus. Imagine un cocon qui serait un peu comme celui des vers à soie. On voit le cocon et à l’intérieur du cocon, on aperçoit la larve. Tu vois le topo ?
Et bien une galaxie c’est la larve. Et autour de cette galaxie, on voit une couche d’une espèce de brouillard qui l’enveloppe. Cependant, le brouillard est présent aussi bien à l’intérieur mélangé à la larve qui n’est pas compacte, qu’à l’extérieur sous forme de fine couche.
Toutes les galaxies sont donc faites sur ce modèle là. Avec un détail important qui montre qu’entre les galaxies, ou plutôt entre les cocons, il y a de l’énergie noire, de matière non-baryonique, qui se repousse avec la matière baryonique, appelée cocon ou galaxie. Toutes ces galaxies se refoulent les unes, les autres, ce qui produit l’expansion de l’Univers.
Pour comprendre comment cela marche, il faut imaginer par exemple, que tu es sous ta douche. La savonnette tombe. Tu mets le pied dessus par inadvertance. Que se passe-t-il ? Si ton pied et le sol de la douche sont mouillés, la savonnette part comme un boulet de canon.
Alors, comment cela se passe avec les galaxies qui elles, ne sont pas « mouillées » ? C’est facile à comprendre. La matière noire qui enveloppe la galaxie qui est notre cocon, fait office d’eau et facilite le glissement dans l’énergie noire qui se trouve entre les galaxies. C’est ce qui permet la dilatation de l’Univers.
Derek continuait à parler tout haut, comme si l’image qui le reflétait, était vraiment un autre lui-même.
-- Tu me diras que si les galaxies se repoussent, pourquoi certaines d’entre-elles se rapprochent elles, au point de s’interpénétrer et parfois fusionner ? Toujours CQFD. Reprenons l’exemple de la sable de bain, mais avec deux savons. Tu fais alors en sorte, que les savonnettes aillent l’une vers l’autre, de telle manière qu’elles se rencontrent, et même qu’elles se percutent elles mêmes.
C’est exactement la même chose avec les galaxies. Cependant, ces dernières sont si énormes et surtout si pleines de vide à nos yeux, que l’on ne s’imagine pas que ce vide est en réalité de la matière noire. Et matière noire contre matière noire, il ne se passe rien….
Nos deux galaxies peuvent s’imbriquer entre elles sans aucun problème de collusion. Les distances entre systèmes solaires sont tellement immenses, que les probabilités que ces systèmes se percutent entre eux, sont quasiment nulles. Seule la gravité va en piéger un certain nombre. Cela provoquera des réorganisations planétaires et une nouvelle répartition des galaxies.
Derek se sentant une petite faim, cessa de se parler à lui-même. Il était si content de sa démonstration scientifique, qu’en se dirigeant vers le bar de confection des repas, il se mit à rire. Son reflet riait en même temps que lui.
C’était un peu comme si les deux hommes fiers de leur double performance intellectuelle, se rendaient compte, tout à coup que leur corps, musclé par la gymnastique obligatoire journalière, complétait l’image forcément exceptionnelle d’un voyageur de l’espace surdimensionnel, capable de faire des voyages dans des unités de temps de plusieurs centaines de milliers d’années…. En avant ou en arrière, avec tous les changements de décor que cela pouvait impliquer !
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