Bess. La Bastide avec DONG FU et les SORCIERES.
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Bess. La Bastide avec DONG FU et les SORCIERES.
La cloche du portail de l’entrée de la Bastide sonnait sans arrêt depuis le matin. Ce qui, au début de la semaine dernière n’avait été que réunion familiale sympathique, était devenu au fil des huit simples soirées de contes, une rencontre multiple plus intense que la fête du rock devant le vieux port de Toulon au 15 Août.
D’autant plus qu’une assemblée de japonais avait fait son entrée par la grande porte, apportant avec eux, la proposition de récits ancestraux accompagnés de chants, danses, jongleries, rituels du thé, des arts floraux et des coutumes féeriques et instrumentales de là bas.
Déjà, pendant que l’invité principal, Maître Dong Fû arrivé depuis la veille, se recueillait sur son étroite natte de paille déployée sous l’eucalyptus géant, deux spécialistes en shiatsu se jetaient bâtonnets de bois en main, sur les abdomens d’invités avides de coutumes médicales orientales et se pensant malades ou craignant de l’être.
Quand vint le soir, Granie sereine, présenta Maître Dong Fû placé à sa droite, et lui passa la parole. Le japonais se leva, salua trois fois. La foule, se leva, lui rendit son salut. Dong Fû, les mains jointes au niveau de la poitrine resalua pour remercier la foule qui resalua pour le remercier, et ainsi de suite pendant un bon moment…. Jusqu’à ce que le japonais asiatique, ce qui ne veut rien dire du tout en tant que pléonasme, se mette à prononcer :
-- Nobles Visiteurs, c’est humblement que moi, misérable moucheron indigne de votre estime, vais vous retranscrire l’aventure de la Princesse Nimala, nom qui signifie : « Perle du matin fleuri, posée dans la rosée du champs de riz au lever du jour ». C’était la fille la plus belle de tout le pays de la Contrée du Levant.
Lorsque Maître Dong Fû eut fini son histoire qui dura copieusement, il y eut une petite tournée de saké chez les adultes ce qui mit tout de suite l’atmosphère au diapason du dessus. Les charmantes geishas distribuèrent des coquilles oranges de nature indéfinissable et voulurent ressortir le saké.
Mais Granie mit aussitôt le hola. Elle était hostile à toutes les drogues qu’elles soient dures, alcool, tabac, café, thé ou même simplement doucement overtonienne comme le chocolat. Mais pourtant elle avait compassion pour les pauvres hères sous influence et il n’y en avait pas deux comme elle pour faire diversion.
Une fois encore elle sut juguler la tendance du : « Il est des nôtres, il a bu son verre son verre comme les autres… », avec cette bonne idée de présenter l’Amiral Granjean citadin toulonnais de pure souche, né près du Vieux Port, suivi de toute sa famille. Et tout le monde sait que les habitants de la ville basse sont de vrais marins, au contraire des faronais d’essence toujours paysanne, c’est à dire issus de maigres cultivateurs d’olives et gardiens de chèvres.
Le salut de l’Amiral souleva l’enthousiasme de quelques bretons, Ker Mocos de Siblas et aussi de certains descendants de vrais corsaires. Les langues se délièrent. Et que se passe-t-il lorsqu’un marin rencontre un autre marin ? Ils chantent des chansons de marins. Cela peut durer toute la nuit.
Mais comme dit Granie, ça aussi cela fait partie des aventures essetraordinaires et tout le monde alors, peut reprendre en chœur : « Ho Hisse et Ho. Nous irons à San Francisco, good by farry well, good by farry well… Nous irons à San Francisco, hola et matelot, ho, ho, ho… » etc.
Pendant toutes ces joyeuses libations, il se passa un fait bizarre. On vit arriver un groupe étrange de vieilles dames descendues du sommet du Phare. Leurs faces blanches luisaient dans la nuit. On les appelait les « Sorcières ». Une fois l’an, elles sortaient de leur tanière pour une réunion appelée justement et avec à propos « La nuit des sorcières ». Enfin c’est ce que la légende disait. En réalité, elles avaient pour identité officielle, le titre de pensionnées de guerre ou autres retraitées de la région, logées au sommet de la colline.
Leur antre soi-disant maléfique n’était autre que la Maison de retraite du Mémorial située le long l’Auberge au Mathieu, créée pour les touristes qui viennent voir l’endroit de l’attentat raté du Général de Gaule. La petite Bess d’aujourd’hui connaît bien le lieu.
Elle va souvent rendre visite à la grand Mamie de sa cousine Vivy. La veille dame est la sœur de sa bien aimée Granie. Les deux fillettes vont jouer dans la cour du Mémorial à « qui veut gagner le droit de léviter ». Ce qui veut dire voler assis par terre en tailleur avé les bras qui battent comme des ailes. Bess comme Vivy n’y sont encore jamais arrivées.
Mais il paraît que ça se fait partout, même en Amérique où toute une Université de Los Angeles en a fait sa vocation première.
Bref, la Résidence du Mémorial qui abrite les pensionnaires reconnues veuves de la Marine ou assimilées, a la réputation d’être un repaire de Fées Carabosse. Et on peut dire que malicieusement celles-ci font tout pour le faire accroire.
Elles ont une bonne raison pour cela. Avec cette aura, tout le monde vient les voir à l’heure de la visite de 15 heures jusqu’à 19 heures. Et même après en cachette pour entendre leurs récits horrifiques qui font peur. Elles les servent à longueur de rencontres, autours d’un thé au goût étrange, capable paraît-il, de faire voir ce qui n’est pas.
Grâce à cette réputation sulfureuse et envoûtante, le parc d’été dans lequel à partir de minuit, on entend hululer les hiboux, ainsi que la grande salle chauffée l’hiver par une cheminée monumentale ornée de vraies chauve-souris, ne désemplissent pas. En somme voilà l’idée qu’elle est bonne, pour pousser les gens à leur rendre visite. Et comme il est dit ici : « Sé non é véro é ben trovato ». Ce qui veut dire en français pointu : « Si c’est pas vrai, c’est bien trouvé ».
Ce soir - là, en voyant arriver ce groupe inquiétant de douze vieilles dames z’en capuchonnées, l’assemblée interdite resta bouche bée. Et dans la nuit silencieuse, Zette, de son nom Suzette, la plus ancienne des Mamés prit la parole.
-- Si nous avons décidé de venir vous parler à tous, c’est que la situation est grave. Nous profitons des veillées de Contes et Légendes de Granie pour vous mettre au courant, et essayer de convaincre la petite Bess d’aujourd’hui, ici présente, de venir nous rejoindre dans notre combat.
Comme celle des siècles passés, elle a des pouvoirs magiques et sans elle nous sommes démunies, parce que nous sommes trop vieilles, et que nous ne pouvons plus galoper comme elle dans la montagne… et aussi que l’Administration ne nous verserait plus notre pension si nous découchions tous les soirs.
A ce discours, Bess effrayée alla se cacher dans les jupons de sa Granie. Elle avait horreur de toutes ces simagrées que les Mamies dévoilaient pour se rendre intéressantes : Tables qui tournent, vases qui parlent, objets volants à travers la pièce et appelé Poltergeist, sorties de corps, fantômes, revenants familiers comme cet acharnement du chien adoré qui, bien que mort, s’entête de temps en temps à traverser le living le soir, pour se laisser tomber lourdement devant la télé, avec son bruit sourd habituel.
-- Comme Elisabeth, la petite Bess d’autrefois reprit la Mamé Sorcière, celle-ci ne sait pas qu’on a besoin d’elle. Mais nous ne la forcerons pas. Quand elle aura entendu ce que nous avons à dire, elle prendra sa décision. Nous savons bien qu’elle ne veut pas se servir de ses dons, ni même en entendre parler.
Elle préfère jouer sur les pentes sauvages plutôt que de participer aux expériences de parapsychologie que nous faisons là haut, devant les savants du monde entier, venus tout exprès nous voir, avec huissiers patentés et tout le toutim assermenté. Ce qui prouve que nous savons bien de quoi nous parlons.
Mais c’est son droit de refuser de se mêler à nous, et nous l’avons laissée pour l’instant dans l’ignorance, tant que n’avions « PAS » besoin d’elle. Toutefois aujourd’hui, c’est différent. Car l’heure est grave. La mafia politique et obscure qui a la main mise sur le monde, à l’insu même de ses représentants politiques, religieux et autres, a décidé de s’approprier notre brave colline, pour diriger à partir de ce lieu magique, ses funestes actions. Voilà pourquoi cette mafia veut mettre la main sur notre précieuse montagne.
En effet ses membres que nous appelons depuis des siècles, les « Puants » et qui se sont donné depuis toujours le nom plus élégant de « Confrérie », ont découvert que toutes les énergies cosmiques bénéfiques, convergent vers le sommet de notre Faron appelé Phare ou Pharon à cause que c’est lui qui guide les pauvres pêcheurs perdus au milieu de la mer. Ils veulent se l’approprier. Non pas en tant que cousins pour faire la fête, mais en vrais ennemis. Y sont en train de racheter toutes les propriétés situées au dessus de la Corniche, en partant de la villa du Luis Mariano d’autrefois, proche celle des parent de Walter et Robert Enrico. Et cela jusqu’au sommet. Cela devient terrible ! Regardez toutes ces merveilles qu’ils ont l’intention de dérober.
Le regard des invités partant du bas de la pente, sur lequel avait été construite la gare, et en remontant vers la cime, put voir la montagne se dérouler jusqu’à la grille de la Bastide en passant par la caserne, et les fortifications qui entourent la ville. De cette vue imprenable ils pouvaient admirer, situés après les rails du chemin de fer, la Place de la Liberté, le Pavé d’Amour, les quais et le Vieux Port. Le brave Faron dominait et protégeait bien son Toulon.
-- Face aux « Puants » reprit la Zette gravement, on trouve les « Hoirs », du nom de Hoirie, mot qui veut dire héritage. Comme les « Hoirs », les « Puants » sont dit-on, des réincarnations du passé. Ils reviennent dans de nouveaux corps en se souvenant de leurs existences précédentes.
Dans leurs vies passées, les « Puants » ont toujours été des personnalités célèbres de par leur volonté de domination et de pouvoir. Ce groupe dangereux est une association de malfaisants, qui comporte une foule d’éminences grises, dont les Présidents des Etats principaux de la Terre, plus tous les dirigeants importants, avec aussi les grands chefs de la Finance et des multinationales.
Les « Hoirs », au contraire ont des antécédents modestes. Ils descendent souvent de gens simples, à l’esprit généreux, pythonisses, sorcières divinatrices brûlées sur le bûcher, paysans, bienfaiteurs de l’humanité comme l’Abbé Pierre et Mère Térésa, avec aussi beaucoup de chercheurs désintéressés qui voudraient installer un Monde du Futur positif, harmonieux et équilibré.
En font partie tous ceux qui ont accepté le lourd fardeau de combattre la suprématie de la violence, soutenue par l’argent des nantis, des dictateurs, des trafiquants de combines… et le reste. Parmi eux, se trouvent tous les courageux désintéressés qui veulent défendre la veuve et l’orphelin. On retrouve donc, avec nous qui sommes les retraitées de la Maison du Mémorial, toutes les vieilles faronnaises, les paysans et les ouvriers fiers de leur métier, partageant leur maigre pitance avec plus pauvres qu’eux, sans oublier la foule de juniors et seniors brillantissimes, qui font toutefois partie des illustres inconnus de la planète.
Oui, on croit que nous sommes des sorcières. Et nous en sommes.
Une fois l’an, nous nous réunissons pour juger du sort spirituel de la terre. Nous votons à cette occasion, les diverses actions à réaliser d’urgence, c’est à dire dans l’année en cours. Le mois prochain a lieu la huit cent quatre vingt douze millième « Nuit des Sorcières » et nous avons besoin de vous tous et de toi Bess en particulier. Car tu connais toute la forêt, ses animaux, ses oiseaux, ses arbres. Convoque ici, tous ceux qui peuvent nous venir en aide, pour minuit, « au jour dit », et alors nous t’expliquerons ce que tu devras faire.
La Zette, dite Suzette de son vrai prénom, regarda intensément la fillette. Mais celle-ci soutint fermement son regard. Elle l’aimait beaucoup la Mamie de sa cousine Yvette. Et malgré toutes les bizarres manifestations paranormales qui entouraient ses pratiques de sorcellerie elle n’en avait pas peur. Elle parla courageusement.
-- Oui, si je peux faire quelque chose pour le Faron, je dis pas non. Mais je ne veux pas être mêlée à des histoires que je ne comprends pas. Et c’est tant pis si je veux pas. Effrayée de dire non à ces terribles Mamets elle devint tout pâle. Mais la Zette lui sourit.
-- C’est bon. Nous ne te demanderons rien que tu ne puisses faire. De toutes façons, ce ne sera que du concret. Et le peu que tu feras, ça ira.
Bess respira enfin. Elle avait confiance malgré tout. Ce qui n’était pas le cas de l’assemblée tremblante de spectateurs tout à fait impressionnés.
Puis, les douze grands Mamets se sont levées. Elles ont ramassé leurs fauteuils pliants et sont reparties vers le Mémorial, tranquilles comme les braves vieilles qu’elles semblaient être.
Mais Bess n’était pas complètement rassurée. Sa mission ne lui disait vraiment rien qui vaille. Et encore, elle ne savait pas tout. Il serait toujours assez temps pour elle de l’apprendre. Heureusement Granie la prenant par la main lui expliqua que bien des choses ne sont que des images. Ce qu’elle avait vécu ce soir n’était qu’une proposition futile, comme le sont tous les projets des êtres humains.
-- C’est nous qui décidons de notre destin dans l’instant présent. Si tu le désires, ce qui s’est passé cette nuit et les nuits précédentes ne sera qu’un jeu, comme tous ceux que tu apprécies tant.
-- C’est vrai. On sait bien que c’est seulement dans mon imagination se dit Bess.
Mais à ce moment passa devant la lune un grand oiseau noir qui plana en silence et le souffle d’une brise fraîche traversa les branches des orangers. Alors on vit distinctement derrière les treillis, des fées et des elfes légers danser autours de la douce Elodie, éclatante dans son habit de lumière d’argent.
Même Maître Dong Fu les aperçaut, et il ne sembla pas du tout étonné. Le son de la flûte se fit, tout à coup, entendre magiquement. Cela voulait dire que la veillée allait bientôt se transformer en nuitée, et que l’on allait envoyer les plus petits se coucher, laissant la place aux fanfares bigarrées venues de partout, une fois de plus.
La musique joyeuse éclata enfin. On passa dans une ambiance réconfortante. Il était temps. Bess prit la main de Granie pour l’embrasser, et partit en courant avec ses copains, jusqu’au fond du jardin, derrière le bassin d’arrosage, rempli par l’eau de la pluie.
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