L\\\'Enfant qui venait du futur

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Depuis quelques jours, je m’ennuie. Pourtant ce n’est pas le travail qui manque. Je prépare  les lundis qui proposent des visites du Monde de LURES, équilibré, positif et harmonieux. Je mets au point, les mercredis qui reçoivent des fanas d’improvisation théâtrale et ceux qui ne voulant pas en faire se préparent à dire ce qu’ils pensent des performances des comédiens amateurs ou pros.

Cette nouvelle formule mêlant public, stagiaires, profs, animateurs et passionnés de recherche en psychologie, attire des intéressés de toutes sortes. Je continue toujours à suivre ma petite idée de lutte contre la violence. Mon discours est clair. Il faut se prendre en main, savoir qui on est, être responsable de sa vie.

Pour moi, « l’improvisation », qu’elle soit théâtrale ou autre, est une libération qui permet de mieux se connaître soi, et les autres afin de pouvoir enfin accéder à un avenir non violent. Cela me fait du bien de jouer face à l’infini du vide, que la situation offre à chaque instant, à chaque exercice. Mais si je veux expliquer pourquoi, je patauge dans mes discours, une fois de plus.

Pour essayer  de m’aider, Frank m’a entraînée dans une mouvance « café philo ». Les rencontres sont nombreuses et multiples, en divers lieux, à des heures différentes. Il y en a pour   tous les goûts, orientés vers la poésie, la philosophie, ou la psychologie. J’y ai rencontré des gens de toutes sortes, toujours intéressants, discutant sur le thème choisi au cours du rendez-vous précédent et qui a été voté à main levée. A notre dernière rencontre, Mireille qui anime le café philo que je préfère entre tous, nous a demandé de proposer un sujet pour le Dimanche suivant.

J’ai levé la main.

--  Puis-je dire ce que je pense ?

--  Mais oui, bien sûr Lisbeth, tu peux. M’a –t-elle encouragée chaleureusement.

--  Non, « Puis-je dire ce que je pense est l’énoncé du thème. D’ailleurs c’est un sujet qui m’intéresse infiniment, car depuis ma naissance, je ne peux jamais dire ce que je pense, soit parce que l’on m’en empêche, soit en m’insultant ou en proposant de me brûler comme sorcière.

L’assistance a eu l’air surprise. Une dizaine de thèmes divers furent proposés.

On a voté. Et c’est mon sujet qui a remporté l’approbation générale. De retour chez moi, j’ai préparé un petit topo expliquant pourquoi je ne peux pas dire ce que je pense. Il résume tout ce que j’essaye d’expliquer depuis l’âge de trois ans, ce fameux anniversaire de mes trois ans, qui a déclenché toute la suite de l’histoire.

Je le retranscris ici avec un titre impliquant notre Association Futurable3000, créée par le Groupe, en quelque sorte pour ça, le Futur devenu positif, équilibré, non violent et ce qu’il faut faire pour le rendre ainsi. 

 FUTURABLE 3000

       «  PUIS-JE  DIRE  CE  QUE  JE  PENSE ? »

Je dois répondre : Non.

Dans un monde qui privilégie et glorifie la puissance, je suis obligée de répondre que je ne le peux pas. Car j’utilise, sans presque m’en rendre compte, et à tout bout de champs, seize mots clés dont l’explication contraire à la pensée habituelle bloque illico l’interlocuteur. Pas de discussion possible face à la dictature universelle imposant la pensée unique.

Ces mots veulent ignorer les dictatures instaurant la violence générée par le désir de puissance, de propriété, de domination, la soif d’argent, de pouvoir, la possession du territoire, du corps et de l’esprit des autres l’asservissement du vivant, humain, faune, flore, l’acquisition effrénée du monde et de l’Univers.

Dans un système qui élève les enfants dès la naissance, dans un esprit de compétition, la vapeur est difficile à renverser. Le seul moyen d’éviter la disparition inévitable des espèces vivantes serait de changer de manière de penser, pour pouvoir changer de manière de vivre. 

Que le meilleur gagne !  Dans tous les domaines, on demande à l’individu de se battre pour faire bien, mieux, de mieux en mieux, plus vite, de plus en plus vite, poursuivi par le fouet de l’ange imputrescible de la perfection. Alors qu’en cherchant juste, à faire humblement « au mieux », la paix, le calme et l’harmonie peuvent s’installer.

Les postes à supprimer : argent, territoire, patries, religions, familles. Les termes dont il faut se méfier, ou dont il faut au moins préciser la définition, sont les suivants :

Amour = Sentiment nocif, générateur de stress, déséquilibre, désir de possession totale.

A supprimer et à remplacer par complicité.

Corps = Mon corps n’est pas MOI. Il est à moi. Ce corps d’animal est ma voiture, mon moyen de locomotion. Je dois l’entretenir en tenant compte de ses faiblesses et de ses exigences qui sont parfois disproportionnées. Ma petite Personne est le conducteur de ma Grande Personne qui se trouve sur le siège arrière, et dont j’ignore les conseils la plupart du temps.

Création = L’individu crée à chaque instant, sa propre projection dans un univers créé par cette projection. Et en rétroaction commune, cet univers le crée. Comme c’est à chaque instant, il est obligé de la détruire, pour pouvoir créer la projection suivante.

Droits de l’Individu = Ils doivent remplacer les Droits de l’Homme qui n’ont jamais été qu’un vœu pieux, la peine de mort, la torture et les guerres existant toujours un peu partout. Ils déclarent que : « L’individu doit exiger, s’il ne peut l’obtenir par lui-même, de n’avoir ni faim, soif, froid, chaud, mal physiquement et moralement. Tout le reste étant du superflu n’a pas à être réclamé ».

Dualisme = Le dualisme instauré depuis le début des temps est un raisonnement fermé. Pour ouvrir sa pensée sur l’infini, l’individu doit dorénavant utiliser le dualisme et ses compléments. Pour échapper à une situation, il suffit de réaliser à la fois, cette position, son contraire et sa négation.

Education = L’individu est immature à chaque instant, comme au moment de sa conception. Il n’a pas de nature. Le chien a une nature de chien, l’homme n’a pas de nature d’homme. Il n’a pas de nature du tout. Il n’est rien. L’éducation le formera violent, ou non violent.

Information = L’individu donne à son information la réalité, la valeur et la couleur qu’il désire lui donner. « N’est pas vrai ce qui est vrai, est vrai ce que je crois ». Je crée alors mon information pour et par ma projection dans l’instant et à chaque moment, en la comparant avec mes fiches « internes / externes ».

  Instant = Admettre que chaque instant est un tout créé pour et par cet instant, force l’individu à se remettre en question à chaque moment. Cette idée terrifiante peut se confondre avec le doute refusé par l’individu, si celui-ci se cramponne à sa croyance en la continuité de son existence.

Liberté = Les hommes réclament à corps et à cri, une liberté qu’il refuseraient si on la leur donnait. Elle est trop nue, trop crue, trop drastique. Elle ferait peur à ces inconscients qui ne savent même pas à quoi elle les engagerait.

Logique = Il est indispensable de remplacer la morale par la logique, si l’on veut déboucher sur une conception stable et concrète, de ce que l’individu et la société ont à faire pour vivre équilibrés.

Programme = L’individu a à sa disposition trois programmes principaux, à suivre pour chaque situation. Le Programme d’Urgence, le Programme de Rigueur et le Programme de Facilité.

Pour ne pas se tromper il doit se demander à chaque instant, quel programme utiliser. L’Urgence est simple. Si une pierre m’arrive sur la tête, je cherche à l’esquiver sans réfléchir.

Le choix entre Rigueur et Facilité est plus délicat. Il faut savoir à tout moment si la situation est sans danger, ou non.

Responsabilité = Il est temps de changer le regard de l’individu soumis au diktat des Sociétés. Il est urgent de dire : Je suis responsable de moi-même.

Je déplace alors le regard de la Société jugeant les individus dont je fais partie, en le remplaçant par celui de l’individu jugeant la Société, à partir de ses propres besoins. Je deviens alors le « Centre du Monde ».

En disant : « Moi d’abord avant tout », mon égocentrisme positif me pousse, dans mon « propre intérêt », à faire attention à mon entourage mieux et plus que si on me demandait de le faire par charité et amour du prochain, ce dont la plupart des gens se moque éperdument.

Une fois ce principe établi par tous, les guerres disparaîtront.

Sexualité = Un obscurantisme primaire habille la sexualité pour la rendre soumise aux plus forts. Seule une sexualité puérile, prenant en compte son propre désir de découvertes sans nuire à celui d’autrui, peut transformer les rapports entre les humains et les rendre heureux, ludiques, respectueux.

Violence = La violence est générée par le désir de propriété, de possession de biens matériels, intellectuels, spirituels, physiques, moraux, avec la puissance de l’argent, du nom, de la naissance, de la beauté, de la puissance politique, du succès, de la renommée…

Il faut supprimer toute idée de propriété, de patrie, de religion, de famille, et même l’idée de cette notion d’amour qui donne à la fois le sentiment de possession et d’être possédé. La gestion d’une société devenue un simple agglomérat d’entités, se fera alors de façon horizontale et dans un consensus permanent.

Posons-nous la  VRAIE  question au sujet de la propriété :

Veut-on continuer à asservir le vivant ? Lorsque l’on pense aux individus exploités, aux hommes traités en esclaves, aux femmes et enfants asservis, prostitués, aux trafics d’organes, d’embryons, à la capture  de cerveaux scientifiques, culturels, etc, on répond non.

Mais le vivant concerne aussi la faune et la flore. Il faut donc cesser d’exploiter les animaux pour leur chair, leurs œufs, leur lait, leur fourrure, les plantes pour leurs graines, leurs bois, leurs fleurs, leurs tiges… La nature ne nous fait rien payer. Elle nous donne tout gratuitement

Pour cesser d’asservir le vivant, il faudrait arriver à trouver à nous nourrir autrement. Par exemple en nous faisant greffer le gène de la photosynthèse et nous nourrir de lumière comme les plantes. Un rat greffé en Angleterre depuis trois ans, semble s’en bien porter. 

CONCLUSION = Nous avons un fantastique cerveau, mais pas la manière de s’en servir. Nous avons la machine, pas le mode d’emploi. Il est temps d’apprendre à en lire la notice.

Cette théorie de l’instant appelée «Instantialisme», impose la discontinuité du traitement des informations de l’individu et donc de sa pensée, comme le fait l’ordinateur qui traite au coup par coup ses données. Se remettant en question devenu responsable il porte son regard de lui vers l’extérieur et non le contraire.

Il cherche ainsi à diminuer dans son propre intérêt la violence qui l’agresse, afin de viser un Monde Futur positif, équilibré, aidé en cela par son IAP, Intelligence Artificielle Personnelle. Car, ce n’est pas en changeant de façon de vivre que l’on changera de façon de penser. C’est en changeant de façon de penser que l’on pourra changer de manière de vivre.

P.S. : Les Entretiens qui traitent de ces sujets ont lieu tous les Lundis 20h/22h, à l’Atelier Z. sous l’égide de FUTURABLE3000.  L’Association Loi 1901 a pour objet de promouvoir toute action positive en faveur de l’individu et de son environnement ».

Là dessus, j’ai envoyé le fichier à Mireille en lui expliquant que je ne parlerai naturellement pas Dimanche, de cet exposé si complexe et même rasoir. Il vaut mieux n’évoquer que de banales généralités, comme la timidité, la peur de faire mal, la crainte de l’incompréhension, l’inutilité de parler lorsque l’on sait que l’on ne sera pas compris, ou même écouté… Etc.

Lorsque le Dimanche en question est arrivé, j’étais très émue. J’avais l’impression une fois   de plus qu’enfin on allait m’écouter… peut-être superficiellement, mais au moins dans le vif du sujet. Vu la brillante assistance qui m’attendait, j’allais pouvoir parler de cerveau à « cerveaux » !

Lorsqu’avec Frank je suis arrivée au café, je me suis aperçue avec surprise, que Mireille avait distribué au travers de sa boite mail, mon fameux compte rendu si indigeste ! Plusieurs personnes, dont un dénommé Gillou, brillant linguiste de son état, vinrent me demander si c’était bien moi qui avait écrit le truc. Ils n’arrivaient pas à le croire…

Je leur demandais pourquoi ils me croyaient tellement nunuche ? Au point qu’ils pensaient que j’étais incapable de pondre un tel galimatias ? Je jubilais, j’étais sur un petit nuage. Enfin on m’avait lue… Il y avait donc peut-être une lueur d’espoir ?

Je les regardais tous avec amour.

Ensuite Mireille a lu le texte qu’elle compose en vers, pour chaque thème, en ouverture de séance. Elle écrit toujours des pages éblouissantes de culture, de poésie, de justesse. Une fois de plus elle reçut admiration et applaudissements de tous.

Je vais lui demander de m’envoyer son texte que je pourrais retranscrire demain sur le Blog. J’ai hâte d’être à ce soir pour m’y mettre…