Lisbeth. Vendredi 30/09/2011. Suite des migraines.
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A la séance suivante je ressentis une impression curieuse. Après les fatidiques trois coups, j’eu d’abord très froid. Je demandais à ce que la fenêtre soit fermée. Mais elle l’était. Alors je demandais que l’on clôture la porte, ou le vasistas, ou le trappon, ou l’ouverture quelle qu’elle soit, qui faisait appel d’air.
On me répondit que tout était hermétiquement clos, que le chauffage marchait et qu’il faisait plutôt chaud dans la pièce. J’étais très surprise. Je ne pouvais pas le croire ! D’où venait ce maudit courant d’air ?
En plongeant dans ma cervelle, je me vis recroquevillée dans une pièce vide, avec une horrible sensation d’abandon. Des hommes marchaient lourdement dans le corridor d’un petit appartement. C’était celui que nous avions quitté à Marseille, un peu avant mes trois ans, pour aller habiter dans les grandes pièces plus confortables de celui de la rue de Paradis.
Je me retrouvais, revenue en arrière, au jour même du déménagement. Ma mère m’avait dit de rester dans un coin du living désert. J’avais froid. Je pleurais. Mais elle ne m’entendait pas. Ou pire, elle était passée outre. Elle s’en moquait peut-être ? Là était « TOUT » le PROBLEME !
Comment ? Ma douce et aimante maman qui, à la moindre brise, passait son temps à me passer un pull, une écharpe, un manteau… se mettait à circuler non loin de moi, SANS voir que mon petit corps grelottait ?! Horreur, malheur ! J’étais maudite !
Le fils Parsant me sortit de ma séance de «VGT », ou «Psychothérapie Emotionnelle», avec le classique claquement de mains qui suivait les fatidiques : trois, deux, un.
Je lui exprimais ma surprise devant ma sensation de courant d’air froid alors que la pièce était complètement fermée. Cela ne l’étonna pas, puisque c’était « pile » dans sa théorie. En effet, l’explication était imparable. Je n’avais pas simplement retrouvé UN souvenir dans ma mémoire. Je l’avais REVECU, avec ses moindres sensations. Je ne cherchais pas à comprendre plus avant. En effet, pourquoi pas ?
Mes migraines ne se laissant pas impressionner, il me proposa un stage de trois jours à Coulommiers, dans un grand complexe hôtelier, avec une quinzaine de personnes. Je n’y croyais pas, mais j’avais envie d’en savoir plus. Je réservais mon week-end. Il faisait beau.
Nous nous sommes retrouvés, dans le propre cabinet médical des Parsant, un samedi après-midi, vers seize heures, afin de nous dispatcher dans les voitures de ceux qui en avaient. Je me pointais, bagages légers en main. Une dizaine de personnes souriantes et sympathiques attendaient déjà. Je me fis une joie de voir que le week-end s’annonçait agréable.
Un beau jeune homme du nom de Gabriel, d’une trentaine d’années, rieur et charmant me proposa de m’emmener dans sa voiture. J’allais acquiescer lorsque j’aperçus ex abrupto, autours de la bouche du visage bronzé, une lueur de sadisme. J’étais prête à croire que deux grandes dents avaient poussé, brusquement décidées à jaillir aux commissures des lèvres.
Terrorisée, je refusais. Je prétextais avoir déjà réservé ma place dans le véhicule de trois dames semblant elles, parfaitement normales. Avec ces personnes plan-plan, je me sentais beaucoup plus en sécurité.
Cela ne dura pas. Au bout de trois minutes de route, l’une d’entre elles se mit à nous raconter pourquoi elle venait en stage. Ce n’était pas triste. Elle avait été violée plusieurs fois à l’âge de six ans et depuis faisait des cauchemars affreux. Mais elle riait très fort en racontant ce drame car elle avait rencontré les Parsant, et ça lui avait changé la vie.
La deuxième était venue pour des colères qu’elle n’arrivait pas à maîtriser sauf si elle était contrôlée médicalement, à la voix, et même à distance. Si, si, c’est faisable.
Je ne pouvais pas le croire, mais elle réussit à me presque convaincre, à force d’exemples réalistes indubitables. Elle avait sur elle en permanence, un magnétophone qui se déclenchait sur commande pour crier « STOP », avec la voix de Maurice Parsant.
La troisième décrivit, pendant près d’une heure, les persécutions dont elle était la victime. Les voisins menaçaient de lui faire la peau. Le maire refusait de l’écouter. Elle recevait des insultes téléphoniques anonymes. Les chiens saccageaient son jardin. Même les éboueurs cochonnaient sa poubelle.
Je commençais à regretter le voyage. Je n’osais même pas parler de mes simples migraines. Qu’étais-je venue faire dans cette galère ? D’autant plus que je ne voyais pas bien comment les pauvres Parsant père et fils pouvaient intervenir dans les psychodrames de voisinage. Après tout, ils n’étaient que Parsant et pas Julien Courbet ?
Voulaient – ils lui faire admettre que « FINALEMENT » tout était dans sa tête ? Et qu’après être guérie, elle ne recevrait plus de coups de fils de menace ? Ce qui était logique enfin. Je remis à plus tard, ma grande soif de comprendre.
Arrivée à l’hôtel, on m’amena à un bungalow que je partageais avec Elisabeth, une petite dame d’une cinquantaine d’années, boulotte, dynamique et joyeuse. Elle m’expliqua avec un certain charme, qu’elle dirigeait une entreprise de déménagement et qu’elle en était à son sixième stage de thérapie émotionnelle.
Je me gardais bien cette fois-ci, de poser des questions sur quoi que ce soit. Surtout sur la réussite effective des six stages. Mais lorsqu’elle accrocha au-dessus de son lit, qui n’était séparé du mien que par une simple table de nuit, un magnifique portrait de dame très belle mais très sévère, je ne pus m’empêcher de lui demander qui était la personne.
-- C’est mon double. Il ne me quitte pas. Je l’emmène même lorsque j’accompagne, en opération de déménagement, les hommes de ma Société.
Au dîner, je m’arrangeais pour me placer aux côtés de Frank le fils Parsant, pour l’interroger discrètement sur l’état mental d’Elisabeth, ma voisine de lit. Je ne me sentais pas le courage de passer la nuit, si proche de son double et surtout de son inconscient, même si celui-ci était protégé par la bénéfique, mais redoutable, présence de son ange gardien féminin.
Aussitôt Frank ricana en répondant à haute voix et, à ma grande honte, qu’Elisabeth avec son double, était moins attaquée que certains qui ont des migraines. Elisabeth, me souriait sans rancune aucune.
-- Mais qu’est-ce que tu crois, hurlait Frank en insistant et en se tapant sur les cuisses, devant la ferme approbation de son père, des trois appariteurs développés de partout par une musculation régulière, plus des quatorze stagiaires et même du Maître d’Hôtel. Tu n’es pas au club Med, ici. Tu es en « sé-mi-naire » pour dérangement mental. Et toc.
Je plongeais le nez dans mon potage. Gabriel le vampire me souriait. Il avait planqué ses dents. Je trouvais finalement que c’était le moins anormal de tous, et c’est vers lui que je me dirigeais à la fin du repas, pour connaître la suite du programme.
Le nouveau Gabriel enfin devenu tout à fait normal, m’emmena dans le bar qui se trouvait au-dessus de la boite de nuit régionale, pour m’expliquer ce qui allait se dérouler le lendemain. En réalité, il essaya pendant une partie du début de la soirée (devant un passage incessant de villageois des alentours qui transitaient de la cave aux toilettes, et vice versa), de me parler de son problème et pourquoi il était là. C’était simple.
-- Je me suis marié il y a quatre ans. J’adore ma femme. Mais je ne peux m’empêcher de la tromper. Elle le sait. Elle sait que c’est une maladie, que je me soigne, que je VEUX guérir.
Elle est formidable. Elle me pousse à me traiter. Elle est en rapport constant avec mes médecins, généralistes, psychothérapeutes, pédiatres, etc. Elle sait bien, et elle dit avec Bay GOFILD, (que je ne connais pas, mais j’opinais du chef), qu’une « VGT » ne vaut pas une bonne psychanalyse.
Mais comme c’est pressé, elle n’a pas le temps d’attendre pendant six ou huit ans, la venue d’une fin de cure hypothétique, dans la position inconfortable de la femme « cocue ». J’approuvais à mort. Je ne voyais pas quoi faire d’autre. Lui, voyait.
Il me dit qu’en m’apercevant, il avait comprit immédiatement que ma présence était une épreuve. Il avait une furieuse envie de coucher avec moi et il fallait que cela se fasse pour qu’il puisse en parler tout de suite après avec Maurice Parsant le père. Car il était suivi par le « Père ». Ce qui était une référence.
J’essayais de l’en dissuader énergiquement. Mais il me rétorqua que c’était inutile. Dès le premier regard en attente du départ, dans le cabinet médical, il avait compris et il avait sorti ses canines de devant en fixant ma nuque. Je n’y échapperai pas.
Désespérément, je tentais de faire diversion. Je l’entraînais donc dans la boite située en sous-sol, pour lui faire faire une partie de chaises galopantes. Cet exercice a pour avantage de réaliser, par entraînement musculaire intensif, une évacuation totale de la pensée. Au bout de cinq minutes, les habitués de la boite de nuit, personnel compris, chevauchaient chacun sa chaise en tressautant pour la faire avancer. Les musiques lancinantes style slow and co, tangos argentins, invites brûlantes aux corps à corps, avaient laissé place à du hard métal, trépidant.
Mais tout a une fin. Vers trois heures du matin j’essayais, avec réticence pourtant, de rejoindre ma chambre commune avec Elisabeth. Je craignais par dessus tout que cette dernière ne soit pas encore rentrée. Un tête à tête avec son double, femme redoutable que son portrait définissait parfaitement par un œil froid et des sourcils froncés, ne me disait rien qui vaille.
D’autre part, Gabriel insistait énormément pour m’emmener dans son bungalow et comme il voyait que j’étais décidée à n’en rien faire, il voulut chercher « Maurice Père » jusque dans sa chambre pour lui exposer le problème, sur le champs, en direct et en ma présence. Cela ne me disait rien non plus.
Finalement, je ne me souviens plus très bien comment s’est terminée la soirée. Comme Maurice demeurait introuvable, Gabriel me planta dans le noir brusquement, de façon sinistre, (on entendait ululer les chouettes au milieu des allées désertes du complexe hôtelier luxueux). Je finis par retrouver ma chambre et par m’endormir à proximité d’Elisabeth et de son double.
Je me retrouvais au petit matin, les yeux gobilleux, la bouche amère, comme si j’avais bu, moi qui ne bois, ne fume, ne me drogue ni de calmants ni d’excitants, la tête pleine de rêves frisant le cauchemar, moi qui depuis mes quatorze ans, dort toujours comme un bébé au sommeil envahi de songes merveilleux.
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