Lisbeth. Dimanche 25/09/2011. La suite de Noël.
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Je n’avais pas fini de lire le conte du Faron de la nuit de Noël, que Flora et Frank qui n’avaient pas envie d’aller dormir, m’ont demandé de continuer l’histoire. Alors, devant leur insistance et les images colorées que je me suis amusée, depuis des années à dessiner pour illustrer ces légendes, j’ai craqué. Nous ne sommes qu’en Septembre, mais pour moi, dans ma tête et dans mon cœur, lorsque je songe à mon enfance, c’est toujours Noël.
Voilà donc, ce que raconte la suite de la légende. Il s’agit, pour nous les habitants des anciennes Bastides du Faron, de fanfaronner en laissant croire que c’est sur cette petite montagne magique, que tout ce que l’on a inventé, s’est passé là haut, entre autres dans la grotte des Clapas.
Ah Bonne Mère ! Cette ultime soirée de contes, ce fut la plus fameuse. Granie avait décidé que ce serait la dernière de l’année. Mais on ne savait pas ce qu’elle préparait dans le détail. On se doutait bien pourtant, que ce serait coucarin.
En effet, dès quinze heures, alors que le Grand Menteur qui rend touti belli plus beau qu’en vrai et qu’on appelle ici le « soleil », lorgnait enfin depuis l’aube, son regard brûlant par dessus les citronniers du verger, un brâve de remue ménage attira les invités vers la magestueuse grange vidée de son foin depuis bien longtemps. Elle était vide depuis que les habitants de la Bastide de l’Aigle, dont Granie était la descendante, n’avaient plus d’animaux à nourrir. Et cela fait bien un bail de plusieurs paquets de lunes.
Contre le mur du fond qui s’ouvre vers la forêt grimpant à l’assaut du plateau, il y a une sorte de scène avec les trois marches du côté venant du public. Partout des chaises jusque dehors. La large double porte en bois donne dré sur le bassin d’arrosage celui qui se remplit dès que la pluie toujours torrentielle quand elle se déclenche, se déverse dedans, dégringolant les pentes et bondissant en cataracte par dessus la dernière restanque.
Ceux qui sont au courant des fêtes de Granie préviennent les voisins. C’est sûr que ce sera comme les autres années. On va mimer une kermesse d’autrefois, une de celles qui mélangent la Galette des Rois, la fin du ramadan, le yankipur, la nuit du dégel esquimau, le nouvel an, les noces de novis, Santa Kraus, le Têt Chinois et bien sûr par dessus tout, le Carnaval avec ses costumes insolites et irréalistes.
Vers vingt heures, la célèbre conteuse installée sur le côté de la scène, face à la foule des invités déguisés, entama tranquillement la suite de l’histoire de la veille.
-- Ainsi donc, comme je vous le disais hier, le Lilou avait alerté tout le village du
Bourg de Chante Merle, de l’arrivée massive des fêtards du monde entier venus, comme aujourd’hui, avèque leurs chansons, leurs histoires, leurs mimes, leurs tours d’équilibristes
et de magie.
Ils apportaient avec us et habitudes culinaires, artistiques, festives, le cadeau de leur qualité d’étrangers, auréolés par leurs traditions inconnues. Tous enfants d’Eve et d’Adam ils revenaient au berceau natal sur « leur » Faron. C’est dire que les autochtones du coin, y fallait pas qu’ils ratent ces rencontres échelonnées dans le temps.
Comme c’est la même chose aujourd’hui, ici à la Bastide de l’Aigle dit Granie, nous continuons la coutume ancestrale.
En effet, toute la journée on a vu arriver des Bretons en vrai costume, des Russes, des Alsaciens, des Québéquois, le tout mélangé à des vraies sorcières, de faux elfes, des gnomes, des fées, des géants et les gambillards de la planète entière, affairés à arriver les premiers pour ne rien rater de la Fête.
Alorsse, sur la Place des Fénières, le Lilou, berger du troupeau de Césaïre, a alerté tout le village de la présence d’un nouveau né dans la grotte des Clapas. Et aussi de la venue des noceurs, comme c’est en train de se faire aujourd’hui ici. Chacun y court pour se rien oublier. Car c’est pas une mince affaire que d’être fin prêt.
Le cortège enfin s’ébranle. On passe prendre la Lavandière au lavoir, les Pêcheurs à la rivière, le Marchand de fagots dans la forêt.
-- Et où qu’y sont ? Demande Granie assise sur le devant de la scène en bonne Directrice de théâtre qu’elle est. Je voudrais bien les voir venir ici. En effet, pendant qu’elle raconte, les arrivants costumés jouent les acteurs et miment le tableau derrière elle.
Les marchandes de poisson se précipitent en courant, accompagnées de leur étal. Les terribles Pescaïros comme d’habitude, se disputent en vendant leurs bestiaux et en insultant les mauvais clients.
-- Qué ! Pas fraîche ma limande, borde dé peïroulet ? Elle est toujours plus neuve que tes amandoüns, pauvre estravaçon de couillasse sèche !
-- Ah ! Répond l’Insulté ! Tu les voudrais bien pour ta laissée pour compte de fille.
-- Ouuu ! Rugit la matrone percée au vif. Quoi ? Ma Fernande ? Si bellissime qu’elle tient tout le lit? C’est pas une estoquefiche elle, vaï ! Elle est pas pour ton daradéu ! Tiens, quand bien même elle serait une passoire, y aurait pas un trou pour toi.
Or, quand elles apprennent la nouvelle venue du Bourg de Chante Merle, poursuit Granie, les si terribles horrifiantes Peissounièros, té elles se remballent les insultes. Vite elles rejoignent la procession avé les supion - calamars, les clovisses, les catigotes, les girelles, l’esquinade araignée de mer, les favouilles, la galinette, la lyre d’eau salée et même les gobies qu’y faut une loupe pour se bien les voir. Tout ça pour en faire offre au Nino.
Forettine la Couturière, une fière pessuguète – qui – s’y – croit, elle s’est mise sur son trente et un. Par malheur, en montant sur son âne pour aller plus vite, voilà – t - y pas qu’elle se prend les pieds dans les dentelles de son jupon. Et ne revoilà – t - il pas qu’elle bascule cul par dessus tête en montrant son pétaréou sous la culotte de soie fendue. Vexée, la Damote, elle se lève d’une pirouette en se frottant fort l’ouosse Bertrand.
-- Té ! Vous avez bien vu mon agilité ? Qu’elle dit la Bouffigue pour se rattraper en se faisant bien chicher.
-- Ah oui ? Lui rétorque le Titin, son commis sous les rires de l’assemblée. Moi, je croyais qu’on appelait ça le tafanari ?
Alors que c’est pas tout. Gastounet le Postier est même allé chercher au « Mazet des Courcourdes » sa belle-maman, la mère de sa femme, la vieille Babette qui a plus de cent ans. Pour aller fissa, il la met sur son dos. Mais sous prétexte que son grand âge lui tourne la tête, elle fait semblant de prendre son gendre qu’elle a jamais pu piffer, pour le baudet et maï dé maï, elle lui frappe les reins en cadence avé le baton.
Mon Diou ! On allait oublier Baba l’idiot du village. Oh, ça on peut le dire qu’il est fada ! Le pauvre Fifre est si tant momo, babi, toti, couilloun, qu’il croit que l’étoile est en papier et qu’y saute pour se l’attraper tout le long le chemin.
Et puis ils sont venus aussi, les trois jumeaux Fartessi. Vilains, vilains, si affreux et si laids, Boudiou, qu’on leur ordonnait d’habitude de se faire tinter une clochette s’ils arrivaient tous trois en même temps. Et ben, ce soir là, indulgence ou mélange dans la foule de monstres à trois têtes et deux queues, ils ont eu beau venir tous ensemble, ils n’ont fait peur à personne. Jusqu’au demain.
Ugoline, la Fermière du mas des Ginestes, est aussi du voyage. C’est une brave femme, mais elle a un caractère de cochon. On l’appelle Misé Bacéoû. Ce qui veut dire « Madame Giffle ». C’est te dire, je te raconte pas. La Langaste, elle a préparé un panier de vingt quatre œufs, mirés à l’œil et sélectionnés chez ses plus vigoureuses poules. Alorsse, Ugolin son bouono d’homme de mari, profitant de l’occase, il lui dit :
-- Pécaïré ! Tu ferais mieux d’offrir le vœu d’adoucir ton caractère. Parce que vaï, ce serait pas de reste. Oh Mon Diou qu’est-ce qu’il a dit là! Ugoline presto, elle lui répond :
-- Oh, Fan ! Tu as raison ! C’est ce que je vais faire. Je le lui demanderai au Mignon Minot. Et en attendant qu’il m’exhausse, zou, je vais te faire l’omelette sur la tête. Oh le pauvre Ugolin ! Il reste panissé, suffoqué, la bouille recouverte de glaires jaunâtres et les frisures parsemées de coquilles. Mais c’est trop tard pour se débarbouiller. Le cortège est en route.
C’est enfin cahinant – cahatant, l’un tirant l’autre et tous se poussant à la remonte, que les villageois arrivent au plus haut point, sur le haut du Moredu que l’on appelle aussi le Phare, passeque, comme on le répétera jamais assez, c’est lui que les hommes voient en premier lorsqu’ils arrivent du fin fond de la mer, fatigués de la pêche et pris, peuchère dans la tourmente.
Déjà le viel Eusébio est là. Il les accueille avé tous les moutons. Et puis voilà venir les trois messagers des rois estrangeresses qui chantent « Les trois rois mages en Galilée, se dirigeaient vers l’étoile du Berger, ah, ah, ah… Où tu iras j’irai…».
Les Bastidous grimpent le sentier avé les flambeaux, suivis des chanteurs de l’Afrique Australe, de l’Asie et des baladins contorsionnistes, des nains verts, des magiciens, des pythonisses et des monstres de la Planète Inconnue. Que c’est beau !
Juste lorsque le début du cortège débarque, la neige se met à tomber, les angelots entonnent le fameux cantique en agitant les ailes au dessus de la Baumette : « Depuis plus de quatre mille ans, nous l’avaient promis les prophètes.. »
C’est juste le moment où toutes les campanès, les cloches des environs, se mettent bien à sonner dans une allégresse de quoucarin. Et vaï Bonne Mère de Chante Merle, on peut le dire
qu’il est mignon le nistourin tout nu couché sur la paille. Sa mère une jeunette, bien vêtue de bleu le présente gentiment. Le père dré à droite dans la tunique de bure marron, monte la garde aidé de l’âne et du bœuf qui poussent leurs nez vers le petit en soufflerie pour le réchauffer.
Les suces – miel, les papillotes de Santa Kraus, les bouchées de Saint Nicolas aidé du père Fouettard qui a rangé pour ce soir le martinet, les craquettes dorées et le reste pleuvent de toute part. Les « Surprises » fourrées, entourées de papiers d’emballage argent –or, piquetées d’étoiles, recrachent des bordilles de lumière.
Flottant dans les airs au bout d’une ficelle, l’Ange Boufareï gonfle ses grosses bonnes joues pour souffler dans sa trompette. Le Boufi boudenfle, y tire de son cuivre les chansons joyeuses qui montrent le chemin au cortège des pêlerinaïros en retard de marche.
Toutefois il y a une petite Nineille qui se fait un brave de soucis. C’est la Fanette, une enfant qui n’a plus de père ni de mère. Sous ses grand cheveux blonds comme l’or, ses yeux bleus si purs, aussi purs et aussi bleus que ceux d’un angelot, sont pleins de larmes. Elle pleure parce qu’elle est très pauvre. Elle aussi, elle aurait voulu casser sa cache-maille pour faire un moulon de cadeaux au bébé.
Or, elle n’a qu’une seule chose au monde. C’est une chèvre, la Cabrette, qu’elle aime par dessus tout. Ca lui ferait peine de la quitter. Mais elle veut pas être en reste. Alors elle l’a amenée avec elle pour l’offrir en cadeau de naissance. Elle la pousse vers le petit. Et lui, le Nistoun bien poli qui fait bonjour à tout le monde, il la regarde. Y penche un peu la tête et il lui dit dans son gazouillis :
-- Petite Fanette, garde ton cabri. Je ne veux pas t’en priver. Je préfère un cheveu blond de ta belle chevelure pour m’en faire une bague de soléou.
Et tous de crier de joie, de barjaquer, de fredonner un air de circonstance en sortant les victuailles et la boisson. On se presse. On se dispute pour couvrir de « Bâs », c’est à dire de grands poutous et de gros bisous le beau Fistouni venu de l’Orient, pendant que débarquent les demis fées, ces belles dames qui font des vœux partout, à tout le monde, avec Merlin l’Enchanteur qui en dit de pareils.
Même que la fée Carabosse est là avec les Diables, les Ogres, les Vampirellas qu’on sait qu’ils n’existent tous que pour faire peur aux enfants et faire semblant d’être méchants juste pour jouer en faisant des grimaces. On peut venir leur dire tout bas dans l’oreille ce qu’on veut pour ce soir et demain. C’est l’occase qu’ils exhausseront.
Voilà aussi qu’arrivent les Grandes Sorcières, ces Grands Mamets du Mémorial de la Maison de Retraite, celles qui font partie des Hoirs en lutte contre les monstrueux Puants. Elles apportent la bonne nouvelle que la paix est enfin officiellement déclarée. Elles ont bon espoir de gagner avec leurs méthodes paranormales et l’aide des petites Bess de tous les temps la venue d’un Futur enfin équilibré et harmonieux.
En effet, comment les horribles Puants, même en tant que chefs d’états, Chevaliers d’industrie ou milliardaires de multinationales, pourraient-ils lutter contre des vieilles dames chevauchant des balais et faisant faire des sorties de corps astrales à de simples mômes qui s’accompagnent d’animaux étranges du Faron et d’ailleurs. Tel Lou Rase Motte qui rampe en prenant la forme du moindre caillou, ou encore Le Semble Figue qui dès qu’on le vise se colle la tête en bas, les pattes en l’air sur le figuier qu’on sait plus lequel est le fruit, lequel est la plume, cousin de l’oiseau Semble Champignon.
Alors Pouffe! Celui là, le Semble Champignon, c’est un des plus beaux. Lorsque le chasseur il arrive, l’oiseau il se précipite tout dré au milieu des campignols et se confond tout à fait complètement, jaune à pois rouges avé l’entourage.
Le plus agaçant est Lou Pucier couvert de Nières qui les lâche sur le chasseur et se tire pendant qu’il se gratte. Lou Pumante est si fort puant en te filant le bomi, qu’y fait tomber la carabine pour qu’on puisse se boucher le nez. Lou Pleurnicheur pleure comme un bébé que c’est gênant pour tirer sur une bête qu’on croit que c’est le dernier né de la famille, couché dans le berceau amené de la maison.
Même l’Oiseau Moqueur dit la Pitole qui a une tête à te faire pêter l’embouligo jusqu’au nombril avé ses plumes dré sur le crâne, louchant des deux yeux, déconnant grave, parti avant que tu aies fini ta fourre de rire, oui même celui-là est suprêmement super agaçant.
Il y en a encore beaucoup d’autres. Jusqu’à trois cent soixante cinq. Il va falloir rajouter dans le compte, en plus du gibier à poil, à plumes et à pinces, Lou Titouze, la Taupe Foireuse, le Crabe Gerbeur, les trois Innocents qui sont le Cafard, le Rat, le Serpent. Et ne pas oublier les fabuleuses Chimères, Licornes, Sphinx, Pégase, toutes ces bêtes légendaires qui se sont choisi la Montagne du Faron comme terre natale.
-- Et maintenant cria Granie du haut de son estrade, au milieu du charivari des dizaines de comédiens z’en goguette, voici la fin de cette histoire ancestrale, que peu de gens connaissent. Je la termine comme d’habitude. La saison prochaine je vous recommencerai l’aventure avec l’aide de tous ceux qui se souviennent et qui veulent bien revenir du fin fond du monde pour montrer à tous les terriens, leurs frères, leur merveilleux savoir faire.
En attendant, il reste plus aux acteurs de cette pièce impromptue, qu’à venir saluer.
Devant la foule qui se pressait sur l’estrade en dansant, les orchestres de tous les pays accordèrent leurs instruments et la vraie nuit de la Fête commença.
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