L\\\'Enfant qui venait du futur

Lisbeth. Vendredi 16/09/2011, 7 heures. La galine verte.

 

 

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            Frank est venu me chercher alors que j’étais en train de farfouiller dans mes contes du Faron. J’avais ressorti la « Galine Verte », un de mes préférés. Voilà l’histoire :

 

            Cette troisième veillée de la saison à la Bastide allait devenir mémorable. Il  avait fait toute la journée un temps très lourd. Les petits, à cause de la chaleur étaient énervés comme des mouches, hargneux tels des teignes ravagées par le tracassin. Les taloches voltigeaient  au dessus des crânes, comme par miracle, sans les toucher. Car dans le midi on ne frappe pas les nistouns  même avé des plumes.

           

              Granie éleva la voix et la foule se calma. Il n’était pas question de l’énerver. Le silence

finit par se rétablir, et pendant que les doigts s’occupaient à éplucher des haricots pour le déjeuner du  lendemain, le récit des contes du Faron se déploya dans la nuit piquetée d’étoiles, fixées en équilibre dans l’air. Les cigales s’en donnaient à cœur joie sous les orangers, pendant que la lune  se levait au dessus de la pinède.

 

             --  Hier soir, avant que Singbé nous régale de la légende du fleuve Limpopo, nous étions avec le conte de la petite Bess d’autrefois et son copain Tienet, dit aimablement Granie en souriant à la fillette du même nom. Ils avaient déjà fait la connaissance de leur nouvelle copine, Elodie, la Fée Lumière.

 

             Les deux enfant s’adoraient et tout aurait dû être dans le meilleur des mondes, mais il y avait un os. En effet, par malchance, ce petit Tienet n’allait jamais à l’école, à cause qu’il avait une jambe plus courte que l’autre. 

 

             Un matin qu’il avait voulu sauver son canari de la gueule du chat. il était tombé « tresse » malencontreusement sur la pierre de l’entrée qui sert à détacher la terre du fond du pantalon et  pour ça, nommée communément gratte-cul. Là, il s’était fait mal presque irrémédiablement.

 

              Du coup il avait pris prétexte de la douleur de la jambe pour ne plus descendre jusqu’à la classe de Maistre Martin. Et le père qui n’avait plus que lui depuis la mort de la mère, n’osait pas insister à cause de la mauvaise santé du genou.

                                                                                                                                                        

            Oh il aurait pu, s’il avait voulu, en faisant un très très grand effort, descendre au village 

au pied de la montagne pour suivre l’étude. Mais il préférait faire l’école buissonnière. La miéja, comme on y dit ici. 

 

            Car il faut vous le dire, Tienet il aimait de beaucoup les oiseaux. Il adorait tellement tout ce qui vole, les faisans, les perdrix, les alouettes, les serins, les ramiers, les bécasses, les étourneaux, les pigeons voyageurs, les oies cendrées, les hirondelles, les cigognes et tous  les autres, qu’il avait  toujours une invention pour rester avec eux.

                                                                                                                                               

            Et peuchère ! Des oiseaux y en avait à l’Aubisque ! Tienet il les connaissait tous.Y venaient  lui apprendre plus de choses qu’il aurait pu en découvrir dans les livres. Les pinsons lui faisaient faire des dictées de triolet que l’enfant recopiait avé les aiguilles des pins. Les grives, les merles, les moineaux traçaient aveque leurs pattes, des lettres dans le sable pour lui montrer l’écriture. Le rossignol lui enseignait le chant : Tuou, tuou, tsiiiii…

                                                                                                                                              

            Il se faisait de la lecture avec l’heure de l’horloge du village d’en bas et avé les graffitis

des  murs de la Mairie, grâce à l’Aigle qui lui montrait comment aiguiser son regard pour le rendre aussi perçant que le sien. La pie lui apprenait le calcul mieux que les savants. Et puis y avait pas  que les lettres, les mathématiques, le chant, les chiffres, la musique, le dessin que le gamin apprenait de ses maîtres à plumes. Y avait aussi la ruse. Car les volatiles du Faron sont très rusés. Ce sont les bestiaux les plus rusés pour la ruse.

                                                                                                                     

            Il en existe 365, un pour chaque jour de l’année. Et chacun a son espécialité. Leur manière à tous est celle du « Trompe Chasseur ». Car c’est bien une bonne action que de ridiculiser cet  être malfaisant toujours prêt à tuer le gibier inoffensif. Naturellement en cas de disette, personne ne dit  rien. C’est légitime défense pour cause de survie. Mais MEFIE ! Si c’est pour le plaisir, alors le  Faronnais qui tient beaucoup à sa faune personnelle à poil ou à plume, y se fâche rouge. Parce que  les assassins d’oiseaux, de lapins, ou même d’escargots, c’est toujours des estrangersses. Jamais des autochtones.

 

            Donc avec des professeurs pareils, Tienet il avait pas besoin de rejoindre les autres élèves. Mais Bess insistait tellement qu’un matin il décida de l’accompagner. Alorsse qu’ils s’engageaient  dans le sentier, clopin - clopant, balinette - balinant sur le chemin de la descente abrupte, ils virent arriver un de ces ignobles individus déguisé avec des vêtements de camouflage vert-marron et des branchages sur la tête. HI – DEUX !

                                                                                                                                            

            Les deux enfants reconnaissent tout de suite, Jo Mélou le marseillais, dit le Cakou, frère de Maîstre Mélou  le notaire.  Et tout de suite,  y se cachent derrière le buisson pour voir ce qui se passe.

 

            Après avoir fait tout son esbrouffe, Jo le Cakou, lâchant d’énormes jurons MALSAINS

et tapant du pied pour bien se faire remarquer de tout le gibier du voisinage, y se déshabille complètement. Il place les vêtements avèque le fusil sur un petit arbuste, de façon à faire accroire qu’il y a là un chasseur chassant au cul levé. Et une fois tout nu, il va se cacher dans un fourré de derrière pour espincher dans l’attente.

                                                                                                                                            

             Au  bout  d’un  moment,  la  Galine Verte  en  promenade  matinale, elle débarque aimablement. C’est une oiselle très particulière.  Quand  elle se pose par terre,  de face elle se confond en tous points à l’herbe drue.  Mais  de face seulement. 

                                                                                                                                                        

              Ce jour - là, lorsque la  Galine verte voit cette sorte d’épouvantail représentant le chasseur, elle se fait pas de mauvais sang. Elle connaît bien le Cakou. Elle sait qu’il la rate toujours. Sans affolement, elle se pose dans la verdure pouf, face au piège, pour se mélanger tout   à fait aux brins d’herbes.

 

           Pôvre malheureuse ! Parce ce qu’elle sait pas qu’elle est devant un vulgaire déguisement !

 

            Du côté du danger elle est bien devenue invisible. Mais par derrière, le chasseur peut contempler la bestiole dans toute sa splendeur. Ce qui fait que l’ignoble personnage bondit brusquement, l’attrape et la met dans sa gibecière.

                                                                                                                                                

            Bou Diou ! Le pauvre Tienet est sur le point de se trouver mal. Il veut sauter sur le répugnant pour lui arracher les yeux. Mais Bess le retient en lui disant,  avec raison, qu’un être aussi cruel est capable de les tuer également tous les deux.

 

            .-  Té ! Je sais ce que je vais faire s’écrie Tienet. Je vais appeler la Poule du Diable

                                                                                                                                              

            C’est une bête du démon, dite familièrement la Poupoule. Elle est plus grosse qu’une dinde  de Noël, forte comme un bœuf et presque aussi grande qu’une autruche. L’affreuse gallinacée sort surtout à la Toussaint pour, dans sa promenade, insulter avec grossièreté tous les méchants qui se trouvent sur son passage. Tienet pousse son petit cri d’appel = Tihou, Tihouhou.

 

            Et la Cocotte infernale que l’enfant avait déjà sauvée plusieurs fois du danger, arrive à toute vitesse. Elle voit tout de suite la scène : La Galine Verte dans la gibecière et les pleurs des deux  pitchouns. Vite, sans perdre de temps, elle se précipite sur le Nuisible en criant : Cokéri ko !

 

            Puis elle le provoque en ricanant d’une voix terrible et très intelligible :

                                                                                                                                            

            -- « Véni, véni mi cercar! » Ce qui veut dire en langue moco : «Viens donc me chercher !» Pour finir elle se met alors à l’insulter de tous les mots corrompus que le diable lui a appris :

 

            --  Cagole, pute -borgne, cougnias, trouduque, carogne, vérole, bordille, fan dé chine, caillerai, plusse bien d’autres qu’on ne peut répéter ici. Elle vomit  grassement ces mots délétères  qui sentent le souffre. A cet instant, Jo le Cakou se rend bien compte que c’est un volatile par ordinaire. Il prend peur. Il se dit :

 

            --  Aqueste  acco ?  Est - ce que ce serait pas la Poule du  Diable ? Celle  qui sort surtout le jour de la Toussaint ?

 

            Et OUI !  C’est  elle ! Quelle  horreur ! Alors à ce moment là, y lui prend les trois sueurs.  Effrayé, il se met à battre en retraite. Mais l’animal avance vers lui. Il recule, recule de plus en plus vite ! Elle lui court dessus. Impossible de s’en dépéguer.

 

             Malheureux ! Effaraffolé, la gorge serrée, les globes des yeux lui sortant des orbites, le cago – braô prend ses jambes à son cou, oubliant tout : le fusil, les vêtements, la gibecière. Ce qui  fait que Tienet n’a qu’à libérer la pauvre Galine qui s’enfuit en lui disant : Merci bien, je te revaudrai ça!

 

            Pendant ce temps, l’ignoble, l’infâme, l’abject dégoûtant, poursuivi par la Poupoule, descend le Faron à toute vitesse. Il arrive en bas, dans les rues de Valbourdin. Et tout le monde de s’estrasser de rire à mourir en le voyant tout nu, qu’on lui voit les alibofis.

 

            Le cagas  échevelé livide, tremblant de tous ses membres se précipite dré chez lui. Y se couche en se bouchant les oreilles devant toute la famille Mélou ahurie et y pleurniche :

 

            --  Bonne Mère ! Des gros  mots comme ça, Troun  dé Bou Diou, c’est sûr que je ne veux plus jamais les entendre !                                                                                                                                                                                                                                           

            Pendant trois jours, l’immonde coupable, profil bas, en eut le bati-bati. Il passa son temps à se nettoyer les tympans à l’eau de vie et à se rincer la bouche à l’eau de mélisse.

 

            Voilà comme Bess n’a jamais pu décider Tienet à se rendre à l’école. Il a trop peur qu’un vilain corrompu vienne encore faire son néfaste travail pendant qu’il s’absente.

                                                                                                                                               

            Et bien, happy end ! C’est le maître qui est venu dès lors deux fois la semaine, élèves en tête pour faire la classe  sous la ramé-éheu, c’est à dire sous les  branchages des oliviers. Et il a comme assistants, tous les chanteurs, siffleurs, gambadeurs et caqueteurs de la forêt, ces fameux trois cent soixante cinq oiseaux diaboliques, dit les ploumiasses du Faron.

 

            --  Et maintenant, termine Granie, c’est l’heure du coucher et y a pas de non qui tienne. Je vois les mamans qui font les gros yeux. Demain, je vous raconterai l’histoire de la Pie Calculette. Mais demain est un autre jour.

 

            Je propose aux enfants d’aller border les tous petits en leur chantant une belle chanson,  pendant que les grands m’aideront à finir d’éplucher les légumes pour la soupe de demain.  

 

             C’est comme ça que la soirée s’est finie dans un bruit de chaises, de rires et de musique douce :  Fais dodo Colas mon p’tit frère, fais dodo, tu auras du gâteau.

 



16/09/2011
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