Bess. Lundi 12/09/2011, 10 heures. Les Contes du Faron. Suite d’Adam et Eve.
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Tout va bien. Les affaires reprennent. Ce qui veut dire que les vacances sont finies. Frank n’a pas l’air d’apprécier. Je me demande si ses nombreuses petites amies ne l’on pas plaqué toutes ensemble. Il a un caractère de cochon. Il parle nerveusement. Il change quatre fois de vitesse à l’arrêt de chaque feu rouge.
J’ai retrouvé sous mon lit une pièce de théâtre que j’avais écrite il y a cinq ans. Je l’avais complètement oubliée. Je la trouve très drôle, mais dès les premières phrases, Frank a craché avec une gueule de doberman : « C’est exécrable. » En voyant mon regard navré il a ajouté : « Je préfère tes contes.» Alors j’ai ressorti la suite d’Adam et Eve, ce qui fut le début de tous les soucis de l’humanité, avec nos errances désordonnées au travers de la Planète. Et là, il a écouté par ma voix, la voix de ma chère grand-mère :
-- En cette deuxième soirée l’ambiance était encore plus survoltée. On avait vu arriver dans l’après - midi, un groupe d’immenses africains et de belles dames imposantes, dignes et noires, rutilantes dans leurs boubous colorés. Les djumbés placés près de la terrasse de la cuisine, attendaient calmement que la nuit finisse de tomber.
Granie, l’air de rien, distribuait des masses de légumes à éplucher pour le déjeuner du lendemain. Personne n’osait braver la coutume en refusant. On attendait avec une impatience fébrile, la suite de l’histoire du tout début des temps. Enfin, le calme se rétablit et la vieille dame démarra.
-- En reprenant le récit où on en était restés hier avec la Fée Lumière et les deux enfants Bess et Tienet, on voit que la bêtise humaine est incommensurable. Je n’ai pas besoin d’insister. Les deux petits, ahuris d’apprendre que sans la gourmandise de leurs deux ancêtres, Adam et Eve, ils seraient encore ici même au Paradis, en auraient pleuré. Les voyant si contris, la Magicienne Elodie les embrassa avant de continuer l’histoire.
-- Ainsi donc, chassés de l’Eden, honteux, tous nus, en pleine cagade, Adam et Eve descendent penauds de leur merveilleuse colline. En bas de la montagne le paysage est nul. Il faut le dire.Y a des marais que les romains assainirent par la suite pour en faire Tholon, le premier port de guerre de la Gaule. Ce qui n’était pas forcément une bonne idée. Les moustiques y transportent toutes sortes de maladies comme la malaria, la peste, le typhus, le paludisme.
Bref, Adam et Eve ne raffolent pas du tout du coin et ils partent vite fait vers l’Ouest, pour arriver bêtement dans un endroit pourri qui prit un jour le nom de Marsillia. Là, les ennuis continuent avé la naissance de Caïn et d’ Abel. Car c’est des enfants un peu turbulents. Surtout Caïn… Ils se disputent. Y se battent comme des chiffonniers. C’est horrible. Finalement, Eve qui en peut plus, elle se pense :
-- C’est pas possible ! Je vais me les renvoyer un moment sur le Faron. Comme là bas c’était le Paradis, ça ne peut pas leur faire de mal d’en tâter l’ambiance. En tous cas, en haut, il y a le Grand Chef et peut-être qu’il leur fera peur ?
Mais les deux imbéciles au lieu de grimper sur la montagne, par flegme y bifurquent vers deux îles placées dans la rade, que par la suite on appela les « Deux Frères », à cause d’eux, ces maudits frangins. Mais à ce moment-là elles se nommaient encore les « Deux Merveilles ».
Ah! C’étaient deux rochers couverts d’orangers, de fleurs gigantesques galopantes, de fruits juteux, aussi savoureux que ceux du Paradis. Le Caïn qui était cultivateur prend le plus grand en tant qu’aîné. Abel le berger y doit se contenter de l’autre.
Mais, manque de bol pour le premier, il se trouve que l’île la plus petite, c’est la plus belle, avèque une merveilleuse lagune bleue, que le Commandant Cousteau a choisi plus tard pour faire sa première plongée sous-marine, avé Jojo le mérou qui venait lui manger dans la main.
Cette affaire est embêtante. Surtout pour Caïn. Il veut changer. Abel y veut pas. Ca les énerve. Ils se bagarrent comme deux chiens galeux, deux bêtes féroces. Caïn qui est un testard aussi têtu que sa mère, il prend un caillou. Y tape sur la tête de son frère qui tombe mort : FLOUF ! Ce qu’il ne fallait pas faire.
Bien sûr, il essaye de le réveiller. Parce que la mort, y sait pas ce que c’est. Il a jamais vu ça. Mais rien à faire. Alors, tout emmouscaillé, y se dit :
-- Oulala ! J’ai fait une couffe ! Si maman elle apprend ça, ça va faire encore une histoire du diable. Comme je peux me le camoufler ? Té, j’ai une idée. Je vais me l’encafourner au fond de la mer, sous des rochers.
Puis, bref, il cherche à l’oublier. Hélas, quand y vient pour se baigner, dans cette lagune d’un bleu pas possible avé des algues mauves ondulantes, quèque chose le gène. Entre deux pierres, l’œil d’Abel au fond de sa tombe marine, y regarde Caïn, comme pour lui dire en ricanant :
-- Ah, ah, ah ! Un jour tu seras puni.
Vaï! C’est une affaire qui le déprime estrèmement et y commence à dépérir. Pendant ce temps là, le Créateur dans le ciel, il était occupé à se bricoler d’autres mondes. Y se disait : Les gens que je vais inventer cette fois-ci, je vais pas me les louper. Passeque les premiers, y z’étaient vraiment des bestes d’estrasses par trop désobéissants.
Y regardait pas trop sur la terre. Mais enfin quand même Dieu, c’est Dieu. Il est au courant de pas mal de choses. Un matin y jette un œil. Et alors, qu’est-ce qu’Il voit ? Abel mort et son frère en pleine déprime ? Oh malheur ! Tout de suite, Il comprend. Il bat des parpèles et demande à l’achachi : Qu’est-ce que tu as fait d’Abel ?
-- Tè, répond le coupable, tu me l’as pas donné à garder.
Oh Malheur ! Répondre comme ça à un dieu. Tout de suite celui- ci se met à colérer et cette fois-là, y se fâche rouge. Il lui envoie la foudre. La mer s’entrouvre. Les deux îles s’enfoncent, noyant leurs arbres fruitiers, les vignes, le romarin, le fenouil. Il laisse juste dépasser seulement deux sommets rocheux noirs et pelés en souvenir du crime.
Caïn, y se trisse vite fait. Les deux roches, de maguegnifiques qu’elles z’étaient, elles deviennent tout estrancinées, arides, noires, désertiques, déchiquetées, découpées comme un torpilleur.
Même que les italiens, lorsqu’ est arrivée la deuxième guerre mondiale, qu’ils se sont battus contre les français, en frères ennemis pareils que Caïn et Abel, y les ont bombardés dans une grande débâcle intestinale de cagague, croyant, par un beau fait d’armes couler un cuirassé. Basta ! Y z’avaient juste ratatiné un peu plus les deux frères.
Donc, ne voilà-t-y pas, que lorsque Caïn tout mortifié revient à la Marsillia, près de ses parents, le Mistral se lève. C’est un vent froid, violent, désagréable, qui soulève tout sur son passage. Il fait partie des trois cent soixante cinq vent faronnais, mais en arrivant sur la Canebière, y se déchaîne pire qu’ailleurs. Bordille ! Le climat se dégrade parfaitement et le temps devient complètement pourri.
Alors toute la famille s’embarque faire le tour de la terre dans le sens de l’été, pour avoir toujours chaud et pouvoir manger à longueur d’année, fruits, légumes, semences de toutes sortes.
En se promenant, Adam et Eve y profitent du voyage pour se faire beaucoup d’enfants. Et ils sont bientôt des milliers à se déplacer par groupes de cinq cents personnes, se nourrissant de cueillettes, replantant derrière eux dix graines pour une.
La vie est devenue tout à fait joyeuse. C’est la fête permanente. On s’arrête à la demande. On rencontre des amis. On danse. En marchant on apprend à lire, à broder des perles, à danser et surtout à chanter des ritournelles :
-- Un grand pas et un poussin, ça ne coûte rien. Deux petits pas et deux œufs, ça me coûte un peu. Trois grand pas et quatre patates, ça me coupe les pattes. Un, deux, trois, nous marchons au pas. Quatre, cinq, six, cueillir des cerises. Sept, huit, neuf, la poule pond un œuf. Dix, oh hisse, que j’ai mal aux cuisses.
Un jour, ils se retrouvent au bas du Faron. Il n’y a plus de barrière, ni de portail. Le paradis est devenu un peu aride. Il y pousse plusse de caillouxes que d’arbres z’exotiques. Mais on y trouve encore des olives, des tomates, des figues, des fraises, des amandes, du raisin et bien sûr, les fameuses cerises jaunes plus grosses que des poires, et qui sont si bonnes que lorsqu’on s’en avale une, on a la connaissance de la liberté. Cerise magique et non pas pomme comme une vile propagande normande voudrait nous le faire accroire.
C’est Adam et Eve qui sont contents d’être revenu! Parce que si le dicton dit : «Qui se lève du Faron se lève de la raison », il dit bien encore la fameuse formule : « Qui y revient souvent est heureux pour longtemps.
Alors ils font une fête immense qui dure des mois et des mois, des années et des siècles avec des chœurs, des balétis, des jeux, des rires, des festins et plein de sortes de galéjades.
A la veillée, les baladins décrivent toutes les choses bizarres qu’ils ont vues de par le monde au cours de leurs voyages : « Des tigres parés de colliers de fleurs, des éléphants vêtus de manteaux de soie brodée de perles, des graciles danseuses au long cou de girafe cerclé de colliers en fer ».
Tous les jours des voyageurs en retard viennent les rejoindre pour s’installer sur les restanques pour quèque temps.
On voit arriver des géants habillés de fourrure, des petits gnomes parlant une langue claquante : Clic, clang, clac. Des joueurs de cornemuse, de lyre, de cithare, de tambourins, de flûte, de cymbales, débarquent en cadence devant des hommes jaunes tirés par des yacks, suivis par des danseuses gazelles gracieuses comme des elfes.
Les farandoles mélangent les peuplades. On crie. On se tape dans les mains. C’est coucarin de voir ça. Tout le monde s’amuse. Et on ne rencontre pas un seul rompe-figue pour vous casser les bonbons en vous traitant d’estrangersse, puisqu’on est tous parents. Cela a duré des lunes et des lunes et pendant plus de mille milliards de soleils.
La Fée Lumière au corps de belette appelée Elodie s’arrêta de parler. Elle gardait pour plus tard les récits de légendes du moyen âge, les ragots de sorcières tapies dans les rocailles, les potins que les bêtes à poils z’et à plumes se répètent le soir derrière les touffes de thym.
Et moi conclut Granie, je prépare pour demain, la suite des contines, puisque je me suis donné pour mission de recommencer ici, dans cette Bastide de l’Aigle, à la mesure de mes faibles moyens, la Fête des Contes de tous les Pays. Vaï, et je lance un appel international pour que tous les copains de la Planète y z’envoient leurs légendes que bientôt plus personne s’en souviendra.
Car bientôt malheureusement il ne reste plus de baladin, de colporteur. Et comme grand-mère pour les veillées autours du feu ou sous le figuier durant l’été, après moi, plus personne ne se souviendra de nos vieilles légendes.
Par chance oui, ça tombe bien, je vois enfin venir mon vieil ami le conteur Singbé l’Africain. Il va nous dire une grande fabule de son pays accompagnée de sa musique du temps qu’Adam et Eve avaient mis au monde le grand papet du papet, de tous les papets de Singbé pour faire de nous tous ses cousins. Il vient partager la grande fraternité de la fragile Mémoire du Monde en train de disparaître et de s’effacer inéluctablement. En effet, les grands mères, les funambules, les colporteurs sont maintenant remplacés par la télé, les X box et l’internet. Heureusement Singbé et ses frères sont là pour perpétuer nos souvenirs.
-- C’est au bord de la rivière Limpopo, commença enfin Singbé, lorsque tout le monde se fut tu, que vivait la belle grenouille cendrée Bellamare.
Et le conte se continua sous les cris des youyous, les résonnements des tambours. Quand le conteur, accompagné de son djumbé eut fini, il se leva et la main sur le cœur, il salua sous les applaudissements de la foule z’en liesse. Alors Granie donna rendez-vous à son public pour le lendemain, ce qui était la meilleure idée qui existe que c’est rien de le dire.
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