L\\\'Enfant qui venait du futur

Thomas. Samedi. 21 Octobre 3009. 8 heures du matin. Archives.

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Thomas. Samedi. 21 Octobre 3009. 8 heures du matin.

 

Bien que passionné d’archives, Thomas n’a pas une vocation d’historien. Il adore les évènements qui modifient la pensée d’un individu. Mais les évènements sociaux l’ennuient. Il pense que cela ne sert à rien dans la vie. Sauf pour amuser et  instruire celui que l’Histoire avec un grand « H », intéresse.

Il ne se souvient que d’une seule affaire qui l’avait terriblement choqué : « En France, Charles Martel avait arrêté les Arabes à Poitiers ». Mais pourquoi était-ce important ? En plus, il ne se souvenait même pas de l’année.

Une seule chose était claire : Il n’avait jamais eu besoin de se servir de cet évènement, ou même de le glisser dans une conversation, quelle qu’elle soit. Il se demandait bien pourquoi on gorgeait la mémoire des enfants des années 2000, avec toutes ces sortes de choses inutiles. Ils n’en faisaient jamais rien, et cela leur encombrait la tête. Du coup, ils n’avaient plus le temps d’apprendre des informations importantes… au moins, pour eux.

Ce matin, Léa et Milo ont débarqué dans sa chambre dès huit heures. Ils sont très surexcités, à l’idée de la journée prévue depuis la veille. Lister leur a demandé de rejoindre Rem en Archives, pour reprendre les notes relevées en l’année 2009, au moment de la création de la Ville Bulle, et du prélèvement d’un million de cellules souches.

En effet, c’est également à cette époque, que la Fusée US avait été mise en route. Tous les spécialistes, un peu pointus en archives du vingt et unième siècle, savent cela. Mais Lister, désire aller plus loin. Il veut vérifier l’attitude des Américains au moment de la création de l’opération, et surtout connaître la personnalité des premiers explorateurs de l’espace.

Les conversations, les boîtes noires, les enregistrements relevés sur terre avant le grand départ, dans les stations d’embarquement, permettraient de mieux cerner les intentions de retour des chefs.

Milo a prévenu P.P. du rendez-vous. Depuis la fête de la musique, le nain devenu leur copain, passe son temps dans le rayon des archives, spécialisé dans l’histoire des cellules souches et du clonage.

Après un petit-déjeuner copieusement énergétique, passé au Resto de Base, les quatre pré-ados se dirigent vers la Grande Salle A. Tout au long de leur parcours en escalier roulant, le soleil déjà haut les baigne de sa lumière vivifiante.

Prévenu par Charly, Rem les attend déjà. Il a disposé sur la longue table centrale, les notes correspondant aux dates prévues. Sur le mur d’en face, il a prévu de projeter les images correspondantes. De clic en clic, ils vont pouvoir retracer l’histoire de l’époque 2008 et 2009.

C’est tout d’abord la vision d’un événement piraté, lors du G8 2009, par un certain Delpierre, journaliste de l’AFP, qui démarre. Les prises de vue ont été fixées pour la postérité, par les caméras de surveillance des sous-sols. Placées au dessus du reporter, elles ont enregistré non seulement les conversations des responsables de la création de la Ville Bulle, mais aussi, les réflexions et notes du reporter.

Puis, de loin en loin, on retrouve ce dernier et sa compagne, à Oslo, à Quito, à Paris. On remarque sa stupeur devant l’énormité de ses découvertes : « D’une part, le démarrage de la Ville Bulle et la création de ses nouveaux habitants clonés.

D’autre part, la décision US, de prendre le parti d’un envoi de sauvegarde de l’humanité, vers Rigel Kantaurus A ».

Ces deux actions simultanées, provenaient du constat d’échec total de sauvegarde de l’homme et de sa planète nourricière, en tant que support valable.

Thomas est abasourdi. Il n’en revient pas. Ou plutôt il va sans s’en douter «en revenir », sans jeu de mots. Cette découverte va le bouleverser, lui et ses amis, d’une manière qu’ils n’oublieront pas de sitôt.

L’histoire de Delpierre, reporter à l’Agence Française de Presse de l’époque, y est retracée dans ses grandes lignes. Ses trouvailles au sujet des deux grands projets de 2009, 2010 et la suite, décrivent par le menu, les travaux commencés au Gabon pour la Ville, en même temps, que la fabrication de la Fusée US. Grâce à l’aide de sa complice, Maggy Pullman, Gérard remonte à la source qui a déclenché ses investigations, pour décrypter l’histoire.

Installés devant l’écran, les quatre jeunes découvrent que le reporter, vers la fin de son enquête, entend parler d’un Blog, écrit par une jeune femme nommée Lisbeth Rambert. Il s’intitule : « L’Enfant qui venait du Futur ». Le journal raconte la double enfance de l’héroïne, qui croit qu’elle a vécu dans les années 3010 de la Cité actuelle.

-- On doit pouvoir retrouver ce Blog sur l’Internet de l’époque, avance P.P.

-- Ca y est ! J’ai cliqué dessus. Je suis passée par Canalblog et les mots Enfant/Futur m’ont donné deux cent quarante titres, dont un seul complet. Le voilà, je l’ai trouvé, s’écrit Léa, en battant des mains.

-- Ne me crie pas dans les oreilles, gronde Milo. Tu as une voix perçante quand tu t’excites !

-- Mais, c’est que je l’ai trouvé !! C’est ENORME ! Il parle de Thomas ! Et de nous aussi ! Les trois amis d’enfance sont stupéfaits. Dès la première page, ils découvrent leurs noms. Leur façon de vivre dans la Bulle y est racontée dans les moindres détails. Thomas est au bord de l’évanouissement.

-- Elle dit qu’elle est TOI ! Murmure P.P. Tu crois à la réincarnation ?

-- Pas du tout… Enfin, j’aimerai mieux pas…

-- Pourtant, elle se souvient de beaucoup de choses, celles qui sont en train de se passer en ce moment même, ici… dans la Bulle. Ce qui surprend surtout les terriens de l’époque, c’est que notre « Cité » fonctionne grâce à l’énergie gratuite et illimitée, venue des étoiles

—Peut-être qu’elle nous voit de là-bas. C’est tout. Elle dit qu’elle est « moi », mais c’est pour son roman. Ce n’est qu’un roman, peut-être finalement ?

-- En tous cas, elle ne dit rien sur la fusée US, mise en orbite avant le décollage définitif. C’est ça qui intéresse surtout Lister…

-- C’est vrai. Il nous a commandé un travail. Ne nous éparpillons pas sur Lisbeth. Si intéressante et sympathique, soit-elle. Milo est hésitant.

-- Mais c’est trop important pour Thomas, insiste Léa, en regardant ce dernier avec inquiétude. Oh non, Thomas, je t’en prie… Le garçon s’est mis à pleurer et Léa le prend dans ses bras, en le secouant gentiment.

-- C’est vrai que c’est troublant… P.P. oubliant ses interrogations récentes, au sujet de son propre passé, se gratte furieusement la tête. Il est lui-même au bord des larmes.

Alors, pendant une heure, oubliant Lister et sa fusée, ils lisent ensemble, avec un affolement grandissant, le Blog de Lisbeth. Cette histoire leur semble hallucinante. Ils n’avaient jamais rien entendu de si étrange.

-- Mais toi, demande Milo, tu ne te souviens pas de cette fille et de son enfance sur cette colline du midi de la France, appelée le Faron ?

-- Non. Pas du tout. Cela ne me dit absolument rien.

-- Pourquoi dit-elle, qu’elle ne nous voit que jusqu’en 3012 ? Et pas après… On sera tous morts ? C’est ça ?

-- Non, rétorque Léa. J’ai bien noté qu’elle ne nous voit pas disparaître. Elle nous devine dans une boule lumineuse et elle s’attend à tout. Peut-être même, à nous voir débarquer chez elle, en 2012, puisqu’elle accole son temps au nôtre, à mille ans près.

Thomas s’affole ! Il bredouille.

-- Mais alors, elle et moi, nous serons deux fois la même personne, en même temps, au même endroit ? ! P.P. réfléchit à toute vitesse :

-- Oui, ça c’est drôle ! Admettons que tu sois Lisbeth mille ans après elle… OK. Déjà, ça c’est dur à avaler… Qu’elle se souvienne de toi, de sa vie mille ans plus tard, en 2010, en bousculant les espaces/temps ? D’accord, Einstein nous a déjà bien embrouillé la chose… Mais, que le continuum/espace/temps, ne soit déjà pas assez compliqué, pour que… en  plus… il fasse vivre la « même » personne, dans deux corps différents, deux vies différentes, etc… Je panique, je n’en peux plus, je me rends, au secours…

—Vite, appelle Lister, crie Léa à P.P. Thomas est en train de s’évanouir.

Finalement la cellule de crise formée abruptement se mit à fonctionner, comme toujours dans la Cité dans pareil cas... avec efficacité. Henri, le Chef de Contrôle Psycho - physio, se déplaça lui-même, en personne. Et au bout d’une demi-heure, l’affaire était réglée.

Il n’était pas dit que le groupe d’ados n’aurait pas quelques velléités de panique cérébrale, de loin en loin… Mais la base psychologique de chacun avait été reconsolidée avec adresse. Et comme l’a dit Henri sentencieusement :

-- On s’en fout de ne rien comprendre aux lois de la physique, de la cosmogonie, ou de « e = mc2 », l’essentiel est de vivre BIEN, dans l’instant présent. Vous l’avez lu dans le récit de la petite Bess, en 1980. On DOIT être heureux, à chaque seconde. C’est donc ce qu’elle avait retenu des années 3000, dont elle revenait, ou d’où elle croyait revenir.

-- Merci Henri, dit Rem. Vivons donc dans le présent. Et cela tombe bien… Lister nous demande d’étudier le problème d’une fusée US, qui nous revient en trombe des années lumière. Je vous propose de faire une pause. Il est midi et demi. Passons dans la Salle de Réunion, pour faire une petite fête. Qui a faim ?

-- Moi, moi, crièrent Pépé et Milo en même temps… pendant que Thomas faisait une petite moue courageuse et un peu dégoûtée à la fois.

La grande pièce était pleine de ces « fanas » des temps passés. Toujours fourrés en Archives pour comprendre mieux leurs existences, ils formaient une bande de joyeux copains. La vie de Thomas les passionna illico. Lisbeth, la jeune femme des années 2010 vivait deux vies, et lui le pré-ado, n’en a qu’une seule : la sienne !

Et même si Thomas et Lisbeth se rencontraient en 2012, ils ne seraient plus la même personne, puisqu’ ayant vécu dans des corps différents, leurs acquis les séparent. Les mémoires de leurs ancêtres génétiques aussi. Il n’y a pas de quoi s’affoler.

L’agitation de la Salle d’Archives était pourtant palpable.

Des bribes de l’histoire de la Fusée US, circulaient déjà, de-ci de-là.

Quelques acharnés picoraient des informations, soit dans les infos de 2009, soit dans le récit de Delpierre. Malgré toutes ces données, il n’y avait aucun risque pour que Thomas soit en difficulté. Au contraire, chacun s’efforçait à le réconforter.

Car, chacun sait, sans même y réfléchir, que le confort de l’autre, est plus précieux que son propre confort, et ce, dans son « propre » intérêt. Tracasser le pauvre garçon, en lui rappelant inconsidérément l’énormité des confidences d’une jeune femme, faites mille ans auparavant, équivalait à l’obligation de passer ensuite des heures, à le consoler.

Merci. Personne, ici dans la Ville, n’a envie de s’embêter avec un problème que l’on peut éviter, en faisant un léger effort de compréhension et d’attention à ce que ressent autrui. Et de plus, chacun fit sentir à Thomas, que son affaire était bien excitante. Vers dix-huit heures, il en était tellement convaincu, qu’il se mit à chanter un de ses slams qu’il aimait tant. Et tout le monde lui donna la réplique.

La journée touchait à sa fin. Finalement, elle avait été époustouflante de surprises. C’était vraiment un beau jour. Thomas le ressentit enfin comme tel.

Quelle bonheur de penser à toutes ces informations qui avaient été partagées entre tant de gens proches de soi, et si attentifs à ce qui nous arrive.

Le problème de la Fusée US, reprit de la priorité. Un groupe de volontaires, dont les quatre ados, se dirigea vers la Cabine de Lister. Le Commandant Senders crachait toujours, par sa boîte vocale traduite en langage robot, le fameux message de trois minutes, toutes les 24 heures.

Mais, les études de Lister et de toute l’équipe, Rem et Henri compris, auxquels s’était jointe Madonna, essentielle pour l’équilibre affectif de son chouchou, n’arrivaient toujours pas à connaître le profil de l’Etat Major et des passagers du voyage spatial de 2026.



15/05/2011
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