L\\\'Enfant qui venait du futur

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Emilie le 04 juin 2011. 14 Heures.

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Emilie. 04 juin 2011. 14 Heures.                                                           

 

--  Depuis tout à l'heure, mon problème ne s’arrange pas. Lisbeth et Fred m’assurent   qu’ils vont m’aider.  Le journaliste d’investigation Gérard Delpierre et aussi sa femme, m’ont impressionnée. Je leur fais totalement confiance. Mais Tanguy qui doit venir tout à l’heure, avec   le patron de la cellule « Communication » de la « Paléosoft », débarque à un mauvais moment,  tout juste à l’instant où mon père vient de me téléphoner pour me dire qu’il débarque tout de suite.

 

S'ils savaient ce que fait réellement mon père, je perdrais vite mon confortable anonymat. Il est plus facile pour moi de ne pas parler de ma famille. Je ne dois pas oublier que nous vivons  sur une planète archaïque. Pas de science fiction  la-dedans. Je ne viens pas, comme Lisbeth,  d'un autre système solaire. Du moins je n’y crois pas du tout. Ou ce serait plutôt, à la rigueur comme pour Dieu. Ni j'y crois, ni je n'y crois pas.

 

Je n'ai qu'un doute positif ouvert, oscillant à ce sujet entre 40 et 60%, de pourcentage de probabilités. Par contre depuis son enfance, Lisbeth nous répète qu’elle revient du futur. Environ de l'an 3012. Ce serait bien une vraie terrienne, mais déphasée, ou en quelque sorte déplacée. On pourrait dire que lorsque ce fut son tour de se « réincarner »  (si cela existe), elle aurait choisi la difficulté la plus grande, celle de revenir en arrière, à une époque arriérée fonctionnant grâce à   une combinaison de postulats obsolètes. Et à elle de se débrouiller avec ça pour faire connaître   aux autochtones, les divers Processus de Pensée qui ont cours, dans le Temps d'où elle vient.

 

C'est ce qu’elle ressent depuis sa naissance. Et si ça se trouve, c'est juste une impression.

 

Ce qui ne change rien à son problème. Mais pour l'instant je n'a pas le temps de songer à sa pauvre sensation d'immigrée. Je n'ai pas un moment à perdre. Tout à l'heure je reçois les quatre personnes de la « Paléosoft », qui doivent m'aider à mettre au point, un programme de jeu informatique. Le travail est intéressant, surtout pour ce que je veux en faire. Cela me permettrait de peaufiner l’IAP.

 

Malheureusement, il m'arrive cette tuile. Mon père vient de me téléphoner. Il veut passer me voir immédiatement. J'espère que ce n'est pas encore pour me parler de notre chère Lisbeth. Il ne comprend rien à sa logique. A moins que ce ne soit au sujet de mes caisses de matériel qui se trouvent encore à la maison? Je me demande bien pourquoi il veut me voir si vite.

 

Ce serait une vraie poisse s’il rencontrait les autres. Non qu'il puisse me nuire en quoi que ce soit. Il est merveilleux. Comme ma mère d'ailleurs. Je n'ai tout simplement pas envie qu'il les rencontre et leur dise :

 

-- Bonjour. Je suis le père d'Emilie. Immédiatement les autres :

 

-- Ah! Elle ne nous a jamais parlé de sa famille. Son père a de la classe, l'air fortuné. Tiens

si on lui demandait de financer notre site, ou notre projet de Start Up, ou etc.. Non vraiment, je ne tiens pas à mêler mes proches à des groupes de travail ou même d'amusement. Maintenant que je suis majeure et que j'ai enfin emménagé dans mon propre appartement, je ne vais pas me laisser piéger en mélangeant les genres.

 

Non que j'ai honte de ma parenté. Je ne suis pas aussi sévère que Lisbeth dont les vingt neuf ans d'existence sont déjà jalonnés de terribles problèmes d'adaptation. Je préfère simplement ne pas perdre de temps à rajouter au minimum de données nécessaires pour solutionner le sujet en cours, des données supplémentaires. Trop d'informations désinforment.

 

Lorsque les choses s'interfèrent trop, on est obligé d'intégrer des traitements inutiles.          J'aime mieux cloisonner, et viser d'abord l'efficacité de la création des opérations. Comme tout     se passe à chaque moment pour et par l'Instant en cours, chaque élément se traite au coup par  coup. Quel que soit l'intérêt ou le peu de valeur des nouvelles, le Postulat de base de la Logique Universelle de Rigueur de Lisbeth, est toujours en vigueur. Je le cite pour mémoire :

 

--  " L'individu crée à chaque Instant sa propre Projection dans un Univers créé par cette Projection. En rétroaction cet Univers le crée ". Toute une suite de constatations découle de cette évidence. Si c'est à chaque Instant que l'individu crée sa propre Projection, il est aussitôt forcé de la détruire pour pouvoir créer la suivante. Et ainsi de suite.

 

C'est un sujet que je n'aborde pas souvent,  sous peine de me faire incendier, comme d’habitude et depuis notre enfance, par les gens bien intentionnés. Voilà pourquoi je ne veux pas que mon père rencontre mon nouveau groupe de travail. Je viens juste d'être embauchée et ils ne m'ont pas encore traitée de fille à papa. Eux. C'est tellement pénible de mélanger plusieurs sujets. Nous aurions :

 

--  Tiens ton père a les yeux verts comme toi... A propos je t'ai apporté les dernières mises à jour des Mémoires… J'ai vu Xavier hier soir... On a parlé de toi... Mais tu ne m'avais pas dit qu'il fallait tout informatiser !... Tu  es fille unique? Et que fait ton père?

 

Cela va sûrement se passer comme ça. Je dois éviter à tout prix ces embrouillaminis. La situation pourrait devenir si gênante ! Pourtant ce n'est pas mon père qui me fait peur. Au contraire. Il est aussi super qu'il peut l'être. Mais j'ai décidé une fois pour toutes de garder les mélanges pour les réunions classiques de famille. Là, tout le monde sait qui est qui. Mais ici et aujourd'hui, quelle perte de temps pour une simple conférence de travail! Et après ! Surtout après.

 

--  Comment va ton père?

Autant me demander comment vont mes hémorroïdes, « si j'en ai ». Je serai obligée de gérer leurs propres émotions incompatibles avec ma "Mission Personnelle". Oui, je donne ce nom au but final  pour lequel je me suis programmée, grâce à ma cousine et ses fameux  «Programmes». 

 

C'est un peu grandiloquent. Je sais. Pourtant cela devrait servir à « sauver le monde ». Je    ne blague pas. Véridique. Hélas, nous ne pensons pas pouvoir y arriver toutes seules, Lisbeth et moi. Le discours est trop éloigné de ce que ressentent les gens à l'heure actuelle. Depuis le début   des temps, d’ailleurs aussi. J'ai envie chaque jour de baisser les bras.

 

Je ne sais comment nommer cette impression d'avoir à expliquer, et même à  apprendre à ce groupe de neuf milliards et quelques de terriens, comment se servir d'une  logique universelle. La méthode est pourtant tellement plus facile à utiliser, et surtout plus pratique que leurs conventions immuablement arbitraires.

 

Cependant je fais des progrès, surtout au niveau de l’Intelligence Artificielle Personnelle de Lisbeth. C'est déjà ça. J’entends un bruit de moteur, des cris. Une pétarade d'explosions éclate dans la rue. Je me penche sur le balcon, pour voir un ensemble d'engins hétéroclites faire la course au milieu de la chaussée. C’est alors que l’on sonne à ma porte.

 

--  Pourvu que ce soit papa. Comme ça, j'aurai le temps de le jeter finement dehors avant que les autres arrivent.


05/06/2011
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