Bess et les contes. Mardi 29/11/2011. DONG FU.
http://euromarktinteractive.org/ le seul journal trimestriel européen sur l'Art et la Culture (en 15 langues).
La cloche du portail de l’entrée sonnait sans arrêt depuis le matin. Ce qui, au début de la semaine dernière n’avait été que réunion familiale sympathique était devenu au fil des huit simples soirées de contes, une rencontre multiple plus intense que la fête du rock devant le vieux port au 15 Août.
D’autant plus qu’une assemblée de japonais avait fait son entrée par la grande porte, avèque la proposition de récits ancestraux accompagnés de chants, de danses, de jongleries, de rituels du thé, des arts floraux et des coutumes féeriques et instrumentales de là bas. Déjà, pendant que le conteur principal Dong Fû se recueillait sur son étroite natte de paille déployée sous l’eucalyptus géant, deux spécialistes en shiatsu se jetaient bâtonnets de bois en main, sur les abdomens d’invités avides de coutumes médicales orientales et se pensant malades ou craignant de l’être.
Quand vint le soir, Granie sereine, présenta Maître Dong Fû et le plaçant à sa droite, elle lui passa la parole. Le japonais se leva, salua trois fois. La foule, se leva, lui rendit son salut. Dong Fû, les mains jointes au niveau de la poitrine resalua pour remercier la foule qui salua et ainsi de suite pendant un bon moment, jusqu’à ce que le japonais asiatique, ce qui ne veut rien dire du tout en tant que pléonasme, se mette à prononcer :
-- Nobles Visiteurs, c’est humblement que moi, misérable moucheron indigne de votre estime, vais vous retranscrire l’aventure de la Princesse Nimala, nom qui signifie : « Perle du matin fleuri, posée dans la rosée du champs de riz ». C’était la fille la plus belle de tout le pays de la Contrée du Levant.
Lorsque Maître Dong Fû eut fini son histoire qui dura copieusement, il y eut une petite tournée de saké chez les adultes ce qui mit tout de suite l’atmosphère au diapason au dessus. Les charmantes geishas distribuèrent des coquilles orange de nature indéfinissable et voulurent ressortir le saké. Mais Granie mit aussitôt le holà. Elle était hostile à toutes les drogues qu’elles soient dures, alcool, tabac, café, thé ou tout simplement et doucement overtonienne comme le chocolat. Mais pourtant elle avait compassion pour les pauvres hères sous influence, et il n’y en avait pas deux comme elle pour faire diversion.
Une fois encore elle sut juguler la tendance du : « Il est des nôtres, il a bu son verre son verre comme les autres… », avec la bonne idée de présenter la famille de l’Amiral Granjean, citadin toulonnais de pure souche. Car, tout le monde sait que les habitants de la ville basse sont de vrais marins, au contraire des faronais d’essence toujours paysanne, c’est à dire nés de maigres cultivateurs d’olives et gardien de chèvres.
Le salut de l’Amiral souleva l’enthousiasme de quelques bretons, des Ker Mocos de Siblas et aussi de certains descendants de corsaires. Les langues se délièrent. Et que se passe-t-il lorsqu’un marin rencontre un autre marin ? Ils chantent des chansons de marins. Cela peut durer toute la nuit. Mais comme dit Granie, ça aussi cela fait partie des aventures essetraordinaires et tout le monde peut reprendre en chœur : Ho Hisse et Ho. Nous irons à San Francisco, good by farry well, good by farriwell… etc.
Pendant les joyeuses libations, il se passa un fait bizarre. On vit arriver un groupe étranges de vieilles dames descendues du sommet du Phare. Leurs faces blanches luisaient dans la nuit. On les appelait les Sorcières. Une fois l’an, elles sortaient de leur tanière pour une réunion appelée justement… « La nuit des sorcières ». Enfin c’est ce que la légende disait. En réalité, elles avaient pour identité officielle, le titre de pensionnées de guerre ou autres retraitées de la région.
Leur antre soi-disant maléfique n’était autre que la Maison de retraite du Mémorial située le long l’Auberge du Père Mathieu, créée tout spécialement pour les touristes qui viennent toujours voir l’endroit de l’attentat raté du Général de Gaule.
La petite Elisabeth d’aujourd’hui la connaît bien. Elle va souvent rendre visite à la grand Mamie de sa cousine Vivy, c’est à dire la sœur de sa bien aimée Granie. Elles vont y jouer dans la cour à « qui veut gagner le droit de léviter ». Ce qui veut dire à voler assis par terre en tailleur avé les bras qui battent comme des ailes.
Bess comme Vivy n’y sont encore jamais arrivées mais il paraît que ça se fait partout même en Amérique, où toute une Université de Los Angeles en a fait sa vocation première.
Bref, la Résidence du Mémorial qui abrite les pensionnaires reconnues veuves de la Marine ou assimilées, a la réputation d’être un repaire de Fées Carabosse. On peut dire que, malicieusement celles-ci font tout pour le faire accroire. Elles ont une bonne raison. C’est que tout le monde vient les voir à l’heure de la visite de 15 heures jusqu’à 19 heures. Et même après en cachette, pour entendre es récits horrifiques et se faire peur. Elles les leur servent à longueur de rencontre autours d’un thé au goût étrange, capable paraît-il de faire voir ce qui n’est pas.
Grâce à cette réputation sulfureuse et envoûtante, le parc d’été où à partir de minuit on entend hululer les hiboux, et la grande salle chauffée l’hiver par une cheminée monumentale ornée de chauve-souris ne désemplissaient pas. En somme voilà l’idée qu’elle est bonne pour pousser les gens à leur rendre visite. Comme il est dit ici : « Sé non é véro é ben trovato ». Ce qui veut dire en français pointu : « Si c’est pas vrai, c’est bien trouvé ».
Ce soir - là, en voyant arriver ce groupe inquiétant de douze vieilles dames z’en capuches, l’assemblée interdite resta bouche béé. Et dans la nuit silencieuse, Zette, de son nom Suzette, la plus ancienne des Mamés prit la parole.
-- Si nous avons décidé de venir vous parler à tous, c’est que la situation est grave. Nous profitons des veillées de Contes et Légendes de Granie pour vous mettre au courant et essayer de convaincre la petite Bess d’aujourd’hui, ici présente, de venir nous rejoindre dans notre combat. Comme celle du siècle passé, elle a des pouvoirs magiques et sans elle nous sommes démunies parce que nous sommes vieilles, que nous ne pouvons plus galoper comme elle dans la montagne et que l’Administration ne nous verserait plus notre pension si nous découchions tous les soirs.
A ce discours, Bess effrayée alla se cacher dans les jupons de sa Granie. Elle avait horreur de toutes ces simagrées que les Mamies dévoilaient pour se rendre intéressantes : Tables qui tournent, vases qui parlent, objets volants à travers la pièce et appelé Poltergeist, sorties de corps, Revenants familiers comme cet acharnement du chien Igor adoré qui, bien que mort, s’entête de temps en temps à traverser le living le soir, pour se laisser tomber lourdement devant la télé, avec son bruit sourd habituel.
-- Comme Elisabeth, la petite Bess d’autrefois reprit la Mamé Sorcière, celle-ci ne sait pas qu’on a besoin d’elle. Mais nous ne la forcerons pas. Quand elle aura entendu ce que nous avons à dire, elle prendra sa décision. Nous savons qu’elle ne veut pas se servir de ses dons, ni même en entendre parler.
Elle préfère jouer sur les pentes sauvages plutôt que de participer aux expériences de parapsychologie que nous faisons là haut devant les savants du monde entier venus tout exprès nous voir, avec huissiers à l’appui et tout le toutim.
C’est son droit et nous l’avons laissée pour l’instant dans l’ignorance tant que n’avions « PAS » vraiment besoin d’elle. Mais aujourd’hui, c’est différent. L’heure est grave. La mafia politique et obscure qui dirige le monde à l’insu même de ses dirigeants a décidé de s’approprier notre brave colline pour diriger ses funestes actions de ce lieu magique et de mettre la main sur notre montagne.
Ses membres que nous appelons les « Puants », ont découvert que toutes les énergies cosmiques bénéfiques convergent vers le sommet de notre Faron appelé Phare ou Pharon à cause que c’est lui qui guide les pauvres pêcheurs perdus au milieu de la mer. Ils le veulent, pas en tant que cousins pour faire la fête, ce qui serait louable, mais en ennemis. Y sont en train de racheter toutes les propriétés au dessus de la Corniche, en partant de la villa du Luis Mariano d’autrefois, proche celle des parents de Walter et Robert Enrico. Et cela jusqu’au sommet. Regardez.
Les invités tournèrent la tête vers la rade du port et virent la montagne se dérouler jusqu’à la grille, vers la caserne, sous les fortifications, contre la ville. De cette vue imprenable on pouvait admirer la gare, la Place de la Liberté, le Pavé d’Amour, les quais et le Vieux Port.
-- Face aux « Puants », reprit la Zette gravement, se trouvent depuis toujours les « Hoirs », du nom de Hoirie, qui veut dire héritage.
Tout comme les « Hoirs », les « Puants » sont dit-on, des réincarnations du passé. Ils reviennent dans de nouveaux corps, en se souvenant des existences précédentes. Les vies passées des « Puants » sont toujours des réussites, célèbres par leur volonté de domination et de pouvoir. Ce groupe dangereux est une mafia qui comporte quelques éminences grises de Présidents des Etats principaux de la Terre, plus tous les dirigeants importants, avec aussi les grands chefs des multinationales.
Les « Hoirs », au contraire ont des antécédents modestes. Ils descendent souvent de simples paysans, de manants généreux, de pythonisses, sorcières divinatrices brûlées sur le bûcher, de bergers, de gens simples, et aussi de chercheurs désintéressés .
En font partie ceux qui en ont accepté le lourd fardeau de combattre la suprématie de la violence, de l’argent des nantis, des dictateurs, des combines et le reste. Parmi eux, se trouvent tous les courageux désintéressés qui veulent défendre la veuve et l’orphelin.
On retrouve donc, avec nous qui sommes les retraitées de la Maison du Mémorial, toutes les vieilles faronaises avec également une grande partie de juniors et séniors brillantissimes, mais faisant toutefois partie des illustres inconnus de la planète.
On croit que nous sommes des sorcières. Et nous en sommes. Une fois l’an nous nous réunissons pour juger du sort spirituel de la terre. Nous choisissons à cette occasion, les diverses actions à réaliser dans l’année en cours. Mardi prochain a lieu la huit cent quatre vingt douze millième « Nuit des Sorcières » et nous avons besoin de vous tous et de toi Bess en particulier.
Car tu connais toute la forêt, ses animaux, ses oiseaux, ses arbres. Convoque les ici, pour minuit au jour dit et alors nous t’expliquerons ce que tu devras faire.
La Zette, dite Suzette de son vrai prénom, regarda intensément la fillette. Mais celle-ci soutint fermement le regard. Elle l’aimait beaucoup la Mamie de sa cousine Yvette. Malgré toutes les soi-disant manifestations paranormales qui entouraient ces pratiques de sorcellerie elle n’en avait pas peur. Elle parla courageusement.
-- Si je peux faire quelque chose pour le Faron, je dis pas non. Mais je ne veux pas être mêlée à des choses que je ne comprends pas. Et c’est tant pis si je veux pas. Effrayée de dire non à ces terribles Mamets elle devint tout pâle. Mais la Zette lui sourit.
-- C’est bon. Nous ne te demanderons que du concret et ça ira. Bess respira. Elle avait confiance malgré tout. Ce qui n’était pas le cas de l’assemblée de spectateurs tout à fait impressionnés.
Les douze grands Mamets se sont levées. Elles ont ramassé leurs fauteuils pliants et sont reparties vers le Mémorial, tranquilles comme les braves vieilles qu’elles semblaient être. Mais Bess n’était pas rassurée. Sa mission ne lui disait rien qui vaille.
Et encore, elle ne savait pas tout. Il serait toujours assez temps pour elle de l’apprendre. Heureusement Granie la prenant par la main lui expliqua que bien des choses ne sont que des images. Ce qu’elle avait vécu ce soir n’était qu’une proposition futile, comme le sont tous les projets des êtres humains.
-- C’est nous qui décidons de notre destin dans l’instant présent, ajouta Gtanie. Si tu le désires, ce qui s’est passé cette nuit et les nuits précédentes ne sera qu’un jeu, comme tous ceux que tu apprécies tant d’habitude. Et alors tu n’auras pas peur.
-- C’est vrai. On sait bien que c’est seulement dans mon imagination que j’ai peur. Se dit Bess.
Mais à ce moment passa devant la lune un grand oiseau noir qui plana en silence et le souffle d’une brise fraîche traversa les branches des orangers. Alors on vit distinctement derrière les treillis, la silhouette de fées et d’elfes légers, danser autours de la douce Elodie, éclatante dans son habit de lumière et d’argent.
Même Maître Dong Fu les aperçut. Il ne semblait pas du tout étonné. Le son de la flûte se fit, tout à coup, entendre magiquement. Cela voulait dire que la veillée allait bientôt se transformer en nuitée pour envoyer les plus petits se coucher, laissant la place aux fanfares bigarrées venues de partout, une fois de plus, pour charmer l’assistance.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 4 autres membres