Aldo. Dimanche 26/06/2011 Signe D. pour démolition
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Des cris éclatent dans l'immeuble qu'Emilie a investi récemment. Le chien féroce du premier, qui hante souvent la cour du gardien, se trouve en ce moment même, au sous-sol, devant la cave 47, dans laquelle, elle est justement en train de travailler avec sa Cyber - machine.
Son maître, Aldo, le cherche sauvagement. La cristallisation de son état dévastateur préférentiel, le maintient en perpétuel bouillonnement. Il ne songe ni à la tendresse, ni à la poésie, ni à la bagatelle, surtout en ce moment. Il VEUT son chien et son dîner. Il les réclame tous les deux, simultanément à sa femme Flossie, en lui jetant au passage des regards haineux parfaitement réalistes.
Marié depuis quinze ans, rapportant sa paye régulièrement à la fin du mois, ce qui entre parenthèses n'est déjà pas si mal par ces temps de chômage exponentiel, il ne faut pas trop lui en demander. Douceur, politesse, respect et pourquoi pas, par dessus le marché, sexualité débordante, intelligence, imagination? Ce n'est pas un surhomme. Surtout quand il n'y a rien à manger et qu'il est presque vingt heures.
Il s'étrangle, s'égosille, s'émulsionne. Des glaviots se manifestent. Il ne fait pas bon rester devant. Il trépigne, vous crache du postillon. La bave lui coule du menton. Il insulte, vitupère, tonitruonne. Il savait que ça finirait mal. Qu'il irait se faire téter les yeux. Il est trop bon, voyez la rime. Les bordels de merde plein les ratiches, il saute à pieds joints sur le balcon à s'en faire péter la veine du cul, criant qu'on ne l'y reprendrait plus, apostrophant la terre entière, celle de ces petits salauds d'ordures, plus puants que cacas mortels.
OUI ! Il ne sait plus ce qu'il dit. Il voit rouge. La grossièreté sainement lui secoue les tripes. Elle vous saute à la face, vous saisit, vous malaxe dans une boue d'immondices, un torrent qui fait crever les digues, emporte tout sur son passage, remontant des tréfonds du gros intestin, venant vous éructer au visage. C'est Moïse cassant ses tables de la Loi en faisant exploser ses bretelles.
De sa cave Emilie n'en perd pas une miette. Elle est ravie. Aux premières loges grâce à Mimi qui enregistre le tout, avec les micros installés sur le balcon du premier, elle se régale.
Elle l'a sur grand écran, son terrible exemple de « Destructeur », son cobaye ravageur, son « Pessimiste-Destructif » type, placé en troisième position sur sa Courbe de Dynamisme. Les voisins catiminisent.
On ne sait pas si c'est après le chien qu'il en a, ou après sa pauvre femme. Ou encore, si c'est après le concierge, l'ascenseur, les poubelles, que les anathèmes se déversent.
Aldo, une fois déclenché, pédale dans la choucroute. Le forcené est alors en état d'anarchie par abus de compression dévastatrice. Le moteur s'emballe. Les rouages tournent à vide. C'est la crise. Le bruit monte à l'aigu. La grande machine tressaute. Elle veut aller plus loin, dépasser ses limites, s'auto - surpasser, se transcendavancer, puissance transcendance, réussir la gageure, l'impossible pari, l'inavouable aveu de tout anéantir. Il s'affole dans sa tête. Rejoint le jamais vu, par œil de Cyclope bouché de naissance. Il crie son impuissance devant tant de dégâts.
Ce serait bien à la limite, s'il s'arrêtait là. Seulement il a sa faille. Il veut toujours aller plus loin, encore plus loin, jusqu'à en finir. Ailleurs l'herbe est plus verte. Il faut boire et conduire. Bonjour les dégâts. Il exagère. Il touche la barrière du cervelet. Pris à la gorge par la précarité, la facticité de son pouvoir de déstructuration, l'état secondaire du primaire, la création-puissance de la démolition, il s'étouffe.
Dans cette pénible position actuelle, il en arrive à la sensation de ses limites pessimistes au bord du naufrage. Il le devine, voudrait y tomber. Il ne peut pas. Il est en descente vertigineuse. Il dégringole sa Courbe de Dynamisme, prêt à plonger dans le vide pour arriver plus vite en bas.
Mais la force centrifuge de sa désescalade l'en empêche. Gribouille, il veut sauter dans la rivière pour éviter la pluie, mourir pour cesser d'attendre la mort. NENNI ! IL NE PEUT PAS ! Il hurle sa défaite de ne pouvoir atteinte la défaite. Il gueule comme un veau. Il en veut au monde pourri qui le prive de la lutte finale.
Il n'a pas encore faim? Oui? Mais pourtant s'il voulait manger? Il n'aurait rien? La bouffe n'est pas prête. Donc il anticipe la catastrophe et en fait profiter tout le quartier. Il en appelle au ciel. L'insulte. Sort un poing de dix tonnes et le monte jusqu'à l'étoile du berger.
La rue entière fait des paris sur la provenance de l'orage. Un ours qui se serait fait prendre la queue dans l'ascenseur? La télévision qui déraille en plein débat politique entre la droite et la gauche? Dieu qui s'énerve par le tuyau d'aération?
Finalement l'interrogatif s'éclaire. Chacun reconnaît Aldo, l'affreux primate du second, qu'il ne faut pas pousser beaucoup pour qu'il traite la demoiselle d'à côté de vieille morue et le bourgeois du dessus d'enculé.
C'est lui. Pas de doute. On reconnaît la fréquence, la césure, la respiration, la montée rythmique. C'est un vrai poète des bas fonds. On peut le dire. Un dernier lyrique maudit pas écoutable.
A moins de se bourrer les oreilles d'ouate thermogène et de partir en Colombie antipodique.
Aldo est en ce moment même, bloqué au sommet de sa dévastation, dans une cristalisation supéractive de l'Instant. Il voudrait en terminer avec une explosion pour se calmer et arriver dans la Latence du bas de la Courbe. Il pourrait alors terminer la rétrogression de sa Personnalité excessive
C'est un type infect. D'accord ! Tout le monde vous le dira. Même lui. Ce sont ses titres de noblesse, sa fierté. Oui, il est abject, phallo - sado - parano - macho et raciste. Il trouve que ça lui fait gagner du temps. Il est lui-même sa propre catastrophe ambulante, venant juste de passer de phase Création en phase Destruction.
Emilie est admirative devant cette entité complète. C'est un personnage tout à fait convaincant, se complaisant dans la démolition. Il est à lui tout seul une centrale d'épuration, une révolution permanente consciente.
Il n'a pas le temps de procréer qu'il salit son fœtus et le piétine, ayant à peine souvenir de l'avorton.
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Pour lui, rien n'est plus fascinant que la Destruction. Il représente Don Juan à la puissance impossible, salissant sa conquête chérie. C'est Nietzsche ne préfigurant pas encore la fin du monde et son avènement à la séquence suivante. Il est le deuxième temps du moteur à explosion.
Il nie. Il dénie. Il lamente. Il se ronge le foie. Il prométhéisme. Il démissionne en votant. Il concasse l'urne. Il la dissout dans son venin. Il vous couvre de pipi, vous chasse. Il méprise. Il bave du crapaud. Il se met à l'œil l'éclat du miroir du diable, par lequel tout semble laid et le casse en force au passage. Il parle avec son lance-pierre, sa fronde, son lance-flamme, sa pompe gelée. Il s'autoperversiodestructive.
Il ne téléphone que pour gueuler ou vous emprunter de l'argent. Cette fois-ci, c'est pour se plaindre à Nicky, son voisin d'à côté qui n'y peut rien, le cousin d'Emilie grâce à qui elle est là. Il hurle par dessus la séparation commune du balcon. Les explications sont confuses. Il a trouvé un cadavre dans le placard de la cuisine en cherchant des conserves pour remplacer le dîner manquant.
Il faut l'entendre. On ne l'écoute jamais. D'abord des cafards, puis des crottes de rats. Ce réduit immonde sert vraiment de poubelle. Il ne laissera plus les clefs sous le paillasson. Le ton monte. On dialogue par les fenêtres de l'immeuble. Le téléphone sert de métronome. Aldo est plus pénible que d'habitude, c'est à dire de plus en plus égal à lui-même.
Par lassitude, Nick acquiesce. Le Tortionnaire en profite pour prendre l'avantage en se curant le nez jusqu'à la quatrième phalange. Poliment Nicky essaye de s'intéresser à la situation.
-- Un cadavre de quoi cette fois?
-- D'un être humain mâle, nu jusqu'à la ceinture, avec un bras coupé et le tatouage d'une ancre marine sur la poitrine.
Oh non ! Aldo exagère ! Il veut faire peur au concierge? Ou quoi ?
-- Et où est le bras? Questionne le pauvre jeune homme, Nicky en l’occurrence.
Aldo ne sait pas. Il part en week-end pour un entraînement avec les C.B.Commands. La course du printemps n'est pas si loin. Les machines ne seront jamais prêtes à temps, si on doit s'arrêter à des détails de cadavre. Surtout inconnu.. Que quelqu'un d'autre s'en occupe.
Par exemple Nicky qui n'a rien à faire justement. Enfin c'est Aldo qui le dit. Nicky n'a qu'à appeler la police. Nicky au contraire a beaucoup à faire. Qui le dit? Nicky précisément et il est le premier au courant.
Après tout, Flossie, la femme d'Aldo, dit la Frappe, dans cet instant précis de sa vie précaire, suggère que la police qui n'a que ça à faire… Aldo se fout de la police. Il part à la campagne ce soir, s'entraîner pour la Course du Printemps, avec Thomas et Alain, ses voisins d'en face, et copains d'enfance, l'un n'empêchant pas l'autre.
Leurs voiturettes non homologuées et motorisées au jus de betterave sont déjà dans le camion qui attend dans la cour, tous fanions dehors. Et ça, croyez-moi, CELA a de l'envergure. Vous pensez si les cadavres le laissent froid. Il n'est rentré chez lui que pour dîner, il l’a déjà dit, puis prendre sa femme au passage, et fermer le gaz par précaution.
Il aurait tout aussi bien pu partir directement de l'atelier qui se trouve au fond de l'impasse, pour retrouver les autres à la sortie de la ville. Sa voiture est prête, sa valise dedans. Son B.Command est dans la remorque. S'il prévient l'immeuble, c'est par charité, pour l'odeur. Le placard de la cuisine n'embaume déjà pas l'hiver, alors l'été. Par pure bonté, il rend service. Cela suffit. Basta, pitié !
Nicky, beau jeune homme pâle et tragique, grand, brun, intelligent, timide, humble, sans ressemblance avec sa cousine Emilie, se trouve hélas, présentement sur le balcon. Il s'intéresse intensément à son propre cas. Doit-il jouir de l'inattendu se déroulant hors de sa volonté? Ou libérer ses tensions latentes de parano, situé en Appréhension – Sensitive - Réceptive, de préférence, par un effort surhumain de refus?
Incapable de prendre une décision, Nick en profite pour se ronger les ongles jusqu'à l'os, et plonger dans le vide par l'échelle de secours. On devine une tête exsangue disparaître dans le lierre, happée, sucée, engloutie par les feuilles complices et dormantes. Pendant ce temps là, Aldo continue à crier en vain, sans soupçonner la lâche disparition de son interlocuteur.
Du fond de la cour, la concierge vient aux nouvelles. Peut-on lui dire ce qui se passe, sans la forcer à hisser jusqu'au deuxième étage, ses quatre vingt dix kilos de mauvaise graisse, même par bonds de vingt centimètres?
On la laisse crier. Ce qu'elle prononce devient irrécupérable. Les gargouillis s'emmêlent dans les volubilis pelés qui vrillent autour des gouttières. A force de dialogues de balcons en balcons, le quartier entier est au courant. Le pusillanime introverti, Nick lui-même, a réussi à s’évaporer totalement dans la rue.
En Machine Sensitive et Autonome parfaite, Mimi, à partir de la cave, a enregistré au moment de la fuite, le chuchotement de répulsion de Nicky. Elle arrive aussitôt à en analyser son angoisse. C'est un fragile. Elle l'avait immédiatement repéré au moment de l'installation d'Emilie, lors d'un bref séjour commun dans l'ascenseur avec les déménageurs.
Elle le lui avait signifié illico en pensant que l'information pourrait lui servir un jour. On a toujours trop tendance à se fier à sa famille. Et surtout, il ne faut JAMAIS, compter sur le réalisme d'un Sensitif-Réceptif. Voilà le conseil.
Emilie qui n'en a jamais eu cure, va le regretter maintenant, mais elle ne le sait pas encore. C’est que lui dit Mimi. Elle, la machine, aimerait se méfier de tout. Mais elle ne le peut pas, puisqu'elle est le reflet de sa trop confiante créatrice.
C'est vrai. L'amour de Nick pour ses cousins est trop fort. Et comme cet amour l'empêche de raisonner rationnellement, ses actions en deviennent souvent incohérentes, mais toujours fidèles.
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